ChatGPT - le consommateur de 2030, avec Isabelle Fabry

Le consommateur de 2030 vu par ChatGPT – avec Isabelle Fabry (ActFuture)

28 Fév. 2024

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Voilà une question, celle de savoir à quoi ressemblera le consommateur de 2030 – que nous avons posée à des experts des études marketing et de la prospective, dans le cadre de notre double dossier du mois (voir ici le premier et le second volet). Mais quel éclairage peut apporter l’IA et plus spécifiquement ChatGPT sur un tel sujet ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir avec cette interview d’Isabelle Fabry (ActFuture), qui fait partie des professionnels du market research ayant très vite intégré l’IA — et plus particulièrement ChatGPT — dans leur boite à outils.

MRNews : Vous utilisez ChatGPT dans des dispositifs d’études marketing quasiment depuis son lancement. Quels étaient vos a priori quant à sa capacité à apporter un éclairage pertinent sur le consommateur de 2030 ?

Isabelle Fabry (ActFuture) : Ah, on pourrait reprendre cette belle formule : « 100 % des gagnants ont tenté leur chance ! » (rires). Essayer, c’est déjà franchir la première étape. Parfois, l’IA se bloque, ne répond pas ou élude la question, ce qui peut être source de déception. Mais désormais, avec les options d’abonnement payantes, l’IA peut apporter de vrais éclairages quant à des tendances, sa base de connaissances n’étant plus limitée à décembre 2021. Ce qui était encore impossible il y a trois mois est donc aujourd’hui à notre portée. Un point que l’on peut néanmoins soulever est que, en France, Google domine largement le marché des moteurs de recherche, avec une part de marché supérieure à 90% là où Bing ne dépasse guère les 4%. Or, ChatGPT utilise principalement ce dernier comme source. Ce qui n’empêche pas que le résultat soit époustouflant, et nous pousse plus loin que ce que nos esprits humains pourraient imaginer à un instant T

Quelle question avez-vous donc posée à ChatGPT ? Et quelle réponse vous a-t-il livrée ?

Voici la copie de la session d’échange :

Vous avez tenté d’autres formulations. La valeur ajoutée des réponses a-t-elle varié en fonction de celles-ci ? 

Elles n’ont fait que modifier marginalement la réponse. J’ai naturellement lu de nombreux articles disponibles sur la rédaction de prompts efficaces. Mais j’ai observé, au fur et à mesure de mon usage, que ChatGPT avait fortement évolué. Même une interrogation très directe – du type de celle que l’on utilise pour une requête sur Google — génère aujourd’hui des réponses exploitables, alors qu’elles étaient nettement plus pauvres dans les tout premiers mois d’existence du logiciel. Il corrige même les fautes d’orthographe, et ce très poliment, sans en faire la remarque (rires). ChatGPT cherche manifestement à éliminer tous les obstacles pour ses utilisateurs, sans doute pour en maximiser le nombre.

J’ai notamment posé à ChatGPT la question suivante : « Quelles sont les tendances actuelles qui vous ont permis de projeter ces hypothèses sur le consommateur de 2030 ? ». L’output m’a paru intéressant, mais j’ai eu le sentiment — à tort ou à raison — qu’il était surtout construit pour justifier la réponse précédente, en conforter la cohérence. 

Néanmoins, j’ai poursuivi l’échange avec ChatGPT avec une question complémentaire, pour identifier quelles seraient les 5 priorités pour les marques sur la base de ces tendances. Et là les éclairages m’ont semblé bien plus pertinents. On pourrait même envisager prolonger l’exercice, en lui demandant d’indiquer les priorités dans tel ou tel secteur d’activité. (Ex. : Imagine que je suis une marque d’alimentaire, de voiture, en France, au Japon, etc)…

Qu’est-ce qui vous a le plus surprise dans les réponses de ChatGPT ? 

Trois points me semblent stupéfiants. D’abord la rapidité de la réponse — quelques secondes seulement — et sa pertinence. Il est évident qu’aucun humain ne peut apporter un tel éclairage en si peu de temps. Mais j’ai également été très positivement étonnée par sa capacité à approfondir chaque point dès qu’on le souhaite, surtout lorsqu’on doute de la validité de la réponse, et là encore de manière aussi rapide et pertinente. 

A l’usage de ChatGPT, je fais trois constats. Je crois d’une part qu’il faut être relativement expert des sujets que l’on aborde avec cet outil pour pouvoir juger ses réponses. J’ajouterai que, du fait de la richesse de celles-ci, son usage demande beaucoup plus de travail et de concentration qu’on ne pourrait l’imaginer. Et je dirais enfin que, là encore pour en tirer le meilleur parti, il convient d’adopter une attitude proactive et volontaire pour pouvoir s’engager pleinement dans les sujets que l’on traite avec lui. 

Quelles seraient selon vous les pistes pour pouvoir aller plus loin ?

J’ai évoqué l’énorme différentiel de parts de marché entre Bing — environ 4% — versus les 94% de Google, qui pointe donc une limite pour ChatGPT. Mais, plus largement, on peut s’interroger sur l’exhaustivité et la validité des données utilisées par l’IA. Qu’en est-il de l’intégration de toutes les grandes encyclopédies et dictionnaires du savoir, de la Historia Naturalis à 百度百科 (Baidu Baike) et 维基百科 (Wikipédia chinoise) ? Et d’autres ? Si des entités sources de connaissances bloquent leur accès à l’IA, nous serons limités à des données partielles. L’humain, cherchant à obtenir l’information la plus juste possible, doit donc croiser les premières pistes de réflexion générées par l’IA avec des sources vraies et identifiables sur le sujet (via Google ou autre), sachant que l’IA ne cite jamais les siennes.

Par ailleurs, en matière d’études de marché, il est essentiel de faire appel à l’humain. Il faut plonger dans les motivations profondes et exercer notre métier de manière authentique. N’oublions pas que celui qui décide et choisit reste l’humain du temps présent —le consommateur lambda de la vraie vie—, ancré dans la réalité. 

À l’échelle mondiale, ChatGPT a enregistré en moyenne 1,6 milliard de visites en décembre 2023, avec environ 180 millions d’utilisateurs actifs par mois. Pour ce qui est de répartition géographique des utilisateurs, 16 % se trouvent aux États-Unis, 7 % en Inde, 4 % en France et en Allemagne. Cela remet l’usage de l’IA et son impact en perspective avec la réalité humaine.

Au final, qu’avez-vous appris en menant cette démarche ? Quels conseils cela vous inspire-t-il ? Quels pièges faut-il éviter ?

Mon cerveau a enfin trouvé un partenaire à la fois stimulant et toujours disponible pour le reste de mes jours ! (rires) Le piège serait de perdre notre vigilance et notre esprit critique face à une information délivrée si rapidement et de manière si séduisante en apparence.

Plus sérieusement, pour piloter une Ferrari de dernière génération ou monter un pur-sang de compétition, il faut posséder des capacités techniques, émotionnelles et sensorielles supérieures à la moyenne. L’IA redonnera ses lettres de noblesse aux professionnels des études de marché qui sauront exploiter son potentiel et qui aspireront à être des consultants de haut niveau auprès des entreprises, tout en restant des humains respectueux de la vie et des vies.


 POUR ACTION 

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