Hervé Bridoux, International Customer Insight Manager - Auchan

« Nous aurons de plus en plus un rôle de facilitateur » – Interview ‘micro-portrait’ d’Hervé Bridoux (Auchan) 

13 Déc. 2023

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Il y a bien sûr des « dominantes » dans les profils des professionnels du market research, des « dénominateurs communs » parmi lesquels une forte curiosité vis-à-vis des êtres humains. Mais ceux-ci ne se ressemblent pas tous, heureusement, la fonction permettant à toute une mosaïque de sensibilités de s’exprimer. C’est ce que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui avec Hervé Bridoux, Consumer Insights Manager d’Auchan International, le nouvel invité — le 23 ème — dans notre galerie de « micro-portraits »

MRNews : Vous êtes CMI d’Auchan International. Quel est plus précisément votre rôle ? 

Hervé Bridoux (Auchan) : J’ai la responsabilité des études internationales. Cela recouvre la Prospective, l’idée étant d’anticiper ce qui va se passer demain en observant d’autres secteurs. Nous le faisons avec les instituts, mais cela suppose aussi un travail important de communication et de pédagogie en interne. Avec mon équipe, j’accompagne également les comités de direction des différents pays sur leur stratégie marketing. Nous intervenons également sur les enjeux d’Innovation ‘Produits’, pour alimenter la R&D. Nous menons pas mal d’études de type Ethno, notamment pour détecter les irritants clients. S’ajoute enfin à cela le monitoring de la marque, avec des indicateurs classiques de brand tracking ou de performances business.

Au-delà des étiquettes, mon rôle est de faire en sorte que le consommateur soit partout dans l’entreprise. Notre métier est parfois perçu comme étant essentiellement dédié à la réalisation technique d’études ou à la validation d’hypothèses. En réalité, je considère que l’essentiel commence après la présentation des résultats, lorsque nous travaillons avec les équipes pour mettre en perspective les enseignements et surtout définir les ‘pour action’.

Je considère que l’essentiel de notre métier commence après la présentation des résultats, lorsque nous travaillons avec les équipes pour mettre en perspective les enseignements et surtout définir les ‘pour action’.

C’est au fond un métier d’accompagnateur ?

Oui, je vois les choses ainsi. Nous devons être des consultants internes, des accompagnateurs et même des facilitateurs. Et ne pas nous enfermer dans la posture du sachant, de l’expert qui délivrerait des résultats et des recommandations essentiellement à partir de sa propre analyse des informations. Si on fait cela, on se coupe de la puissance de l’intelligence collective qui me semble être une arme majeure.

Bien sûr, lorsque nous menons une étude sur un concept, nous apportons le recul que ne peuvent pas avoir les gens qui ont travaillé dessus pendant des mois ou même des années. Cela nous permet de les challenger et de les embarquer dans une réflexion collaborative dont vont naturellement émerger des conclusions pertinentes. Le fait qu’elles soient collectives et partagées leur donne beaucoup plus de forces au moment du passage à l’action, et c’est bien cela qui importe le plus. Notre métier, c’est de poser les bonnes questions, de stimuler, en nous imprégnant de ce que l’on sait y compris sur d’autres domaines que les nôtres.

Nous devons être des consultants internes, des accompagnateurs et même des facilitateurs. Et ne pas nous enfermer dans la posture du sachant, de l’expert qui délivrerait des résultats et des recommandations essentiellement à partir de sa propre analyse des informations. Si on fait cela, on se coupe de la puissance de l’intelligence collective qui me semble être une arme majeure.

Quelle est votre formation ? Et quel déclic vous a mené vers les études marketing ? 

Je suis diplômé d’une école de commerce lilloise, l’IÉSEG. J’ai enchainé par un troisième cycle dans l’univers du tourisme, et c’est donc naturellement dans celui-ci que j’ai eu ma première expérience professionnelle. J’étais organisateur de voyages ! Et cela me plaisait beaucoup de comprendre les cultures, les traditions, de rencontrer les gens. Mais je me suis dit que les études marketing pouvaient me permettre d’aller plus loin encore dans cette logique…

Ce n’est pas très « sexy » mais le déclic est venu lors de ma première expérience pour Iéseg Conseil, la Junior Entreprise de mon école de commerce. Je me suis retrouvé sur le terrain à interroger des chauffeurs routiers sur les aires d’autoroute. C’était peut-être la première fois que je découvrais un monde aussi différent de celui dans lequel je vivais au quotidien. Et j’ai trouvé ça génial ! C’est certainement à ce moment-là que tout a commencé.

