# Comment optimiser l’Expérience Client dans un monde qui n’est pas celui des bisounours ?
Bruno François - La Voix du Client

"La créativité déployée autour de l’Expérience Client gagne à se nourrir de solides études"

Bruno François
Directeur du Développement de La Voix du Client

4 Déc. 2023

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Sur ce thème qui est pourtant majeur pour elles, celui de l’Expérience proposée aux clients — avec donc l’enjeu de leur fidélité —, les entreprises font régulièrement le constat d’un trop faible impact de leurs actions. Bruno François (La Voix du Client) nous livre sa vision sur le pourquoi de cette inefficacité ainsi que sur les conditions clés à réunir pour obtenir des résultats plus probants. 

Quels points vous marquent le plus dans la façon dont les entreprises abordent la problématique de l’Expérience Client aujourd’hui ? 

Bruno François (La Voix du Client) : Les pratiques et les perceptions des entreprises sont naturellement hétérogènes. Mais leurs équipes nous semblent souvent frustrées lorsqu’elles font le bilan de leurs actions, qui n’ont qu’un trop faible impact sur leurs KPI et sur la fidélité effective des clients. Elles en arrivent ainsi à douter de l’utilité de ces programmes. 

Les équipes des entreprises nous semblent souvent frustrées lorsqu’elles font le bilan de leurs actions, qui n’ont qu’un trop faible impact sur leurs KPI et sur la fidélité effective des clients. Elles en arrivent ainsi à douter de l’utilité de ces programmes. 

Elles reproduisent deux schémas qui, de notre point de vue, expliquent cette relative inefficacité. Dans le premier cas, l’organisation ne parle plus de Satisfaction Client, mais d’Expérience Client, sans avoir pour autant modifié ses dispositifs. Seul le nom a changé ! Elle passe alors à côté de l’intérêt majeur de ce concept d’Expérience Client… Dans le second, l’entreprise s’engouffre dans des démarches de design de cette expérience, mais en se cantonnant à un travail « en chambre » et/ou à des approches purement qualitatives, en se bornant à quelques entretiens ou focus groups… et donc sans s’appuyer sur une connaissance rigoureuse des clients et de leur vécu… 

Le concept d’Expérience Client fait-il vraiment avancer les choses…

Oui, absolument. Des limites apparaissent du fait que les organisations passent souvent par une sorte de « premier âge » de l’Expérience Client, qui se construit en s’opposant aux méthodes marketing traditionnelles. C’est une façon d’arrêter de parler en termes guerriers (conquête, cibles,…) et d’entrer en empathie avec le client à la fois pour lui éviter des irritants et créer des effets waouh, le tout en étant « joyeux » (rires)

Mais oui, la notion d’Expérience Client apporte beaucoup, grâce notamment à la puissance du concept de Parcours Client. Nous n’avons pas le moindre doute sur la pertinence du point de vue des clients, et sur l’efficacité des méthodes qualitatives. C’est une option efficace pour bien comprendre leurs perceptions et le contexte dans lequel elles s’imbriquent, appréhender la vision qu’ils ont des propositions concurrentes, avec la possibilité de zoomer / dézoomer et d’identifier les irritants ou au contraire les enchanteurs.

Des limites apparaissent du fait que les organisations passent souvent par une sorte de « premier âge » de l’Expérience Client, qui se construit en s’opposant aux méthodes marketing traditionnelles (…). Mais oui, la notion d’Expérience Client apporte beaucoup, grâce notamment à la puissance du concept de Parcours Client.

Il est cependant dommageable de se limiter à cela. De notre point de vue, il faut impérativement associer cette vision à celle que procurent d’autres outils classiques du marketing. Et en particulier les approches quantitatives qui apportent la rigueur nécessaire, en travaillant sur des échantillons représentatifs.

Quelle est la bonne démarche pour disposer au global des diagnostics opérants ?

Dans un premier temps, il importe de bien définir quels sont les segments de clients prioritaires pour action. La réflexion doit naturellement intégrer le paramètre de la valeur de ceux-ci, non pas seulement à court terme, mais sur la durée. Pour une banque par exemple, on peut imaginer qu’elle doive se donner les moyens de fidéliser le plus possible des clients jeunes à potentiel. D’autant que ceux-ci sont vraisemblablement plus volatils que des populations plus âgées. Pour mener à bien cette phase-là, les outils quantitatifs et les données internes de l’entreprise aident à bien camper le paysage. 

