Accompagner les entreprises dans leur démarche d’innovation en sortant du strict cadre de la réalisation d’études, tel est clairement le credo d’Adwise et de ses deux associées, Florence Hussenot et Laurence Duchier (cf. leur précédente interview).
Avec la formalisation d’une nouvelle approche intitulée Build & Share, l’intention se précise et s’affirme, et avec elle l’ambition de contribuer à ce que les études soient plus naturellement encore au cœur des processus d’innovation. Florence Hussenot nous en présente les grands principes.
MRNews : Vous venez de formaliser une nouvelle approche à destination des entreprises, Build & Share. Quels en sont les principes clés ? Quels constats ont inspiré votre réflexion ?
Florence Hussenot : Les échanges que nous avons avec nos interlocuteurs au sein des entreprises nous amènent à faire le constat que la fonction Etudes est confrontée à une série d’évolutions majeures. Parmi elles, le fait que la « vision clients » est présente un peu partout dans l’entreprise, avec une profusion d’informations, souvent hétérogènes et issues de différentes sources (internes ou externes). Nos interlocuteurs sont ainsi confrontés à une dissémination de l’information, qui renforce le besoin de l’agréger en lui donnant un sens, une colonne vertébrale. Ils nous disent également tous qu’il est de plus en plus nécessaire pour eux de susciter l’adhésion des différentes parties prenantes dans l’entreprise, que ce soit en amont et/ou en aval des projets d’études.
Parce qu’il doit y avoir le moins de flottement possible sur la nature des enjeux à adresser ?
Oui, c’est bien de la qualité de l’aspect « amont » que résulte la qualité globale d’une approche. Mais en aval, les « pour actions » doivent également être parfaitement partagés. Une autre évolution, plus diffuse peut-être mais tout aussi importante, doit également être prise en compte : les interlocuteurs études doivent répondre à des problématiques de plus en plus larges. Cela peut aller jusqu’à des interrogations du type « pourquoi les ventes baissent ? » !
Ces constats posés, quel est le sens de votre proposition « Build & Share » ?
La concomitance des évolutions que nous venons d’évoquer constitue un challenge pour les équipes « Etudes » des entreprises. Elles se transforment pour y faire face. Mais en parallèle de cette transformation ou de cette mutation, nos interlocuteurs peuvent ressentir le besoin d’une aide ponctuelle d’accompagnement. Pour faire face à des enjeux particulièrement importants ou concernant plusieurs services internes, auquel cas un appui externe est précieux ; ou bien parce que le nombre de projets à gérer est tel qu’à un moment donné, « ça coince » comme on dit ! Build & Share est une démarche d’accompagnement façonnée autour des enjeux que nous avons évoqués et de ces trois impératifs majeurs : clarifier les objectifs pour poser des questions réellement audacieuses, éviter ce que l’on appelle l’effet Ripolin, et enfin associer dès le départ les parties prenantes clés compte tenu de la problématique à traiter.
Qu’entendez-vous pas des questions ambitieuses ?
Il s’agit de poser des questions partagées au sein des équipes concernées, et dont les réponses ont de réelles chances de modifier la marche de l’entreprise. Ces questions ne s’enferment pas dans le prisme des outils d’études mais sont plus larges, avec une réelle portée business. Cela va de pair avec cette autre idée d’éviter l’effet Ripolin. Si la démarche consiste à refaire le même type d’études que celles déjà réalisées précédemment (parce qu’un changement d’équipe de direction rebat les cartes par exemple), la probabilité de poser des questions ambitieuses devient naturellement faible.
Quelles sont les grandes étapes de votre intervention dans ce type de démarche ?
Il s’agit d’un processus en trois temps. La première étape consiste à clarifier au maximum les objectifs de la démarche, encore une fois en faisant en sorte que ceux-ci soient complètement partagés. Elle vise donc à obtenir une reformulation la plus pertinente possible des questions initialement posées, en passant au préalable par une expression des besoins des différentes parties prenantes, et par une réflexion commune sur les données et informations disponibles. Quelles sont les connaissances dont on dispose sur l’enjeu à adresser ? Comment peut-on les croiser pour y voir plus clair ? Et quels sont donc les manques à combler ? Cette première étape peut également intégrer une réflexion particulièrement importante sur la nature des matériaux ou des inputs à tester.
