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« L’innovation a été et restera le grand fil rouge d’OpinionWay » – Interview d’Hugues Cazenave et Nadia Auzanneau

2 Juin. 2025

Interview 'Hugues Cazenave et Nadia Auzanneau (OpinionWay)

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L’institut OpinionWay occupe une position singulière dans l’univers des études marketing et d’opinion. Il en est devenu un des acteurs de référence tout en étant le plus jeune parmi ceux-ci, puisqu’il a été créé il y a 25 ans seulement, en 2000. Il célèbre cette année son anniversaire avec plusieurs marqueurs importants, dont une nouvelle identité visuelle et un passage au statut d’Entreprise à Mission depuis janvier.
L’occasion était donc idéale pour revenir, avec son président et co-fondateur Hugues Cazenave et sa responsable RSE Nadia Auzanneau, à la fois sur les étapes structurantes de ce parcours mais aussi les perspectives et priorités d’OpinionWay.

MRNews : OpinionWay est née en 2000. En 25 ans, elle s’est imposée comme un acteur de référence du marché. Était-ce si évident au moment du lancement ?

Hugues Cazenave (OpinionWay) : Il y avait une part de pari dans la création d’OpinionWay, c’est clair. Sans doute aussi la chance a-t-elle eu une petite place dans notre histoire, comme dans quasiment toute aventure entrepreneuriale. Nous avons créé la société au moment où le marché arrivait à maturité, dans un paysage où la consolidation était déjà bien avancée, avec des acteurs solides, bien installés. Mais nous avons estimé que nous avions nos chances. Les 3 fondateurs que nous étions formions une équipe très complémentaire, avec Benjamin Gratton qui s’appuyait sur un solide background marketing, Yann Aledo qui est un expert des études qualitatives, et moi-même qui suis plutôt un spécialiste des sujets d’opinion. Nous avons ainsi pu lever les fonds nécessaires au lancement. Et puis une opportunité majeure s’est présentée avec le développement des études online, qui ouvrait une sorte de terrain de jeu à nos ambitions.

Il fallait aussi une part de flair, d’intuition, pour saisir cette opportunité de l’essor du online… Non ?

HC : Oui, c’est vrai. Aujourd’hui, le online est plus qu’intégré, il est le mode de recueil ultra dominant. Au début des années 2000, c’était une tout autre histoire, même si cela peut paraitre incroyable avec le recul. Nos concurrents avaient lourdement investi dans des plateformes téléphoniques, ce qui pouvait les inciter à une certaine réticence vis-à-vis du online, dont beaucoup disaient que cela ne marcherait jamais, parce que non représentatif et pas assez fiable ! Ce contexte nous a finalement aidés, nous avons pu nous lancer avec une promesse forte et la proposition d’une solution plus rapide, moins chère, et tout aussi fiable en réalité que le téléphone ou le face-à-face…

Cette phase d’évangélisation que nous avons menée a joué un rôle important au début de notre histoire. Nous avons dû effectuer beaucoup de tests, en mode research on research, pour démontrer la fiabilité de ce mode de recueil. Cela a été l’occasion de rencontrer de nombreuses personnes, et de « roder » notre discours et notre offre.

Cette phase d’évangélisation que nous avons menée (autour du online) a joué un rôle important au début de notre histoire. Nous avons dû effectuer beaucoup de tests, en mode research on research, pour démontrer la fiabilité de ce mode de recueil. Cela a été l’occasion de rencontrer de nombreuses personnes, et de « roder » notre discours et notre offre.

Quelles ont été les autres étapes clés sur ces 25 ans ?

HC : Notre lancement dans les études d’opinion nous a permis de passer un cap important. Notre parti-pris de départ était de ne pas aller sur ce terrain. Même si c’était mon métier d’origine, j’étais de cet avis, précisément parce que je pressentais les difficultés à entrer sur ce segment de marché très oligopolistique. Dès lors que l’on publie ce type d’études, on devient une cible. Mais, vers les années 2005-2006, nous commencions à participer à des appels d’offres importants, qu’il nous arrivait de perdre du fait de notre déficit de notoriété face aux grands du secteur. Nous avons donc fait le pari de nous lancer en sachant qu’il y aurait des polémiques. Et nous n’avons pas été déçus ! Mais celles-ci ont touché bien d’autres acteurs, dont des BVA et des Sofres. Et, au final, cette décision de nous lancer dans les études d’opinion avec Bruno Jeanbart nous a beaucoup aidés à construire notre marque, qui est ainsi devenue très visible. Nous avons été les premiers à utiliser le online pour ces études.

