Happydemics fait à l’évidence partie des acteurs qui font le buzz aujourd’hui sur le marché des études marketing. Avec un discours ambitieux. Une volonté affichée de renouveler de fond en comble les pratiques de ce métier via la technologie. Des moyens conséquents, la société ayant levé 8 millions d’euros en 2020. Et une arrivée remarquée, celle de Charlotte Taupin, en tant que directrice de la Stratégie.
Quels sont plus précisément les partis-pris et la proposition de cette société ? Quelles sont ses ambitions ? Ce sont les questions auxquelles Charlotte Taupin répond à l’occasion de cette grande interview exclusive pour MRNews.
MRNews : Vous avez rejoint Happydemics il y a quelques semaines en tant que Directrice de la Stratégie. Votre parcours professionnel se caractérise par la diversité de vos expériences, en institut, chez l’annonceur ou bien dans des start-up. Qu’est-ce qui vous fait courir ainsi ?
Charlotte Taupin (Happydemics) : J’ai en effet évolué dans différentes structures, de toutes tailles. Mais, en réalité, je n’ai jamais fait qu’un seul métier, celui des études marketing. Ce qui me fait courir, je pense, c’est la forte exigence qu’implique précisément ce métier, qui consiste à interroger les gens. Pour pouvoir le faire avec le bon niveau de pertinence, cela demande d’être toujours en phase avec leur façon de consommer et de vivre. C’est ce qui m’avait incité à créer ma propre structure il y a dix ans, InCitu, et à lancer le premier panel sur Facebook. Il y a certainement aussi une question de personnalité… M’attaquer à de nouveaux challenges m’intéresse bien plus que de reproduire ce que je connais déjà.
Votre passage d’Ipsos à Happydemics peut surprendre. Faut-il y voir le passage de l’ancien au nouveau monde des études marketing ?
La formule est sans doute un peu brutale… Mais il est évident pour moi qu’un nouveau monde est en train de se mettre en place, Happydemics en étant un précurseur majeur. Happydemics met de l’insight sur de la technologie, là où d’autres acteurs sont dans une démarche différente, qui est de mettre de la technologie dans les études. Le grand changement, c’est que nous pouvons nous appuyer aujourd’hui sur des outils qui nous affranchissent des tâches à faible valeur ajoutée. Et ce tout au long du processus, depuis le brief du client jusqu’à la restitution des résultats. Dans tous les grands instituts, l’intégration de la technologie s’est, dans les faits, traduite par plus de complexité. Pour les chargés d’études bien sûr. Mais aussi pour les clients, qui perdent eux-mêmes trop de temps dans des tâches de vérification ou de validation, avec des outils peu adaptés. Ce n’est pas fluide ! L’idée de Happydemics a été de repartir d’une feuille blanche, en l’occurrence d’une base techno saine, qui nous permette de nous concentrer sur l’essentiel, la génération d’insights et la prise de décision.
il est évident pour moi qu’un nouveau monde est en train de se mettre en place, Happydemics en étant un précurseur majeur. Happydemics met de l’insight sur de la technologie, là où d’autres acteurs sont dans une démarche différente, qui est de mettre de la technologie dans les études.
C’est cet empilement qui est en cause, et qui oblige à concevoir des solutions nouvelles ?
Absolument. Mais il y a aussi des composantes d’attitudes, avec cette forme d’inertie qu’il peut y avoir dans tout métier. Dans les couloirs, dans les instituts tout le monde s’accorde à dire qu’un questionnaire de plus de 30 minutes n’est pas viable. Et il y a une vision claire des limites des panels. Mais les habitudes sont là, il est très difficile de les remettre en cause. Je considère que c’est un vrai avantage de travailler avec des professionnels qui n’ont pas passé toute leur vie dans le monde des études. Ce qui est le cas chez Happydemics, où une bonne partie de l’équipe vient de l’univers de la publicité ; et ont d’abord connu les études en tant qu’utilisateurs et non producteurs.
Happydemics est présentée dans les médias comme une société ayant vocation à mener « la transformation digitale des études ». Est-ce un bon résumé ?
