DOSSIER DU MOIS

# Comment réussir ses études - et son marketing - sur le marché chinois ? (volet 1)

"L’humilité et l’écoute sont de mise pour réussir en Chine"

Anne-Cécile Guillemot
Co-fondatrice de Dynvibe

13 Juin. 2024

Anne-Cécile Guillemot, co-fondatrice de Dynvibe

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Le caractère parfaitement unique du marché chinois est une évidence pour Anne-Cécile Guillemot, co-fondatrice de Dynvibe, qui est un des pionniers et des leaders de la Social Intelligence et en a fait une de ses zones d’intervention majeures. Elle nous livre sa vision des tendances clés dont les marques occidentales et internationales doivent tenir compte pour y réussir, ainsi que des principaux pièges à éviter.

MRNews : Dynvibe fait partie des grands spécialistes de la Social Intelligence, avec une activité à très forte coloration internationale, la Chine étant votre second plus grand marché d’analyse après les Etats-Unis. Pourquoi ce parti-pris ?

Anne-Cécile Guillemot (Dynvibe) : Nous avons très vite pris la mesure de l’importance stratégique de ce marché pour nos clients, tels que L’Oreal, Coty, LVMH, Pernod Ricard ou encore Sanofi. Mais nous avions aussi conscience du fait que le marché chinois est absolument unique, et ce à bien des égards. Lancer une enseigne, une marque ou un produit sur ce gigantesque marché sans en comprendre les codes et les tendances, notamment ceux de la jeune génération, c’est l’échec assuré ! La décision d’intégrer des analystes chinois au sein de nos équipes s’est donc imposée « naturellement » à nous, il y a plus de dix ans maintenant.

Quelles tendances vous semblent clés et peut-être insuffisamment prises en compte s’agissant du marché chinois ?

Trois phénomènes me paraissent essentiels pour appréhender le marché chinois aujourd’hui : la « Chinese Pride », l’expertise accrue des consommateurs chinois et enfin la montée en puissance des marques locales.

Les Chinois sont fiers de leur culture et de leurs traditions. Et toute marque qui s’aventurerait à une appropriation illégitime de ce capital ou à transgresser celui-ci s’expose à une réaction relativement brutale. Il y a une volonté croissante des Chinois d’acheter et de consommer en priorité des marques locales. Ou bien des produits intégrant des ingrédients chinois, comme par exemple des plantes ou des fleurs locales dans la composition des cosmétiques et des parfums.

Les Chinois sont fiers de leur culture et de leurs traditions. Et toute marque qui s’aventurerait à une appropriation illégitime de ce capital ou à transgresser celui-ci s’expose à une réaction relativement brutale. Il y a une volonté croissante des Chinois d’acheter et de consommer en priorité des marques locales. Ou bien des produits intégrant des ingrédients chinois.

Ils sont aussi devenus plus « experts ». Les consommateurs ne prennent plus le marketing et l’image des marques pour argent comptant, ils ont désormais la connaissance pour juger de la véracité des discours. Là où les marques Western s’imposaient auparavant par leur nom et leur image d’efficacité, ou par leur stratégie d’influence, aujourd’hui le nom seul ne suffit pas, elles doivent se positionner en tant que challenger pour rester désirables. 

Les marques occidentales ont longtemps joui d’une aura de qualité… Celle-ci existe-t-elle encore ?

De fait, elles subissent une vive concurrence de la part d’acteurs locaux proposant un rapport qualité/prix très attractif. Ceux-ci sont montés en puissance, les marques chinoises étant vues comme aussi qualitatives que leurs rivales occidentales si ce n’est plus, avec l’avantage de maitriser les codes culturels des consommateurs, en particulier ceux de la jeune génération. Par ailleurs, la GenZ en recherche de différenciation a tendance à s’intéresser à des marques plus « niches », plus confidentielles, qu’elles soient chinoises ou occidentales.

Les marques occidentales subissent une vive concurrence de la part d’acteurs locaux proposant un rapport qualité/prix très attractif. Ceux-ci sont montés en puissance, les marques chinoises étant vues comme aussi qualitatives que leurs rivales occidentales si ce n’est plus, avec l’avantage de maitriser les codes culturels des consommateurs (…)

Quid du rôle des influenceurs ? Voyez-vous des tendances particulières à prendre en compte ?

Leur rôle reste très important. Mais nous observons que celui-ci est de moins en moins localisé. Notamment pour rentabiliser leurs investissements, les marques vont chercher des influenceurs ou des ambassadeurs qui peuvent avoir un impact sur la Chine mais aussi sur toute la zone asie, voire sur le reste du monde (obj GLOCAL). On commence ainsi à voir des célébrités ou des influenceurs Chinois dans de grands évènements internationaux, comme à Cannes par exemple.

Quelles vous semblent être les autres clés de succès importantes pour les marques sur le marché chinois ?

