C’est officiel depuis déjà quelques semaines, Stéphane Marcel (The BVA Family) est désormais le nouveau Président de la Commission métier Études de Syntec Conseil dont il devient membre du Conseil d’Administration. Succédant ainsi à Luc Laurentin, il travaillera notamment aux côtés de David Mahé (Human & Work), réélu pour 3 ans à la tête de Syntec Conseil.
Quel est son parcours ? Quelle est sa vision de l’industrie et de ses principaux enjeux ? Quelles sont les priorités de la Commission qu’il préside ? Nous vous proposons de découvrir ses réponses dans le cadre de l’entretien qu’il nous a accordé.
MRNews : Comment résumeriez-vous votre parcours dans le domaine du market research ?
Stéphane Marcel : Une composante clé de mon parcours est d’avoir toujours travaillé dans l’univers des études, même si j’avoue avoir un peu hésité entre ce métier et celui de journaliste à ma sortie de Science Po Grenoble. Sans doute parce qu’il existe des ponts entre les deux, dont la curiosité et le besoin de comprendre les gens. Après une expérience dans une petite société d’études —Infométrie—, j’ai rejoint le SIG (Service d’Information du Gouvernement), où j’étais en charge de l’Observatoire de l’Opinion. Puis j’ai intégré de grands groupes comme Kantar (ex TNS Sofres) puis BVA. La majorité des professionnels de notre activité ont tendance à se spécialiser, mais ce n’est pas le choix que j’ai fait, ce qui m’a donné l’opportunité de toucher à tout, le quali ou le quanti, les analytics, les données sociales… Et de manager des équipes tant sur des problématiques d’innovation que de marque ou de compréhension des marchés. Depuis mon arrivée chez BVA, j’ai découvert le champ des sciences comportementales et tout ce qui relève de la CX ou même des tests de pack avec PRS INVIVO. En résumé, je me définis plutôt comme un « touche à tout », un « tout-terrain », un « hybride », ce qui aide sans doute à avoir une compréhension large des enjeux de notre industrie et des différents savoir-faire qu’elle mobilise.
En résumé, je me définis plutôt comme un « touche à tout », un « tout-terrain », un « hybride », ce qui aide sans doute à avoir une compréhension large des enjeux de notre industrie et des différents savoir-faire qu’elle mobilise.
Quelles sont les constantes de ce parcours ? Qu’est-ce qui fait courir Stéphane Marcel ?
La question de la valeur a toujours été omniprésente dans mon cheminement, bien sûr celle des entreprises qui m’ont employé, mais aussi de façon plus transversale celle de notre métier. Elle le sera vraisemblablement encore plus avec ma casquette Syntec, nous y reviendrons.
Pour ce qui est de mon « moteur », cela n’a rien de très original mais certainement il est dans ma curiosité naturelle, plutôt dans une version boulimique-éclectique me concernant alors que d’autres prennent plus de plaisir à creuser un domaine précis. J’ai la passion de ce métier, c’est une évidence pour moi. J’adore me connecter à des personnes et essayer de les comprendre, y compris celles qui n’ont pas les mêmes origines sociales ou les mêmes valeurs que moi. Étant issu d’un milieu qui n’est pas celui dans lequel je vis aujourd’hui, c’est quelque chose qui m’a beaucoup guidé. J’aime travailler avec les gens. Et aussi convaincre, et j’avoue avoir le goût d’une certaine forme de compétition et de la victoire, même si, pour moi, l’expérience prime sur les trophées.
J’adore me connecter à des personnes et essayer de les comprendre, y compris celles qui n’ont pas les mêmes origines sociales ou les mêmes valeurs que moi. Étant issu d’un milieu qui n’est pas celui dans lequel je vis aujourd’hui, c’est quelque chose qui m’a beaucoup guidé.
Quel est le rôle du président d’une institution comme Syntec Etudes ? Et quelle était votre motivation pour accéder à cette responsabilité ?
C’est un rôle de patron d’un collectif, ce qui implique de mettre au centre du jeu des intérêts et un sens communs. Il doit aussi veiller à la mise en action de ce qui est dit. C’est le lot de toutes les entreprises. Mais il y a une spécificité du monde associatif qui va de pair avec le bénévolat, le fait qu’un réel engagement n’est possible que s’il s’y a une vision forte et partagée. Il faut donc que celle-ci émerge clairement.
J’ajouterai que le rôle de président est nécessairement multidimensionnel. Syntec, ce sont 4 univers, celui des études mais également la stratégie, le management, les métiers des RH et du recrutement. Nous devons ainsi porter la voix de notre métier, à la fois au sein du syndicat, en interne, mais aussi bien sûr en externe. Cela soulève la question de l’écosystème dans lequel nous évoluons, qui est essentielle. Celui-ci intègre les entreprises adhérentes et leurs clients ; et, naturellement toutes les autres associations professionnelles avec lesquelles nous avons à parler. Là encore il est primordial de partager des communs et de bien nous faire entendre.