Je ne dirais pas les choses ainsi… La démarche de Happydemics est de permettre aux professionnels de s’affranchir des limites auxquelles ils sont confrontés lorsqu’ils travaillent avec les acteurs traditionnels des études marketing. Et de pouvoir se concentrer sur le cœur du sujet qui est la génération d’insights pertinents. Il y a également une composante relationnelle… La pente naturelle des instituts est d’accepter toutes les demandes émanant des clients, ce qui se traduit notamment par des questionnaires trop longs, inadaptés. Et ils se consacrent beaucoup sur des étapes de scripting, de validation, de vérification… Ce qui empêche de se focaliser sur les enjeux clés. Alors qu’en réalité, les équipes études des entreprises sont tout à fait prêtes à être challengées, que ce soit sur les questionnaires ou très en amont sur la définition des objectifs. Elles sont même en attente de cela. Et nous considérons de notre côté que l’échange est sain. Les mots sont importants ; il n’y a pas de chargés d’études chez Happydemics, mais des Insights Managers. Cela traduit notre volonté de mettre la priorité sur la qualité des questions.
La démarche de Happydemics est de permettre aux professionnels de s’affranchir des limites auxquelles ils sont confrontés lorsqu’ils travaillent avec les acteurs traditionnels des études marketing. Et de pouvoir se concentrer sur le cœur du sujet qui est la génération d’insights pertinents.
Imaginons que je travaille pour un annonceur. Comment se déroule concrètement un projet d’études avec Happydemics ?
Nous allons passer du temps avec vous pour appréhender avec la plus grande rigueur le contexte marché de votre entreprise, les enjeux. Et aussi la façon dont les résultats vont être utilisés en aval. À la suite de cette phase de brief, deux options sont possibles. Soit vous vous connectez à notre plateforme pour créer vous-même votre questionnaire, que nous allons vérifier et optimiser avec vous si besoin. Soit vous préferez avoir notre recommandation, auquel cas nous vous faisons une proposition. Celle-ci sera visible sur notre plateforme. Vous n’aurez pas à lire et corriger des documents intermédiaires sous word ou excel ; vous pourrez directement visualiser le questionnaire en ligne. Et pouvoir en discuter avec d’autres collaborateurs si besoin.
Si vous prenez l’option de créer vous-même le questionnaire, vous pouvez vous appuyer sur les templates que nous avons élaborés, dont le catalogue sera fortement étoffé en ce début d’année. Ceux-ci couvrent les principaux enjeux des études, que ce soit le brand tracking, la customer expérience, les tests de concepts. Et bien sûr les tests publicitaires, qui constituent un domaine « historique » chez Happydemics. Nous l’avons évoqué, les questionnaires sont courts. Ils doivent permettre de construire les KPI nécessaires à la prise de décision, d’où la priorité de se poser les bonnes questions en amont. Une fois que l’étude est lancée, vous n’avez pas à vous préoccuper du terrain.
Une des originalités majeures de votre proposition porte sur les modalités de recueil…
En effet. Notre principe est de nous affranchir des panels, dont les limites nous semblent trop importantes aujourd’hui. Et qui ne permettent pas, en particulier, de disposer d’une diversité suffisante des profils des répondants. L’originalité de notre approche consiste à utiliser les espaces média, pour diffuser nos sondages sur des milliers d’applications pour garantir en toute circonstance le nombre de répondants nécessaires sur la zone et cible définies. Concrètement, un visuel apparaît sur l’écran de votre smartphone par exemple. Si vous ne souhaitez pas participer à l’étude, vous cliquez sur la petite croix habituelle en haut à droite. Sinon c’est parti ! Votre expérience devant être simple et rapide. Nous ne passons pas par ces phases de pré-recrutement et de pré-qualification. Notre technologie permet d’adresser une diversité de profils très supérieure à celle des panels, en s’inscrivant dans les espaces de communication de tous les publics.
