(Micro)portrait : Frank Brezout, directeur des études marketing internationales – Parfums Christian Dior

19 Avr. 2012

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On peut être centralien de formation et se passionner pour les études qualitatives ; être séduit par l’univers de la cosmétique et du luxe après être passé par l’automobile et les télécoms ; et en être à sa 7eme fonction tout en ayant toujours l’impression d’avoir quelque chose à apprendre ! C’est avec l’exemple de Frank Brezout, directeur des études marketing internationales pour la marque Christian Dior que nous poursuivons ici notre galerie de micro-portraits de ces acteurs qui ont fait le choix de la profession des études marketing côté annonceurs.

Quelle est votre fonction ?

Je suis directeur des études marketing internationales pour Dior, en charge des études relatives au développement de la marque et des produits sur les catégories soin, maquillage et parfum. Cela recouvre aussi bien des études d’image de la marque que des tests de développement produits, que ce soit au niveau des idées, de la formule ou de la communication, avec 2 chargées d’études marketing. J’ai également dans mon équipe une personne en charge des études panels, et de l’analyse des ventes au niveau mondial, ainsi qu’une personne en charge de la veille. La spécificité quand on travaille pour une grande maison de luxe comme Dior est que les études ne sont pas là pour valider : on ne peut pas se contenter de validation dans un secteur aussi concurrentiel que les cosmétiques de luxe, où la nécessité d’innovation est immense. Il s’agit donc d’abord de nourrir la réflexion, d’identifier des opportunités, d’accompagner le développement en  sources d’inspiration.

Quelle est votre formation, quel est votre parcours ?

A la base, j’ai une formation d’ingénieur ; j’ai fait Centrale sans avoir une idée précise de la fonction que j’occuperais, surtout parce que je me débrouillais bien avec les maths, mais sans avoir en réalité un intérêt prononcé pour les matières les plus techniques. En dernière année, j’ai pu suivre une option intitulée Innovation – Conception – Production qui m’a permis de découvrir un peu les coulisses d’un développement produit. Cela m’a donné une première approche du marketing, que j’ai eu envie d’approfondir en faisant un mastère marketing à HEC, où la dimension études était abordée de façon assez conséquente.

Après cela, j’ai démarré mon parcours professionnel chez PSA Peugeot Citroën, où je me suis occupé pendant deux ans des études d’image et des tests de style sur les futurs véhicules : ce que l’on appelle les « tests cliniques », qui sont réalisés 3 ans avant la sortie d’un véhicule, sur des maquettes à grandeur réelle. C’est là que j’ai réellement découvert les études qualitatives, qui m’ont intéressé au point de m’inciter à suivre un cursus universitaire en psychologie. Au bout de deux ans, j’ai participé à la création d’une nouvelle entité marketing dédiée à l’innovation et à la prospective : il s’agissait de réfléchir encore plus en amont, à horizon 5-10 ans,  et de faire travailler ensemble en créativité des marketeurs, des designers et des ingénieurs. Puis j’ai voulu m’orienter vers les nouvelles technologies et je suis parti chez Vizzavi, un site internet de la galaxie Vivendi. Il s’agissait d’une des toutes premières expériences en internet mobile et il y avait tout à apprendre dans un marché qui n’existait pas encore ; pourtant, on sentait déjà des besoins consommateurs émergents, et en créativité on aboutissait à des idées qui paraissaient impossibles à l’époque, mais ont ensuite pris forme avec facebook ou l’iphone.

Je suis arrivé chez L’Oréal en 2002, pour créer un poste études dans la division luxe sur la zone Europe. Cela m’a notamment permis d’être en contact avec l’ensemble des pays et avec l’ensemble des marques. Il s’agissait d’aider les pays d’Europe dans leurs optimisations des lancements en local, et surtout de comprendre les spécificités de chacun pour nourrir les futurs développements des marques : en montrant par exemple que le parfum ou l’anti-âge pouvaient être très différents entre l’Allemagne et l’Angleterre . Je me suis ensuite occupé des études sur la marque Vichy pendant 4 ans, à un moment où la marque connaissait un fort développement à l’international, en Asie, en Europe de l’est, et était en lancement aux USA. Après cela je suis parti vers la Division Grand Public (sur les marques L’Oreal Paris, Garnier, Maybelline), au sein d’un service transversal, pour réfléchir aux méthodologies et à la façon dont on pouvait faire évoluer la façon de faire les études. Et je suis enfin chez Dior depuis Septembre dernier.

