(Micro)portrait : Anne Dionisi-Fung, Shopper Marketing Intelligence Director chez Carrefour, et co-représentante Esomar pour la France

22 Fév. 2013

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Suite à sa récente nomination au titre de co-représentante France d’Esomar, en tandem avec Elisabeth Martine-Cosnefroy, Anne Dionis-Fung était toute désignée pour compléter notre galerie de portraits des responsables études côté annonceurs, aux cotés d’Emmanuel Malard, Denis Morlat, Frank Brezout, Béatrice Jung, Isabelle Besnard et Anne-Marie Thiebaut.
Elle a accepté de se prêter au jeu des questions de Market Research News pour évoquer son parcours, ses priorités au sein d’Esomar et sa vision des enjeux pour les études marketing.

Market Research News : Vous avez occupé des responsabilités marketing successivement chez Procter & Gamble, Johnson, IFF, LVMH, Prisma Presse, Gruner + Jahr. Vous travaillez maintenant pour Carrefour en étant également déléguée Esomar pour la France. Qu’est ce qui fait courir Anne Dionisi-Fung ?

Anne Dionisi-Fung : C’est sans aucun doute la curiosité et une attirance très forte pour la diversité. J’éprouve naturellement le besoin de m’imprégner de la diversité des sujets, des environnements, des cultures d’entreprise. Tous ces secteurs dans lesquels j’ai eu l’occasion de travailler sont tous complémentaires : la grande consommation, le luxe, les médias, et maintenant la distribution. Et tout cela est centré autour du client , du consommateur. C’est ce qui m’intéresse le plus, de voir tout ce qui gravite et s’orchestre autour de lui, avec ces différentes sphères.

C’est votre façon de faire le tour du consommateur ? Mais d’où vous vient cet intérêt pour la compréhension du consommateur ?

Ma génétique est multi-culturelle puisque je suis eurasienne, mi-chinoise, mi- européenne, avec des origines allemandes, françaises, belges et hollandaises. J’ai vécu en Asie pendant 7 ans à Singapour,  j’ai passé 4 ans à Londres et 3 ans en Allemagne. Le fait de changer ainsi régulièrement de pays renforce la nécessité d’être à l’écoute, de décoder, de comprendre les gens. C’est nécessaire pour s’adapter, s’intégrer et apprécier l’environnement et la culture dans laquelle on vit.

Ce besoin de comprendre aurait pu s’appliquer à d’autres domaines. Pourquoi le marketing, pourquoi le consommateur ?

Le marketing m’a attiré parce qu’il fait le pont entre l’écoute et la création, qui sont deux polarités très évidentes pour moi. Différents stages que j’ai pu réaliser, notamment chez Nestlé, ont eu l’effet d’une révélation. Mon père a peut-être aussi apporté une étincelle importante, en me renvoyant le fait que mon profil pouvait s’épanouir dans le marketing, qui était alors une fonction en plein essor, avec certains traits de caractère qu’il entrevoyait chez moi : sans doute du dynamisme, mais aussi le sens de l’écoute et cet intérêt pour la création.

J’imagine que votre fonction chez Carrefour est très accaparante. Pourquoi avez-vous ressenti le besoin de vous investir dans cette mission de déléguée d’Esomar, en tandem avec Elisabeth Martine-Cosnefroy ?

Pour moi, c’est une superbe opportunité pour prendre du recul, dans un quotidien qui est effectivement particulièrement intense. C’est une organisation qui est stimulante, avec un très haut niveau de professionnalisme, et j’y retrouve aussi des composantes essentielles pour moi : la dimension internationale bien sûr, mais aussi la pratique assez systématique de l’échange autour des bonnes pratiques. Le fait de travailler avec cette casquette de représentante des annonceurs, à côté d’Elisabeth, me fait bien me retrouver au cœur des évolutions de notre métier, ce que je trouve bien sûr extrêmement intéressant.

Quelques semaines après avoir été désignée co-représentante Esomar, qu’est-ce qui vous étonne le plus, et quelles sont les priorités que vous vous fixez dans le cadre de cette mission ?