S’agissant de ma motivation, je dois préciser que l’on est venu me chercher, ce qui n’est pas désagréable ! J’ai aussi jugé que c’était une bonne façon de rendre à ce collectif ce qu’il m’avait apporté tout au long de mon parcours. Ce métier, ce sont d’abord et avant tout des gens, peu importe là où ils travaillent, des personnes que j’apprécie. Je trouve ça formidable d’avoir l’opportunité de contribuer à le valoriser. Cet enjeu de la valeur n’est pas nouveau, mais il me semble être LA priorité des priorités dans le contexte que nous vivons.
Ce métier, ce sont d’abord et avant tout des gens, peu importe là où ils travaillent, des personnes que j’apprécie. Je trouve ça formidable d’avoir l’opportunité de contribuer à le valoriser. Cet enjeu de la valeur n’est pas nouveau, mais il me semble être LA priorité des priorités dans le contexte que nous vivons.
Il y aurait selon vous une sorte de « momentum » pour les études sur ce sujet de la valeur ?
Oui, je le crois vraiment ! Côté décideurs, il y a aujourd’hui un mélange très particulier de certitudes — je pense bien sûr à l’importance des défis environnementaux — mais aussi d’incertitudes et d’éléments de complexité à intégrer, dans un monde de plus en plus polarisé et soumis aux urgences, avec des comportements humains qui échappent souvent à la rationalité. Les études ont un rôle bien spécifique à jouer dans ce contexte. Elles sont l’instrument permettant de prendre la hauteur et le recul nécessaires. Il y a également un momentum du fait que les entreprises doivent se transformer pour ne pas se limiter à être des agents de croissance et de profit. Nous sommes précisément les agents incontournables de cette transformation ! La question – si présente – de l’intelligence artificielle est une troisième composante clé du paysage. À mon sens, il est à la fois important et urgent de rappeler à quel point les humains doivent occuper toute leur place dans ce métier. La technologie n’est certainement pas une fin en soi, mais un outil à notre service. Les études, cela restera toujours des humains qui parlent à d’autres humains pour essayer de trouver ensemble des solutions !
Les études, cela restera toujours des humains qui parlent à d’autres humains pour essayer de trouver ensemble des solutions !
J’ajouterai enfin que l’on voit un peu partout dans le monde une mise sous tension des démocraties et une montée du populisme… Cela pose clairement la question de la bonne appréhension des opinions, et les études en sont un moyen essentiel.
Et, en même temps, le rôle des études est régulièrement challengé…
C’est vrai, le paradoxe est saisissant… Lorsqu’on regarde objectivement les choses, il est évident que les études sont présentes pour un nombre incroyable de décisions. Derrière chaque innovation importante, chaque refonte du parcours client, chaque stratégie ou même chaque campagne de communication, les études sont là. Et pourtant, on entend régulièrement une voix qui relativise ce rôle, et tend à dire que les entreprises pourraient faire des coupes sur cette ligne de dépenses. Nous devons donc faire reculer ce « oui, mais » s’agissant des études en donnant plus d’évidence à notre valeur. C’est un « combat » que le Syntec — avec David Mahé à sa tête — considère comme fondamental pour ses 4 métiers.
Derrière chaque innovation importante, chaque refonte du parcours client, chaque stratégie ou même chaque campagne de communication, les études sont là. Et pourtant, on entend régulièrement une voix qui relativise ce rôle, et tend à dire que les entreprises pourraient faire des coupes sur cette ligne de dépenses. Nous devons donc faire reculer ce « oui, mais » s’agissant des études en donnant plus d’évidence à notre valeur.
Quelles sont les grandes priorités que vous souhaitez impulser en tant que Président ?
En termes de méthode, il importe que les priorités ne soient pas définies par un homme seul, mais en mode collectif, avec les nouveaux administrateurs et la structure permanente de l’organisation, via le Copil Etudes. C’est ce que nous avons fait en élaborant un plan à 3 ans, autour de ces 3 volets que sont les Clients, la dimension People, et une dimension sociétale. S’agissant des Clients, nous venons d’évoquer le premier axe qui consiste à démontrer la valeur apportée par les études. On pourrait dire que la priorité c’est le ROI des études, sujet sur lequel nous devons progresser. Mais ça serait restrictif, par ce qu’il y aussi ce rôle clé sur la notion de transformation ou d’impact décisionnel, qui est sans doute moins quantifiable. La feuille de route reste largement à définir, mais nous avancerons très vraisemblablement avec Insight Hub sur ce thème, avec des actions communes.
Le second grand axe consistera à revisiter les fondamentaux de l’éthique du métier.
Mais encore ?
Je suis convaincu que nous devons parler des études moins sous l’angle des « ingrédients » que nous utilisons, et beaucoup plus sous celui de ce que nous en faisons, de l’expérience qui en résulte et de son impact sur les décisions. Mais la condition sine qua non de cela est que nous soyons considérés comme des tiers de confiance de la donnée qui est injectée dans les modèles et les prises de décision, qu’elle soit qualitative ou quantitative. Pour le dire explicitement, on voit aujourd’hui beaucoup de dérives, avec des études qui s’écartent des fondamentaux de l’éthique du métier. Entendons-nous, je ne suis pas un ayatollah de la marge d’erreur et des tests de significativité. Mais on ne peut pas faire de la bonne cuisine sans de bons ingrédients ! Face aux enjeux décisionnels que nous avons évoqués, un de nos rôles clés est d’être les garants de la qualité des données. On parle aujourd’hui beaucoup des données synthétiques et de l’IA. Il ne s’agit pas de trancher si cela est bien ou mal, mais d’expliciter quelles en sont les bonnes conditions d’usage.