Notre principe est de nous affranchir des panels, dont les limites nous semblent trop importantes aujourd’hui. Et qui ne permettent pas, en particulier, de disposer d’une diversité suffisante des profils des répondants. L’originalité de notre approche consiste à utiliser les espaces média, pour diffuser nos sondages sur des milliers d’applications (…)
Le recueil est finalisé en 48h, et les résultats sont visibles en temps réel sous forme de dashboard tout au long de la collecte. Deux ou trois jours après, notre équipe Insights formalise les recommandations via un rapport d’une dizaine de slides les plus pertinentes ainsi qu’une vidéo de synthèse, accessibles sur notre plateforme que notre interlocuteur peut facilement partager auprès des collaborateurs. La plateforme est donc un espace commun pour nous et nos clients. Toute notre organisation et nos process sont tendus vers un impératif d’instantanéité.
Cette instantanéité est-elle compatible avec la qualité d’analyse et le recul que cela demande ?
Elle l’est compte tenu de la nature des profils que nous recrutons, des gens jeunes qui ont une forte appétence pour l’analyse des données. Mais aussi de par notre technologie et nos process, l’idée étant d’accorder une très grande attention au calage des objectifs. Si l’on sait définir très précisément – en amont de l’étude – les éléments clés pour orienter la décision, on va à l’essentiel, on va vite ! L’intelligence des enjeux business est la condition de cette instantanéité, qui est là partout dans nos vies aujourd’hui. Et on ne peut pas déconnecter le monde dans lequel on vit de celui du travail. Les études en 2020 doivent nécessairement être automatisées, instantanées.
Votre pricing est également original…
Oui c’est vrai. La logique que nous proposons est très éloignée des pratiques habituelles. Nous repensons la façon d’acheter des études avec un modèle basé sur l’achat de packs, et un prix fixe, quelle que soit la nature de la cible et le nombre de répondants. Fixes et transparents, car tout est visible sur notre site. Là encore, nous sommes dans un principe de simplicité maximale !
Qui sont aujourd’hui vos clients ? Des responsables études ? Des décideurs marketing ?
Ce sont des petites, des moyennes, des grosses entreprises, le profil est varié. Il y a en effet une bonne proportion de décideurs. Mais nous avons aussi beaucoup de grands comptes pour lesquels l’enjeu est que les équipes Customer Insight passent moins de temps dans la production des études. Pour réinvestir celui-ci dans le contact et l’accompagnement des équipes marketing ou commerciales. Et prendre plus de hauteur comme l’évoquait Valérie Fohrer — la CMO de Guy Degrenne — dans une interview que vous avez publiée récemment, tout en soulignant cet impératif d’instantanéité. Les témoignages des décideurs convergent, ils disent tous qu’une forme de réinvention de cette fonction est nécessaire. Cela ne peut pas se limiter à intégrer un peu de data par ci, et de social-listening par là. Il faut remettre en cause les façons de travailler pour apporter des réponses plus pertinentes.
Les témoignages des décideurs convergent, ils disent tous qu’une forme de réinvention de cette fonction est nécessaire. Cela ne peut pas se limiter à intégrer un peu de data par ci, et de social-listening par là. Il faut remettre en cause les façons de travailler pour apporter des réponses plus pertinentes.
Une dernière question enfin. Happydemics a l’image d’un acteur ambitieux… Quelle est votre vision du devenir du marché des études ? Et quelle place visez-vous dans celui-ci ?
Si l’on regarde dans le rétroviseur, on ne peut qu’être frappé par l’importance des ruptures que nous avons connues, en particulier sur les modalités d’interaction avec les individus. Nous sommes passés des enquêtes en rue ou par téléphone aux moyens digitaux, avec la capacité de massifier les interrogations. Notre conviction est que cette mutation va se poursuivre, avec la technologie que nous avons évoquée. Nous sommes précurseurs dans cette voie, et certainement nous serons suivis.
Happydemics a vocation à devenir un acteur incontournable de cet univers, pour toutes les organisations qui veulent se concentrer sur l’essentiel : la génération d’insights, et donc la décision. Nous sommes d’abord et avant tout là pour incarner LA nouvelle façon de faire des études, ce qui passe également par un renforcement de notre dimension internationale. Et nous irons aussi loin que nous pourrons aller, sans nous donner de limites !
POUR ACTION
• Echanger avec l’interviewé : @ Charlotte Taupin