Ce qui est valable pour la Chine l’est aussi pour le reste des marchés émergents : l’humilité est de mise pour réussir dans ces pays. Ce sont des marchés très dynamiques dans lesquels les marques occidentales ne sont pas les seules attendues, où les acteurs locaux sont agiles et rapides dans l’innovation et où l’adoption de nouveaux comportements d’achat (ex : sur les réseaux sociaux) se fait souvent plus rapidement que chez nous. Il est ainsi fort profitable d’écouter les réseaux sociaux chinois, pour bien saisir les attitudes des consommateurs vis-à-vis des marques et des catégories de produits, et s’approprier la sémantique la plus pertinente. Dans le même esprit, nous conseillons de surveiller les acteurs locaux en observant les codes de communication qu’ils utilisent et les bénéfices produits mis en avant. Et d’être vigilant sur qui sont les nouveaux entrants et comment ils évoluent, en n’hésitant pas à mettre des coups de loupe sur les marques locales de niche.

Ce qui est valable pour la Chine l’est aussi pour le reste des marchés émergents : l’humilité est de mise pour réussir dans ces pays (…). Il est ainsi fort profitable d’écouter les réseaux sociaux chinois, pour bien saisir les attitudes des consommateurs vis-à-vis des marques et des catégories de produits, et s’approprier la sémantique la plus pertinente.

J’ajouterai que l’appropriation de nouvelles tendances, qu’elles soient locales ou internationales, se fait très rapidement en Chine. D’où le fait qu’il faille rester connecté le plus en temps réel possible à ce marché. La Social Intelligence qui traite de la data pléthorique et chaude est une des méthodologies les plus pertinentes pour cela : nous veillons sur ce qu’il se passe et expliquons à nos clients comment ils peuvent rapidement actionner les insights dans leurs stratégies qu’il s’agisse d’innovation, de marketing ou d’influence.

Pouvez-vous citer des exemples emblématiques de projets que vous menez sur le marché chinois ?

Le premier cas que je citerai concerne une marque de luxe occidentale. Via leurs outils classiques de mesure de perception de marque, ses équipes observaient une dégradation de l’image en Chine, plus particulièrement auprès de la Gen Z, sans parvenir toutefois à en identifier réellement les causes. Nous avons donc utilisé notre plateforme partenaire de Social Listening pour collecter plusieurs dizaines de milliers de conversations spontanées sur la marque. Nous avons isolé les échanges négatifs grâce aux algorithmes sémantiques, et capitalisé sur l’intelligence humaine pour comprendre finement les drivers négatifs, avec des centaines de conversations analysées une à une.

Trois sujets sont alors clairement apparus, le plus problématique étant la perception que la marque s’était livrée à une forme de détournement culturel. Elle concernait originellement un produit bien précis, mais cela renvoyait l’image d’une marque irrespectueuse vis-à-vis des Chinois, avec un réel risque de boycott pouvant toucher toute l’offre. La méthodologie mise en œuvre a ainsi été très efficace pour cerner le problème clé à résoudre, avec l’avantage de travailler sur d’énormes volumes de conversations spontanées pour avoir une excellente compréhension sans filtre aucun. Elle permettait aussi de collecter des matériaux très opérationnels pour nos interlocuteurs, avec des photos ou des vidéos éclairantes. 

Auriez-vous un second exemple de projet ?

Oui. Notre client souhaitait lancer une marque dans le domaine de la santé sur le marché chinois et définir une stratégie de communication résonnant localement pour contribuer à la réussite de l’opération. Or il ne disposait pas d’insights consommateurs sur ce marché-là pour orienter et nourrir cette stratégie. Nous avons pris le parti de collecter, à nouveau avec notre plateforme partenaire, des conversations spontanées portant sur les symptômes visés par le produit en question. Nous avons également procédé à une analyse humaine d’une part des conversations de consommateurs ‘lambda’ pour comprendre la perception, l’approche, les usages sur la catégorie en question. Mais aussi du contenu des sources d’influence sur cet univers, afin d’identifier les pratiques les plus engageantes et inspirantes pour le public. Je précise que, comme pour le cas précédent, nous avons bénéficié de l’éclairage culturel de nos consultants natifs, indispensable pour avoir une analyse fine et juste, la quantification aidant elle à hiérarchiser et cerner les actions prioritaires.

Ces approches nous ont permis d’identifier les cibles clés de la campagne de communication et de définir comment les adresser avec succès, à la fois pour ce qui est du ton, du discours à adopter – exemples à l’appui – et du positionnement sous-jacent. Nous avons également pu déterminer comment capitaliser sur les sphères d’influence autour du sujet.

Voyez-vous un dernier point important à ajouter ?

Notre conviction est qu’il faut s’intéresser de près à l’arrivée des marques Chinoises dans les Western countries. Le phénomène Voitures électriques est frappant, d’autant que le niveau de satisfaction des acheteurs est élevé. Mais toutes les catégories de produits sont aujourd’hui concernées. On note par exemple la puissance de la K-beauty sur les pays Westerns, la C-beauty sera à appréhender de la même façon. Ces marques sont agiles et savent s’adapter aux besoins des consommateurs de ces pays. Mais elles peuvent aussi séduire les publics occidentaux en s’appuyant sur les codes culturels Chinois. L’arrivée de la marque de makeup Florasis en France et aux Etats-Unis me semble être un exemple édifiant

Notre conviction est qu’il faut s’intéresser de près à l’arrivée des marques Chinoises dans les Western countries. Le phénomène Voitures électriques est frappant, d’autant que le niveau de satisfaction des acheteurs est élevé. Mais toutes les catégories de produits sont aujourd’hui concernées.


 POUR ACTION 

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