Il y a un constat à la fois objectif et évident : les annonceurs sont peu présents au sein de l’organisation. C’est un petit point d’étonnement, mais aussi ma priorité principale : faire en sorte que plus de personnes nous rejoignent côté annonceurs, dans un contexte où la dimension internationale est devenue majeure. Aujourd’hui, tous les groupes sont internationaux, et on ne peut plus travailler en solo au moment où tout est en train d’être bouleversé : les mécaniques d’enquête, l’influence des technologies, des réseaux sociaux … Il y a réellement beaucoup de choses à faire, et il faut que l’on travaille ensemble, avec les annonceurs et les instituts. C’est comme cela que l’on parviendra à être plus efficace et à gagner du temps sur des chantiers majeurs

Est-ce qu’il y a des chantiers qui vous tiennent plus particulièrement à cœur ?

Il y a des enjeux décisifs autour de la fonction des études. Comment celle-ci va évoluer, en intégrant de nouvelles compétences, tout en gardant son essence. On parle beaucoup de la big data, même si je préfère le terme de « data value »,  qui constitue bien évidemment un chantier essentiel : comment analyser et utiliser ces données, en bonne complémentarité avec les dispositifs traditionnels. Mais je pense aussi à des chantiers qui là aussi me concernent de très près chez Carrefour , comme la compréhension de ce qui se passe sur le point de vente, au moment de l’acte d’achat,  ou comment accélérer les ventes grâce à des plans d’activation optimal – magasin et hors magasin. C’est un enjeu excessivement important : dans un contexte de crise en période de crise où tous les budgets sont serrés pour les clients/consommateurs comme pour les fabricants et les distributeurs, c’est là où ça se passe du point de vue business. Et nous avons certainement de gros progrès à faire pour optimiser cette compréhension-là.

Votre expérience vous a conduite à travailler avec des instituts dans différents pays. Comment voyez-vous les français comparativement avec leurs homologues étrangers ?

Les instituts français sont au global nettement plus qualitatifs. Nous sommes plus focalisés sur la compréhension, sur ce que les anglais appellent le « Why Why Why », avec une forte prégnance des sciences humaines, de la psychologie, de l’ethnographie. Nous sommes manifestement bons dans ce domaine, c’est une vraie force. Il me semble que nos faiblesses sont plus du côté de la communication : nous devons sans doute progresser sur la capacité à packager les approches : les mettre en scène, leur valoriser et donner envie , être plus impactant et plus « focus » dans nos façons de communiquer.

Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous dans ce petit univers des études et de la recherche marketing ?

Je crois que j’apporterais d’abord plus de créativité. Il me semble que celle-ci fait plutôt défaut, notamment dans les outils, les approches. Il y a pas mal de frilosité, tant chez les instituts que chez les annonceurs ; on hésite à essayer de nouvelles choses, à expérimenter. C’est frappant lorsqu’on fait la comparaison avec d’autres cultures, en particulier avec les anglo-saxons ou même avec les germaniques, qui sont plus enclins au « Learning by doing » ou « Test&Learn ». Dans les priorités, il me semble aussi nécessaire de parvenir à un meilleur fonctionnement en équipe, selon des modes où chacun apporte son expertise et où l’on s’enrichit mutuellement. Là encore en comparaison avec d’autres pays, nous avons beaucoup tendance à fonctionner en silo, avec le marketing, les études et le commercial chacun de leur côté.

Enfin, nous l’avons déjà évoqué, Il faut certainement aussi que nous soyons de meilleurs communicants. Il y a de belles initiatives, comme le Printemps des Etudes ou Market Research News, mais il faut que nous allions tous dans cette direction de montrer et de démontrer la valeur qui est apportée par les études. C’est un travail qui passe par tous les acteurs. Lorsqu’on voit l’absence de certains instituts significatifs au Printemps des Etudes par exemple, j’avoue que c’est quelque chose que j’ai du mal à comprendre ; on a besoin de leur présence. Il y a un certain renouveau des études, mais il faut que cet élan soit fortement amplifié, avec des jeunes, et avec l’implication du plus grand nombre possible d’acteurs.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Anne Dionisi-Fung


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