La 6ème édition des Trophées Études et Innovation s’est clôturée il y a quelques jours, le 15 juin, avec la délibération finale du jury et la remise des prix. Nous vous proposons de découvrir le palmarès de cet évènement, qui constitue un temps fort pour les études marketing, organisé par 100%Media en partenariat avec Bilendi, l’Irep, Syntec Conseil et l’ISEG. Mais aussi l’interview de Judith Roucairol (L’Oréal France) et Sophie Chwedura (Decathlon), toutes deux membres du jury, qui nous livrent leurs impressions et leur vision des tendances de fond qui se dégagent de cette session 2022.
Le palmarès 2022 des Trophées Études et Innovation
Voici le récapitulatif des Trophées attribués par le jury de cette édition :
Avec, parmi les 24 candidats, l’Or attribué à FreeThinking, Toluna – Harris Interactive, Opinion Way, BVA, FranceTV Publicité, Weborama, Adot et Webedia. Des Trophées Argent ont également été remis à BVA, Toluna– Harris Interactive, Adot, Kantar Insights, Imediacenter, Altice Ads & Connect, Kantar Media, Realytics et Iligo.
Le jury a attribué un Trophée Coup de cœur à FreeThinking, pour leur étude «Innover avec la jeunesse, innover pour la jeunesse».
Opinion Way a reçu le Trophée de l’Étude de l’année avec «Renouveler le regard sur la prévention routière grâce à l’hybridation de données».
Le Trophée de l’Institut de l’année a quant à lui été décerné à Toluna – Harris Interactive qui succède donc à BVA.
Le jury, animé par Jean-Jacques Bénézech, expert en études et insights marketing, était composé de 10 professionnels des études. Avec Florence Bigeard (Engie), Hélène Bouchon (IPG Mediabrands), Sophie Chwedura (Décathlon), Myriam Gautier (Groupe BEL), Catherine Genter (Moët Hennessy), Jean-François Lemoine (Université Panthéon Sorbonne), Emmanuel Malard (Samsung), Bruno Ricard, DGA (366), Judith Roucairol (L’Oréal France) et Valérie Satre (Groupe SEB).
Le débrief de la session 2022 des Trophées Etudes & Innovation, avec Judith Roucairol et Sophie Chwedura
Toutes deux membres de ce jury, Judith Roucairol (Consumer Centricity Acceleration Director, L’Oréal France) et Sophie Chwedura (Market & Consumer Insight Director, Decathlon) nous livrent leurs témoignages. Elles partagent également leur vision des tendances clés à retenir de cette édition 2022 pour la pratique du Market Research.
MRNews : Vous étiez tous les deux membres du Jury des Trophées Études et Innovation 2022. Quels mots clés vous viennent pour résumer votre vécu personnel de cette édition ?
Judith Roucairol : C’est ma 3ème participation à cet évènement, mais je le vis toujours avec enthousiasme. Nous évoluons dans des industries et des contextes à priori très différents. Mais, entre pairs, nous partageons les mêmes préoccupations, les mêmes enjeux. C’est frappant ! Bien sûr, il y a des nuances, mais nous avons tous peu ou prou un réflexe commun. Celui de ne pas nous enfermer dans nos catégories, mais d’avoir au contraire une vision très à 360° des consommateurs et des gens, avec des enjeux sociétaux qui nous obligent à prendre de la hauteur. L’enthousiasme vient aussi de l’impression que les choses vont dans le bon sens, nous progressons ! J’ajouterais néanmoins qu’être membre du Jury n’est pas une expérience de tout repos, cela demande un vrai engagement de notre part ! (rires)
Sophie Chwedura : Pour ma première participation, j’ai été impressionnée par la variété à la fois des sujets et des méthodologies. Et j’ai trouvé hyper enrichissant de voir ce qui pouvait se faire dans d’autres univers que le mien. Parfois pour découvrir des choses totalement nouvelles, mais aussi pour challenger ou conforter des intuitions. Cette ouverture est très appréciable, que ce soit au moment de la lecture des projets ou bien dans les échanges que nous pouvons avoir. Il y a des débats, en particulier sur la question de savoir ce qui est innovant et ce qui l’est moins. Nous sommes néanmoins très souvent en phase, en tout cas sur l’essentiel. Et, je rejoins aussi Judith sur ce point, la charge de travail que demande cette participation est vraiment conséquente. Mais pas au point de me dissuader si je suis une nouvelle fois conviée !
Voyez-vous des tendances se dégager de cette édition 2022 ?
Sophie Chwedura : Il a beaucoup été question d’hybridation. Ce n’est pas nouveau, mais j’ai eu le sentiment qu’un gros cap était passé à l’occasion de ces Trophées. J’avoue avoir été impressionnée par le projet présenté par Opinion Way sur les enjeux de prévention routière, qui a reçu le prix de l’Étude de l’Année. Il me semble que c’est un cas très emblématique d’une hybridation réussie. Toutes les sources utilisées et les différentes natures d’éclairage ont été parfaitement orchestrées, avec une vraie contextualisation, ce qui fait que tout s’intègre dans une même analyse globale. Au final, l’ensemble des clés de lecture sont réunies, le « pour action » est limpide, évident. D’autres projets intéressants reposaient sur ce principe d’hybridation. Je pense en particulier à celui portant sur les enjeux de communication, avec le croisement de données de géolocalisation et de mesures d’impact publicitaire.