Au final, cette décision de nous lancer dans les études d’opinion avec Bruno Jeanbart nous a beaucoup aidés à construire notre marque, qui est ainsi devenue très visible.

Y-a-t-il eu d’autres étapes majeures ?

HC : Nos premières initiatives à l’international ont aussi joué un rôle important. Une fois bien implantés en France, nous avons considéré qu’affirmer une ambition internationale était nécessaire. Nous sommes donc allés en Pologne, au Maroc, en Côte d’Ivoire… Et bien sûr en Chine, qui est assez vite devenue le pays où nous travaillons le plus après la France, notamment dans l’univers du luxe. Nous avons également développé une activité BtoB dont nous pouvons être fiers parce que ce n’est pas une expertise si facile à acquérir.

Mais je dois souligner qu’au global, l’innovation a joué un rôle clé dans l’histoire d’OpinionWay, elle en a été une constante fondamentale. Cela nous a permis d’attirer des clients, mais aussi des collaborateurs, des talents qui ont énormément contribué à notre croissance. Produire de la qualité, fidéliser, gagner des appels d’offres… tout cela se joue au quotidien, mais c’est décisif pour le succès d’une entreprise.

Quelles ont été les phases les plus difficiles ?

HC : L’éclatement de la bulle internet a été une épreuve importante. Une part conséquente de nos clients étaient des purs players de cet univers, et se sont retrouvés à court de liquidités du jour au lendemain. Il nous a donc fallu nous repositionner très vite sur d’autres clients, les bricks & mortars, ce qui était bien sûr un vrai challenge.

En 2009-2010, la crise des sondages de l’Elysée, puisque c’est ainsi que les médias l’ont nommée, a également été une période difficile. Nous avons été sous les feux des projecteurs, avec Ipsos, Ifop et CSA. Même si nous n’avons pas été condamnés, à la différence d’Ipsos, ce n’était pas agréable. Mais cela ne nous a pas nui sur le plan économique, et a plutôt contribué à faire progresser notre notoriété et à générer des contacts intéressants.

Et, bien sûr, nous avons connu comme tout le monde la crise du Covid, avec un décrochage net de notre activité au démarrage de celle-ci. Mais nous nous sommes bien battus. Notamment grâce à Luc Balleroy, notre DG, qui nous a beaucoup poussés à agir, à lancer de nombreuses études multi-clients et de nouvelles offres, avec des solutions très agiles, rapides. Nous avons pu terminer l’année sans voir notre CA baisser, notre rentabilité a même progressé dans ce contexte pourtant très difficile.

Au global, quel est votre plus grand motif de fierté sur ces années écoulées ?

HC : Je vois comme une vraie réussite la croissance ininterrompue que nous avons eue sur ces 25 ans, quelles que soient les conditions de marché et les évolutions de la concurrence. Et ce d’autant que notre performance a été supérieure à la moyenne du secteur. Nous pouvons ainsi continuer à grandir et lancer de nouvelles activités.

Je vois comme une vraie réussite la croissance ininterrompue que nous avons eue sur ces 25 ans, quelles que soient les conditions de marché et les évolutions de la concurrence. Et ce d’autant que notre performance a été supérieure à la moyenne du secteur. Nous pouvons ainsi continuer à grandir et lancer de nouvelles activités.