On ne peut pas faire de la bonne cuisine sans de bons ingrédients ! Face aux enjeux décisionnels que nous avons évoqués, un de nos rôles clés est d’être les garants de la qualité des données.
De mon point de vue, ce sujet ne doit pas être déconnecté de celui de la valeur de notre métier. C’est même un des leviers essentiels, de même que notre capacité à avoir un impact décisionnel. Pour le dire autrement, si notre promesse est celle de la valeur, la qualité des ingrédients et les conditions de production de ceux-ci constituent la « Reason To Believe ».
Vous avez mentionné un volet People. A quoi pensez-vous ?
J’évoquerai au moins deux grands points. Le premier consiste à rappeler que notre valeur est d’abord et avant tout liée aux humains et à l’expertise humaine. Des humains qui sont renforcés par la techno et non l’inverse. Dans un monde qui se « technicise », par capillarité et par choix, il nous semble qu’il y un vrai enjeu à la fois sur l’identification des compétences du futur et à la formation de notre communauté à celles-ci. Il faut assumer l’accélération de l’usage de la technologie dans nos métiers, mais nous devons aussi l’accompagner. Ce qui suppose de proposer et d’incuber des formations, en particulier pour répondre aux besoins des plus petites structures, qui n’ont pas les moyens des grands acteurs du secteur.
Dans un monde qui se « technicise », par capillarité et par choix, il nous semble qu’il y un vrai enjeu à la fois sur l’identification des compétences du futur et à la formation de notre communauté à celles-ci. Il faut assumer l’accélération de l’usage de la technologie dans nos métiers, mais nous devons aussi l’accompagner.
Nous avons par ailleurs un autre rôle important d’animation de la communauté, celle-ci devant à notre sens être renforcée. Nous agirons donc dans ce sens en réformant la réunion de nos adhérents, en l’ouvrant et en faisant en sorte qu’elle soit plus un lieu de débat. Nous prendrons très prochainement une initiative forte dans cette direction.
J’ajouterai enfin que nous devons mieux valoriser les jeunes talents. Cela s’est notamment traduit par le lancement de l’opération Research Got Talent d’Esomar en France. Mais il y aura d’autres actions.
Quid du troisième volet que vous avez mentionné concernant les priorités de Syntec Etudes ?
Il s’agit de l’enjeu environnemental, qui est incontournable dans la définition du momentum que nous évoquions précédemment. Avec la question de notre propre impact, mais aussi celle de notre capacité à accompagner les entreprises dans la réduction de leurs impacts à eux. Nos clients nous disent tous qu’ils veulent basculer vers un autre monde. Mais la difficulté est de trouver et mettre en œuvre le comment ! Nous avons un rôle essentiel sur cet enjeu, le secteur des études devant se nourrir de ce qui se fait par ailleurs notamment au sein de Syntec Conseil autour du Développement Durable et de la RSE, avec la Commission dédiée à ces sujets. Nous devons nous imprégner des bonnes pratiques et les partager. Nos clients nous attendent là-dessus, mais nos équipes et nos futurs collaborateurs aussi. Nous devons donc être des acteurs clés de cette transformation.
Nos clients nous disent tous qu’ils veulent basculer vers un autre monde. Mais la difficulté est de trouver et mettre en œuvre le comment ! Nous avons un rôle essentiel sur cet enjeu, le secteur des études devant se nourrir de ce qui se fait par ailleurs notamment au sein de Syntec Conseil autour du Développement Durable et de la RSE, avec la Commission dédiée à ces sujets.
Une dernière question enfin : quel type de présidence aimeriez-vous incarner ?
Certainement pas une présidence jupitérienne, tout simplement parce que ce n’est pas dans mon caractère. Jouer la carte du collectif me semble une bien meilleure option. Dans un monde associatif où les intervenants n’ont pas toujours beaucoup de temps, il peut être tentant pour un président d’imposer ses idées pour faire avancer les choses. Mais je pense qu’il est préférable de créer les conditions de l’engagement. Je suis par ailleurs attaché au principe d’une réelle liberté dans les débats, en faisant en sorte que les gens ne se limitent pas à être les représentants de leur société respective.
Sans doute aussi je serai un président « marathonien », parce que j’aime cette discipline et parce que je crois fondamentalement à la vertu et l’efficacité d’un effort constant, dans la durée, plus qu’à celle des sprints même s’il en faut parfois. J’essaierai enfin d’être un président tourné vers le monde, en intégrant des acteurs externes dans nos réflexions et en étant également ouvert aux interactions avec des collectifs comme l’Insight Hub et plus largement tout l’écosystème associatif. Je suis certain que nous avons de belles choses à faire ensemble.
POUR ACTION
• Echanger avec l’ interviewé(e) : @ Stéphane Marcel