La deuxième phase est plus spécifiquement celle de la production des idées, des solutions. Et à ce stade il peut s’agir de la production d’un brief, ou de la mise en place d’une phase d’étude. La troisième et dernière étape vise quant à elle à ce que les idées émises au stade de la production ne restent pas lettre morte : c’est le stade de l’action ou plus exactement de la préparation à l’action, avec à nouveau la recherche d’une réelle adhésion des équipes concernées dans l’entreprise, et la planification des actions clés.
Votre rôle est celui d’un animateur ?
C’est en effet une des composantes majeures de notre intervention, le workshop animé avec des techniques de problem solving avec le groupe projet étant au cœur de la démarche. Mais notre champ d’intervention peut être plus large. Nous pouvons nourrir la réflexion sur la formulation de la problématique en apportant nos propres inputs : par exemple les tendances que nous avons identifiées dans des univers connexes à ceux de l’entreprise, ou bien des exemples inspirants. Nous intervenons naturellement dans les recommandations méthodologiques, en étant force de proposition sur la nature des expertises à solliciter – qu’elles soient internes ou externes à l’entreprise, et sur la façon de les articuler. C’est là ou, par exemple, nous pouvons suggérer d’aller chercher dans des directions auxquelles l’entreprise n’aurait pas spontanément pensé. Nous pouvons aussi intervenir en tant que pilote du processus et des différents intervenants. Et enfin il nous est possible d’intervenir sur des phases plus en aval, comme par exemple la définition du brief aux agences de communication s’il y a un enjeu de cette nature.
Lorsque vous intervenez en pilotage du processus, les ressources externes sont-elles nécessairement du type Etudes ?
Elles peuvent l’être naturellement. Nous pouvons piloter des instituts ou des sociétés d’études qui disposent d’expertises – du type études quantitatives, social listening, ou data mining par exemple – intéressantes à mobiliser dans le cadre du projet. Mais ce n’est pas limitatif. Ces expertises peuvent notamment porter sur des aspects de communication voire de graphisme. L’idée est bien de donner un coup de pouce aux équipes Etudes ou Insights, quand elles en ont besoin, pour les aider à jouer pleinement ce rôle d’intégrateur qui leur est essentiel d’assumer. C’est un peu du Design Thinking d’études, avec l’équipe pilote au cœur du processus.
Avec ce type de démarche, la nature des études mises en œuvre est-elle très différente de celles classiquement mises en œuvre par les entreprises ?
Pas de façon systématique, même si le principe de la démarche incite naturellement à ouvrir le champ des expertises à mobiliser. Mais cela amène surtout à travailler différemment. Nous avons eu le cas récemment d’une entreprise qui souhaitait retravailler son positionnement et identifier des pistes d’innovation. Si nous nous en étions tenus au déroulé classique de ce type de problématique, nous aurions vraisemblablement préconisé la réalisation d’une étude qualitative de type exploratoire. En déployant l’approche Build & Share, nous avons procédé autrement : en s’appuyant sur les connaissances déjà disponibles, le groupe projet a formalisé en workshop 3 pistes de plateformes, avec des pistes de packs en déclinaison de celles-ci. Nous avons réalisé un test qualitatif relativement léger, puis in fine une étude quantitative de validation. L’ensemble du processus réellement intéressant pour l’entreprise a été ainsi bouclé dans un timing serré, avec un budget équivalent à celui qui aurait été nécessaire pour une étude exploratoire. Les ressources ont été allouées différemment, et avec une efficacité certainement bien supérieure.
Une dernière question : quels sont les types de problématique pour lesquels cette démarche est particulièrement intéressante à suivre ?
L’approche nous semble parfaitement adaptée pour traiter des enjeux d’innovation et de plateformes de marque, qui nécessitent l’un et l’autre de faire travailler ensemble des équipes différentes autour d’une vision commune. Tous les chantiers tournant autour de la notion d’Expérience Client s’y prêtent également très bien, du fait de la nécessité qu’ils imposent de partager les informations souvent disséminées un peu partout dans l’entreprise avant d’en arriver à la formulation et au test des actions possibles.
POUR ACTION
• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Florence Hussenot