J’ai aussi été marquée par la démarche présentée par FreeThinking, qui a reçu notre Coup de Coeur. L’agence a mené une étude exploratoire auprès d’une communauté de jeunes, mais elle a également invité les étudiants à passer de l’autre côté du miroir pour participer à l’analyse des résultats, dans une logique de parcours pédagogique. J’aime beaucoup cette idée que les études ne sont pas la propriété exclusive de ceux qui les font, ceux dont c’est le métier. Mais qu’elles appartiennent aussi à ceux qui y contribuent, qui peuvent apporter leur regard. Il y a donc une co-construction possible des études, qui peut générer un engagement plus fort de la part des participants. Cela recoupe des questions que nous posons. Dans dix ans, parviendra-t-on toujours à engager les individus dans les études, et à avoir des réponses authentiques ? Cette démarche apporte une vraie piste, humainement très intéressante.
Quel est votre regard Judith Roucairol sur ces tendances ?
Judith Roucairol : Je rejoins tout à fait Sophie sur ces deux points. Concernant l’hybridation, j’avais partagé l’an dernier l’impression que l’on avait gagné en maturité dans les réflexions. Mon sentiment est que ce mouvement se prolonge, et même s’accentue. Je suis tentée de faire le parallèle avec l’enjeu des marques, qui est de faire du « O + O » (Offline + Online). Pour cela, il ne suffit pas de cocher des cases et d’empiler les canaux disponibles pour les consommateurs. Ou de raisonner comme si l’un devait se substituer à l’autre. Il faut les articuler de façon cohérente, sinon les gens sont perdus. Il en va de même dans les études, où il impératif d’avoir une vraie réflexion sur l’orchestration, d’hybrider surtout pas pour complexifier, mais pour aboutir à un éclairage limpide pour les décideurs.
Comme Sophie, j’ai été marquée par le projet de FreeThinking. Toutes les marques se posent la question de l’engagement, de la proximité avec les utilisateurs. Mais si le market research, en tant que premier maillon de la chaine, n’a pas cette proximité avec les participants aux études, cela va être sacrément difficile ! Si on veut que les gens comprennent mieux la réalité de notre métier et aient plus envie de contribuer, nous devons transformer nos pratiques, ne serait-ce que nos questionnaires. Et intégrer des phases d’échange. Il y a un vrai parallèle à faire entre les taux d’abstention aux élections et les réticences à participer de la part des consommateurs. Si on ne crée pas un effet retour, s’il n’y a pas de réelle prise en considération des points de vue, les gens s’éloignent. La démarche mise en œuvre par FreeThinking montre que l’on peut procéder autrement.
Ce que vous avez vu dans le cadre de ces Trophées vous amènera-t-il à modifier vos pratiques en matière de market research ?
Judith Roucairol : Oui. Cela me conforte en particulier dans une réflexion sur la place des gros dispositifs que nous continuons à mener, de type U&A. Et plus largement de toutes ces approches qui se veulent structurantes, valides pour plusieurs années, avec des questionnaires extrêmement complets, longs… Est-ce que cela a vraiment un sens de demander aux gens de faire des retours-arrière sur des usages à la fois très quotidiens et très mouvants. Et de reconstituer en chambre, sur un mois et demi, des comportements qui sont pourtant très liés à des effets de mode, aux saisons, à des contingences personnelles ? Nous nous voulons Consumer Centric, mais notre connaissance n’est-elle pas un peu artificielle ? Je crois que nous vivons la fin de ces démarches « industrielles », et que l’avenir sera plus favorable à des approches souples, conversationnelles, en continu. Cela implique de ne pas avoir toutes les réponses immédiatement. Il faut pouvoir s’autoriser des analyses sur des périodes longues, accepter de comprendre dans la durée. C’est donc une vraie révolution culturelle !
Sophie Chwedura : Côté Decathlon, la connaissance du shopper laisse petit à petit sa place à l’identification des parcours 360 de nos utilisateurs (clients et sportifs). Cela fait partie des enjeux clés, sur lesquels nous sommes toujours à l’affut de nouvelles méthodes. L’innovation sur ces sujets n’est pas toujours aussi percutante qu’on le souhaiterait. Mais je crois que nous ne devons pas exclusivement être dans l’attente de ce que peuvent nous proposer les instituts. Nous devons aussi avancer par nous-mêmes, ou contribuer à des réflexions pour « augmenter » ce type d’études.
Un autre enjeu essentiel pour nous est de mieux travailler avec la data. C’est quelque chose que je pousse dans l’entreprise, mais qu’il faut encore plus accélérer. Le projet présenté par Opinion Way ainsi que ce test publicitaire que j’ai évoqué sont très inspirants. Ils démontrent la puissance d’une hybridation bien pensée et bien exécutée. Nous avons les datas, nous parvenons à échanger entre équipes, mais nous avons du mal à trouver le chemin de l’opérationnalité, et c’est là-dessus que nous devons avancer. Les marketresearchers que nous sommes avons une réelle carte à jouer, pour apporter la contextualisation qui manque parfois, et définir en amont quels sont les enjeux décisionnels. Et aussi pour caler la bonne interprétation. Souvent, le temps disponible est un vrai frein, de même que la difficulté à parler un langage commun dans l’entreprise. Mais nous pouvons progresser, j’en suis certaine !
* Judith Roucairol (L’Oréal France) et Sophie Chwedura (Decathlon) sont tous les deux membres du Golden Club MRNews.
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