Dans un premier temps, il importe de bien définir quels sont les segments de clients prioritaires pour action. La réflexion doit naturellement intégrer le paramètre de la valeur de ceux-ci, non pas seulement à court terme, mais sur la durée.

Vient ensuite un indispensable travail de « modélisation », pour identifier les étapes et/ou les composantes de l’expérience qui contribuent le plus à la qualité de la relation, que celle-ci soit mesurée via des indices de satisfaction globale ou des intentions de recommandation. On peut alors hiérarchiser les attentes. Et, par la même occasion, appréhender la performance des concurrents pour se benchmarker ainsi que les axes de différenciation possibles.

Vient ensuite un indispensable travail de « modélisation », pour identifier les étapes et/ou les composantes de l’expérience qui contribuent le plus à la qualité de la relation (…). Le troisième grand temps consiste à mettre à plat de ce que l’on peut appeler le Parcours d’infidélité.

Le troisième grand temps consiste à mettre à plat de ce que l’on peut appeler le Parcours d’infidélité : quelles sont les étapes critiques ? Quels sont les signes avant-coureurs, mais aussi les déclencheurs du départ ?

Ce diagnostic doit donc être effectué en laissant une place clé aux études quantitatives…

Oui, celles-ci sont rigoureusement indispensables pour disposer d’une vision fiable et pouvoir réaliser les analyses statistiques nécessaires à la compréhension d’un certain nombre de phénomènes. Je pense en particulier à la notion de « contribution », ou à des corrélations qui permettent d’identifier des schémas perceptifs importants. Dans un cas client, nous avions pu par exemple détecter que l’impression d’un manque de propreté aux abords de la caisse du magasin rejaillissait sur plein d’autres perceptions.

Dans cette phase de diagnostic, on met naturellement le focus sur les clients « actifs » de l’entreprise, mais il est très bénéfique d’ajouter un coup de loupe sur les prospects qui ont été en contact avec la société (ils sont rentrés dans un point de vente, ont éventuellement demandé un devis, …), sans que cela se traduise par une transaction. De même, en aval, on peut apprendre beaucoup en interrogeant les clients « partis » ou « résiliés », pour bien connaitre les raisons de leur départ.

il est très bénéfique d’ajouter un coup de loupe sur les prospects qui ont été en contact avec la société sans que cela se traduise par une transaction. De même, en aval, on peut apprendre beaucoup en interrogeant les clients « partis » ou « résiliés », pour bien connaitre les raisons de leur départ.

Les approches qualitatives ont toute leur place dans ce diagnostic. Mais, de notre point de vue, elles prennent tout leur intérêt lorsqu’elles viennent en complément de la quantification, pour zoomer / dézoomer, et bien comprendre les perceptions de façon très souple, en suivant la logique des clients.

Les approches qualitatives ont toute leur place dans ce diagnostic. Mais, de notre point de vue, elles prennent tout leur intérêt lorsqu’elles viennent en complément de la quantification.

Un mot sur les KPI. Le NPS est aujourd’hui très utilisé. Considérez-vous qu’il soit un bon indicateur de pilotage ?

Nous pensons plutôt du bien du NPS. Bien sûr, il faut éviter certaines dérives. La question de la « recommandation » n’est pas toujours pertinente. Quid par exemple de recommander le Service Client d’une entreprise ? Il serait plus judicieux de demander aux clients qui ont été en contact avec lui s’ils sont satisfaits. Et, par ailleurs, il n’est pas souhaitable de sursolliciter les clients. Vous allez à l’hôtel, vous allez sans doute vous lasser si on vous interroge juste après être passé à la réception, puis au moment où vous entrez dans votre chambre et enfin une troisième fois au moment du départ… 

Mais l’indicateur a beaucoup de vertus, dont une forme de « sévérité ». Les promoteurs sont les individus qui donnent une note de 9 ou 10 à la question des intentions de recommandation. S’intéresser à leurs perceptions permet d’identifier les leviers les plus efficaces à actionner, bien plus que si l’on agrège les réponses des « très » et des « plutôt » satisfaits. Donc oui, le NPS nous semble un bon indicateur, mais il ne peut pas prétendre remplacer tous les autres. Il nécessite souvent d’être doublé, en amont, d’une question portant plus spécifiquement sur la notion de satisfaction pour éviter des interrogations trop artificielles. Et aussi par des questions sur les grandes composantes de l’expérience, qui aident à comprendre le pourquoi des notes de recommandation.