J’ai aussi le sentiment que nous pouvons être fiers de notre marque. C’est extrêmement gratifiant d’avoir ce rayonnement, cette visibilité… Cette attractivité également, avec un très bon taux de recommandation de la part de nos clients. Par ailleurs, dans nos évolutions récentes, je suis frappé par notre capacité à remporter des appels d’offres auprès de grandes multinationales, sur des périmètres géographiques très larges, en Asie et aux États-Unis. Et notamment dans le domaine des FMCG. Peut-être — et moi le premier — avons-nous surestimé la difficulté à réussir sur ces marchés, et avons donc bridé notre performance. Avec le recul, je me dis que nous aurions dû y aller plus tôt ! (rires)

Passons au futur d’OpinionWay et à vos priorités. Avec d’abord un préambule sur le marché, l’industrie… Quelle est votre vision des grandes évolutions à venir ?

HC : Je crois être une personne optimiste, sans doute comme l’immense majorité des entrepreneurs. Et aussi parce que j’ai eu la chance d’avoir vu notre industrie résister dans des phases de changements cruciaux, avec des virages annoncés par beaucoup comme catastrophiques pour ne pas dire mortels. Je pense au passage massif du face-à-face vers le téléphone au début des années 80, quand j’ai démarré dans le métier. Certains proclamaient que c’était la fin des études, au motif que ce n’était pas fiable et que l’on ne savait plus qui étaient les répondants… On a entendu les mêmes discours et les mêmes arguments lorsqu’internet a décollé. La grande nouveauté d’aujourd’hui, c’est bien sûr l’Intelligence Artificielle. Va-t-elle faire mourir les instituts ? Je ne le pense pas. Ma vision est que personne mieux que nous pouvons répondre à ce besoin d’insights qu’ont les entreprises, et de réduire l’incertitude et la complexité des décisions puisque c’est cela, au fond, notre métier. C’est évident, de nouveaux acteurs arrivent et prendront du terrain. Mais l’économie fonctionne ainsi. Donc oui, il y a un réel et passionnant enjeu à ce que nous nous approprions ces nouvelles technologies, que nous les maitrisions pour en tirer le meilleur. Et j’y crois vraiment. Dans ma vie professionnelle, j’aurais vécu ces trois grands changements de paradigme, c’est très stimulant !

Ma vision est que personne mieux que nous pouvons répondre à ce besoin d’insights qu’ont les entreprises, et de réduire l’incertitude et la complexité des décisions puisque c’est cela, au fond, notre métier.

La grande priorité, c’est donc l’Intelligence Artificielle ?

HC : Absolument. L’innovation a été et restera le grand fil rouge d’OpinionWay. C’est dans notre ADN que d’être à l’affut des opportunités technologiques ou méthodologiques, et d’essayer d’en faire quelque chose d’intéressant pour le marché. D’autres opportunités existent probablement, mais aujourd’hui l’IA balaie un peu tout ! Cela ouvre énormément de possibilités, même si on ne sait pas encore bien discerner lesquelles auront le plus d’impact. Nous allons être nombreux à pratiquer le « test and learn » autour de ça. Et OpinionWay complètement ! Je sors à peine d’une réunion de Comex, et nous n’avons quasiment parlé que d’IA et des expérimentations en cours ou programmées. Nous voulons réussir ce virage, il est majeur. Mais, pour y parvenir, nous devons aussi nous poser les bonnes questions sur les enjeux d’éthique. Peut-être est-ce un travers français ou même européen de vouloir toujours se préoccuper très tôt de ces enjeux et de la règlementation, mais c’est ainsi. Nous avons, je pense, pris une très bonne initiative en lançant notre Charte sur l’éthique, les bonnes pratiques et usages de l’Intelligence Artificielle (IA), avec nos engagements concrets sur le sujet.

Lire aussi > L’interview de Luc Balleroy : « Nous prenons le parti de devancer les interrogations légitimes que pose l’IA »

L’innovation a été et restera le grand fil rouge d’OpinionWay. C’est dans notre ADN que d’être à l’affut des opportunités technologiques ou méthodologiques, et d’essayer d’en faire quelque chose d’intéressant pour le marché.

Quelles sont les autres priorités pour les 5 ou 10 ans à venir ? OpinionWay vient de devenir Entreprise à Mission. Quelle place ce sujet a-t-il dans celles-ci ?