Qu’est-ce qui vous a conduit à faire des études marketing votre profession ?

cela s’est fait un peu progressivement. Lorsque je suis sorti de Centrale, je n’imaginais même pas que le métier des études existait ; mais j’avais été très séduit par tout ce qui tournait autour de l’innovation et du développement des produits.  L’enjeu de la compréhension du consommateur en profondeur m’apparaissait comme essentiel. Et par ailleurs, il y avait aussi un pont évident entre les études quantitatives et les mathématiques, qui étaient un domaine que je maitrisais bien. Je suis rentré chez PSA sans avoir une vision extrêmement précise de ce que j’allais y faire. J’y ai découvert les études qualitatives ; et cela a été pour moi une révélation importante, à la fois de jusqu’où on peut aller dans la compréhension des consommateurs, et aussi de l’incidence que peut avoir cette compréhension sur la stratégie d’une marque ou la conception de produits.

Jusqu’ici, qu’est-ce qui vous a donné le plus de plaisir dans cette fonction ?

Il y a eu beaucoup d’expériences positives, mais le fait d’avoir été confronté avec le « multiculturel » a été particulièrement enrichissant pour moi. Il y a un réel plaisir à travailler à une compréhension de fond des consommateurs, dans des cultures différentes. C’est la chance que j’ai eu en participant à des projets qui nécessitaient de se poser des questions telles que comprendre ce qu’est la santé aux Etats-Unis, ce qu’est le vieillissement en Chine…

Il y a eu des rencontres importantes dans votre parcours ?

Oui, naturellement. Peut-être plus particulièrement avec les spécialistes des études qualitatives, spécialement ceux qui opèrent avec des techniques très projectives. Soyons clair, je suis beaucoup plus fan de l’école française et du quali projectif que des focus-groups à l’américaine ! Egalement avec quelques personnes en particulier chez L’Oreal, qui savaient très bien utiliser les études, prendre du recul pour se poser de vraies questions, et savoir « digérer » l’information pour rebondir et transformer des insights en vraies opportunités.

Quels conseils donneriez-vous à un junior qui a envie de se lancer dans les études marketing ?

Je lui dirais d’y aller, à fond ! Et surtout d’être curieux de tout. On rencontre hélas parfois des gens d’études qui se bornent à réutiliser les mêmes protocoles à l’infini. J’avoue ne pas bien comprendre cela ; cela me semble très antinomique avec le principe même des études, qui est d’aller dans le sens de la curiosité.

Et si vous aviez une baguette magique pour changer un petit quelque chose sur la planète des études marketing, ce serait quoi ?

Je suis frappé par ce manque de curiosité que l’on voit parfois, tant côté annonceurs que côté instituts. Soit dit au passage, je n’ai pas l’impression que ce soient les plus grands instituts qui soient les plus à même de se remettre en cause : les innovations viennent souvent de plus petites structures.

Je crois aussi qu’il y a un enjeu réellement important autour de la question de la restitution des études. Ce n’est plus possible de faire en sorte que les équipes écoutent religieusement une présentation des résultats d’une étude pendant 2 heures.  Il faut s’adapter. En étant chez l’annonceur, nous avons bien sûr un rôle important à jouer pour faire en sorte que l’étude vive. Mais tout le monde devrait essayer de se remettre en cause, y compris les instituts.

Il me semble évident aussi qu’il doit y avoir un meilleur équilibre à trouver dans les études entre la part du tactique et du stratégique. Cela concerne d’abord les annonceurs, mais les instituts ont là encore leur rôle à jouer. Ils ont tendance à utiliser les mêmes protocoles,  alors que ceux-ci devraient, il me semble, être plus modulés en fonction de la nature des problématiques.

Que pensez-vous de MarketResearchNews ?

J’applaudis l’initiative ! Annonceurs et instituts ont tout intérêt à fonctionner davantage en réseau, à réfléchir à des problématiques ensemble. On fonctionne souvent dans un mode d’urgence au quotidien, et il est nécessaire, pour ne pas dire impératif, de prendre régulièrement le temps de réfléchir à notre métier, ses évolutions, et donc de se tenir au courant en permanence de l’actualité études. En France, cela se fait encore assez peu ; je pense que les instituts se sentent beaucoup en concurrence. Pourtant, on a tout à gagner à enrichir le dialogue entre tous les acteurs pour progresser dans notre métier.


POUR ACTION


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