Nous pensons plutôt du bien du NPS. Bien sûr, il faut éviter certaines dérives(…). Mais l’indicateur a beaucoup de vertus, dont une forme de « sévérité » (…). S’intéresser aux perceptions des « promoteurs » permet d’identifier les leviers les plus efficaces à actionner.

Ces études permettant de hiérarchiser les attentes des clients sont relativement lourdes. À quelle fréquence conseillez-vous de les effectuer ? 

Le rythme doit être adapté au cas par cas, en fonction de la vitesse à laquelle les attentes des clients peuvent évoluer. Les équipes des entreprises surévaluent souvent celle-ci. Dans beaucoup d’univers, on peut réaliser ce type d’étude tous les 3 ou 4 ans, cela me semble être un bon ordre de grandeur. Ce qui n’empêche surtout pas d’avoir des baromètres réguliers, permanents, pour suivre d’un côté la performance globale (satisfaction et intentions de recommandation), mais aussi des points spécifiques sur lesquels l’entreprise s’est donnée des objectifs de progrès.

Nous avons évoqué l’aspect diagnostic. Passons à l’accompagnement. Quelles sont vos convictions sur la bonne façon de mener celui-ci ?

Pour dire les choses sans détour, il arrive encore trop souvent que les baromètres de satisfaction et plus largement les programmes dédiés à ces enjeux dans les entreprises ne servent pas à grand-chose… Je ne fais qu’exprimer une évidence, mais ces outils n’ont de sens que s’ils constituent à la fois une incitation et une aide à l’action. Ils doivent permettre de faire des choix structurants pour optimiser, et construire ainsi une Nouvelle Expérience Client : pour quels clients ? À quelles étapes et en travaillant sur quelles composantes d’Expérience ? Et avec quel ROI envisagé ?

Je ne fais qu’exprimer une évidence, mais ces outils n’ont de sens que s’ils constituent à la fois une incitation et une aide à l’action. Ils doivent permettre de faire des choix structurants pour optimiser, et construire ainsi une Nouvelle Expérience Client : pour quels clients ? À quelles étapes et en travaillant sur quelles composantes d’Expérience ? Et avec quel ROI envisagé ?

Il y a donc un vrai intérêt à ce que nous en tant qu’institut — et nos interlocuteurs —participions aux ateliers consacrés à la définition de l’Expérience Client « cible ». D’une part pour éviter les risques de dérapage inhérents à tout processus créatif et garantir la prise en compte des connaissances acquises. Également pour aider à sélectionner les bons KPIs, c’est à dire à la fois leur nature, mais aussi le niveau visé qui ne doit pas être trop ambitieux au départ. Et bien sûr enfin pour adapter les baromètres, afin de mesurer en continu ces KPI.

Si vous ne deviez donner qu’un seul conseil aux équipes qui travaillent sur ce thème de l’Expérience Client dans les entreprises, lequel serait-ce ? 

La logique qui nous semble devoir être privilégiée consiste à imbriquer le travail sur l’Expérience Client avec les approches « classiques » des études de satisfaction. 

Une écoute qualitative souple des clients est nécessaire, de même que de déployer une vraie créativité, avec des gens qui ont cette compétence et ce savoir-faire. Mais celle-ci doit se nourrir d’une connaissance robuste, en s’appuyant sur les données internes à l’entreprise et sur des études quantitatives solides. Ce sont elles qui permettent de définir le bon « terrain de jeu ». À partir de là, les démarches créatives de construction d’expérience peuvent s’épanouir et apporter toute leur valeur, au bon endroit, au bon moment, et auprès des bons clients.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’ interviewé(e) : @ Bruno François

  • Retrouver les points de vue des autres intervenants du dossier 

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