HC : Nos grandes priorités pourraient presque être l’IA, l’IA et encore l’IA ! Mais il y en a une seconde, vous avez raison, avec notre politique RSE. Je vais laisser à Nadia, qui en est la spécialiste chez nous, le soin de préciser là où nous en sommes et notre vision.

Nadia Auzanneau : OpinionWay est en effet Entreprise à Mission depuis janvier. C’est donc tout récent. Mais, en réalité, cette étape clé est intervenue après un cheminement qui a duré près de deux ans, avec l’accompagnement du cabinet Nova Vista, une filiale de Kea & Partners. Le parcours a délibérément été très collaboratif. Nous avons interrogé les différentes parties prenantes, dont nos clients et partenaires, et constitué un Copil pour travailler autour de cette mission, en réunissant des profils très variés chez nous. Nous avons même sollicité l’ensemble des collaborateurs à deux reprises. Je dois ajouter que l’implication de notre direction — dont celle de Hugues — a beaucoup contribué à l’avancement de ce chantier.

OpinionWay est Entreprise à Mission depuis janvier. C’est donc tout récent. Mais, en réalité, cette étape clé est intervenue après un cheminement qui a duré près de deux ans (et à l’issue d’un) parcours délibérément très collaboratif.

HC : Pour rendre à César ce qui lui appartient, certes je me suis intéressé assez tôt à ces enjeux, mais je le dois en partie à Benjamin Gratton avec qui j’ai pas mal échangé. Il compte parmi les pionniers de ces sujets et avait posé de premiers jalons chez OpinionWay il y a maintenant quelques années.

La démarche a-t-elle immédiatement fait l’unanimité au sein des équipes ? Et auprès des clients ?

NA : Il n’y a pas eu d’opposition de la part de nos collaborateurs, mais certains étaient dans l’expectative. Et ce sentiment perdure encore un peu, ce qui est tout à fait compréhensible. Il reste des inconnues sur ce que cela changera concrètement à notre quotidien. Mais il y avait également une forte part de conviction, et nous étions motivés à avancer. Nous avions la volonté de valoriser les premières actions menées sur cet axe depuis des années, d’affirmer notre singularité, ainsi que de répondre à une aspiration d’un nombre croissant de nos équipiers mais aussi de nos clients. De plus en plus souvent, dans les appels d’offres importants, la composante RSE peut peser lourd dans l’évaluation. Dans le cadre de notre statut d’entreprise à mission, une partie de l’engagement consiste à sensibiliser nos clients aux enjeux RSE, avec l’organisation d’évènements et la possibilité d’ajouter des indicateurs dans les questionnaires.

Une dernière question enfin. À l’occasion de votre anniversaire, OpinionWay arbore une nouvelle identité visuelle. Pourquoi ce choix, pour délivrer quel message ?

HC : La question se posait depuis déjà quelques années. En tant que co-fondateurs, ni Yann (Aledo) ni moi n’avions l’envie de nous précipiter, d’autant que nous étions assez attachés à notre identité historique. Mais un faisceau d’éléments s’est présenté, dont notre anniversaire des 25 ans, notre nouveau statut d’Entreprise à Mission, et enfin notre accélération en cours sur un sujet aussi stratégique que l’IA… Si on ajoute à cela le fait que notre site internet commençait à montrer des signes de vieillissement, la décision s’imposait. Cela a représenté un gros chantier pour notre Responsable de la communication, Olivia [Augis], qui a mené ce beau travail avec l’agence Lonsdale.

S’agissant des messages essentiels, il y a un fort parti-pris de fidélité à ce que nous sommes, avec le maintien de certains codes clés comme notre apostrophe. Mais aussi celui d’apporter une bonne touche de modernité, avec des couleurs qui à la fois nous plaisent beaucoup et nous singularisent dans l’univers des études. L’idée en somme était d’évoluer tout en conservant et même en affirmant notre identité et ce qui fait notre valeur sur le marché. La nouvelle identité traduit le fait que nous sommes fiers du chemin accompli, de ce qu’est la marque OpinionWay. Elle exprime également la dynamique que nous ressentons en interne pour relever les challenges à venir, qui sont vraiment enthousiasmants.


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewés : @ Hugues Cazenave @ Nadia Auzanneau

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