Lire aussi > Retrouver l’intégralité des ‘micro-portraits’ consacrés aux responsables Insights / Market Research travaillant coté annonceurs

Après cette première expérience dans le tourisme, vous vous lancez donc dans les études marketing, côté instituts…

Absolument ! D’abord au sein de MV2, puis ensuite chez CSA, où j’ai vraiment commencé à me former aux différentes méthodologies d’études, et où je me plaisais beaucoup. Mais, assez vite, GfK m’a proposé de les rejoindre, ce que j’ai accepté notamment parce que j’étais séduit par la dimension internationale de leur activité. J’ai eu la chance de pouvoir travailler pour deux grands comptes, PSA et aussi la Compagnie des Alpes après avoir remporté un gros appel d’offres. Les sujets étaient multiples et passionnants, que ce soit sur la satisfaction-client, les segmentations de marché, le positionnement…

En 2015, un chasseur de têtes m’a mis en contact avec le groupe Auchan. La société souhaitait créer un département Etudes Internationales alors qu’il n’y avait à l’époque que des structures locales. Et je me suis décidé à relever le challenge… Pendant deux ans, j’ai pris mon bâton de pèlerin pour essayer d’expliquer à quoi servent les études et l’intérêt d’avoir une vision internationale. J’ai eu des moments de doute, jusqu’à ce que je prenne conscience que mon métier était de créer la rencontre entre les collaborateurs de l’entreprise et les consommateurs. La user centricity, ça a vraiment du sens ! Et chez Auchan, elle est très reliée au business, les équipes sont « cablées » ainsi, elles sont très pragmatiques. Ce que je préfère c’est quand, grâce à une remarque d’un client ou juste grâce à une observation chez les habitants, les équipes voient d’elles-mêmes le décalage. Les études « ethno » —, ça leur parle !

La user centricity, ça a vraiment du sens ! Et chez Auchan, elle est très reliée au business, les équipes sont « cablées » ainsi, elles sont très pragmatiques. Ce que je préfère c’est quand, grâce à une remarque d’un client ou juste grâce à une observation chez les habitants, les équipes voient d’elles-mêmes le décalage. Les études « ethno » —, ça leur parle !

Jusqu’ici, qu’est-ce qui vous a apporté le plus de plaisir dans cette fonction ?

Dans les premiers temps, il était très associé au challenge « intellectuel », le fait de chercher à produire les analyses et les recommandations les plus justes, ayant le plus d’impact auprès des équipes. Aujourd’hui, c’est différent… Cela s’inscrit d’abord et avant tout dans un travail collectif. C’est vraiment le pied lorsqu’on parvient à trouver ensemble des solutions, et que l’on va ainsi bien plus loin que là où je serais allé par moi-même. 

Quelles ont été les rencontres les plus marquantes dans votre parcours ?

Il y en a eu beaucoup ! Je pense en particulier à un professeur que j’ai eu en Australie, qui m’a fait découvrir l’univers du marketing. Je buvais ses paroles pendant les cours ! Chez CSA, j’ai beaucoup apprécié de travailler avec Jean-Bernard Lainé qui était mon supérieur hiérarchique et qui m’a vraiment appris la rigueur et les bases du métier. Au sein de GfK, j’ai rencontré beaucoup de gens inspirants, comme Helen Zeitoun, Fabien Rondeau, François-René Crocquet. Ou bien encore Alexis Helcmanocki, qui m’a lui beaucoup appris sur le registre de la « business orientation » et l’importance de toujours pensé business plus que nice to know… travers dans lequel on peut vite tomber.

Si vous ne faisiez pas ce métier, que feriez-vous ?

Je travaillerais probablement dans une fonction où ce rôle de facilitateur serait important et où l’intelligence collective aurait la part belle. C’est la première option. La seconde serait la voie du tourisme, toujours avec cette même idée de faciliter la rencontre entre les gens, qui est quelque chose qui me tient vraiment à cœur. J’aime faire se connecter des personnes qui auraient à priori très peu de chances de se croiser. Et, après tout, il est possible d’avoir ce rôle dans des fonctions et des univers très différents.

J’aime faire se connecter des personnes qui auraient à priori très peu de chances de se croiser. Et, après tout, il est possible d’avoir ce rôle dans des fonctions et des univers très différents.

Quel conseil donneriez-vous à un junior qui envisagerait de travailler dans le domaine des études marketing ?

Vas-y ! S’il en a envie bien sûr, et s’il est curieux parce que c’est une condition clé, je lui dirai de ne pas hésiter, de se lancer. C’est un métier passionnant, dans lequel il va pouvoir rencontrer plein de gens et de problématiques différentes. Et contribuer ainsi aux prises de décisions dans les entreprises. Sans doute je lui conseillerai de démarrer par l’institut, qui est un bon endroit pour se former, apprendre une forme de rigueur, et aussi pour pouvoir découvrir beaucoup de choses / de méthodologies, quitte à se centrer ensuite sur un secteur plus précis en passant côté annonceurs. 

Peut-être un autre point important serait d’intégrer très tôt la convergence croissante entre les domaines du market research, de l’intelligence marketing et de la data. Cela aura de moins en moins de sens de cloisonner ces disciplines à l‘avenir.

Une dernière question enfin : si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous dans l’univers des études marketing ?

Il y aura sans doute toujours une expertise associée à ce métier, mais ma conviction est que nous devons la dépasser, et surtout être de bien meilleurs communicants. Souvent, la valeur que nous pouvons apporter aux entreprises est sous-exploitée du fait de nos faiblesses dans ce registre. On ne doit pas hésiter à sortir des codes habituels, à ne pas trop se prendre au sérieux si cela permet de mieux faire circuler l’information. Sans doute aussi notre profession aurait à gagner en renforçant son orientation business. C’est la clé, il faut identifier l’information la plus pertinente pour le business de l’entreprise et bien la communiquer, au bon moment et aux bonnes personnes !

* Hervé Bridoux (Auchan) est membre du Golden Club MRNews


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