# Hybridation et études marketing : best practices (volet 1)
Ines Bizot et Aurélie Plessier (June Marketing)

Hybrider nous permet de repousser les limites de notre métier

Inès Bizot et Aurélie Plessier
Présidente Directrice Générale et Responsable du planning stratégique de June Marketing

2 Juin. 2023

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Avec June Marketing, nous avons l’exemple sans doute emblématique d’une agence de taille moyenne dont la trajectoire a été fortement drivée par l’hybridation des expertises. Ce principe restant actif, avec l’intégration récente de nouvelles « briques » telles que le Social Messaging et l’Intelligence Artificielle. Pourquoi ce choix ? Comment s’est-il appliqué ? Pour quels enjeux et avec quels bénéfices pour les entreprises clientes et la structure elle-même ? Ce sont les questions que nous avons posées à sa fondatrice, Inès Bizot, et Aurélie Plessier.

MRNews : L’hybridation est particulièrement présente dans l’histoire de June Marketing, dont l’activité originelle – sous la marque MSM – était les études qualitatives. Pourquoi ce choix ?

Inès Bizot (June Marketing) : Ce sont nos clients qui nous ont amenés à le faire ! Explicitement ou implicitement, en nous faisant part des insatisfactions qu’ils pouvaient ressentir en travaillant avec certains grands instituts, où la multi-spécialisation générait des silos organisationnels. Ils nous exprimaient leur besoin de s’appuyer sur un interlocuteur unique, ayant une vision panoramique des tenants et aboutissants et à même d’apporter au final une recommandation plus pertinente. Ce qui est le vrai enjeu en réalité ! Et nous avons donc franchi le pas, d’abord sur les sujets d’innovation sur lesquels nous intervenions beaucoup. Et c’est sans doute là où c’était le plus « facile ». Mais le fait d’avoir recours à des approches diverses et variées a réellement changé notre métier. Cela nous a donné des ailes. Nous ne vendions plus des réunions de groupe ou des méthodologies, mais des réponses aux problématiques marketing des entreprises. Toujours en nous fondant sur ce que disent et pensent les consommateurs, mais en étant bien plus efficients. 

Le fait d’avoir recours à des approches diverses et variées a réellement changé notre métier (…). Nous ne vendions plus des réunions de groupe ou des méthodologies, mais des réponses aux problématiques marketing des entreprises. Toujours en nous fondant sur ce que disent et pensent les consommateurs, mais en étant bien plus efficients. 

Est-ce si simple de devenir et de gérer une entreprise « hybridante » ? Quels partis-pris ont permis de le faire ?

IB : Non, ça ne l’est pas. Y compris pour des petites structures, il faut agir quasiment au quotidien pour se prémunir du cloisonnement que sécrète naturellement la coexistence de différentes expertises. Nous avons ainsi mis quelques années à repenser notre organisation. Cela nous a menés à adopter une hiérarchie plate, avec des couples mentors-mentorés, et des business units sectorielles au sein desquelles les métiers se mélangent. Une même personne peut avoir plusieurs expertises, encourager la polyvalence fait partie de la démarche, ce qui a aussi pour avantage d’ouvrir des perspectives pour les équipes. Lorsqu’un brief conséquent tombe, nous mettons en place ce que nous avons labellisé sous le terme de JIC, un comité permettant de faire appel aux différences compétences. Les clients nous le disent et cela nous fait très plaisir, que l’on sent que les métiers travaillent ensemble chez June. Cela se voit y compris dans nos présentations et nos rapports, où il n’y a pas une partie quali d’un côté, une partie quanti de l’autre, mais un tout.

Y compris pour des petites structures, il faut agir quasiment au quotidien pour se prémunir du cloisonnement que sécrète naturellement la coexistence de différentes expertises.

Aurélie Plessier (June Marketing) : C’est une évidence pour moi, nous parlons bien tous un langage commun, cette hybridation est devenue culturelle chez June. Pour moi qui viens du planning stratégique, tout est parfaitement fluide lorsque je travaille avec des spécialistes des études qualitatives ou des quantitativistes. 

Quelles expertises sont aujourd’hui rassemblées au sein de votre structure ? Les études qualitatives et quantitatives, le planning stratégique ?

IB : Oui. Il faut y rajouter l’accompagnement à l’innovation, qui est essentiel dans notre activité, à la fois sur des sujets d’idéation et de quantification des opportunités. Nous avons également développé des compétences en narration, visualisation et storytelling, avec le Studio June. Nous sommes ainsi en mesure d’éditorialiser nos productions, de ne pas nous limiter à faire de jolis rapports, mais des contenus adaptés, partageables dans l’entreprise et/ou sur les réseaux sociaux. Plus récemment, nous avons intégré le social messaging, de même que l’usage de l’Intelligence Artificielle.

Parlons donc du Social Messaging. Pourquoi avoir intégré cette brique, et qu’a-t-elle apporté ? 

IB : Le point de départ est notre rachat de Jam, qui nous intéressait du fait de sa connaissance de la génération Z, avec une communauté de 800 000 jeunes sur Messenger et Instagram, en contact quotidien avec un ChatBot. Jam avait un profil très original, mi-média, mi-outil de consultation. Le modèle a évolué, mais nous avons réalisé qu’il y avait là, avec le social messaging, une expertise à part entière, mobilisable pour investiguer tout type de cibles et pas seulement des jeunes. Elle nous permet, via les réseaux sociaux, de recruter en masse des individus vierges des panels à qui nous poussons des conversations, avec des questions fermées, ouvertes… Cet outil est extrêmement souple, on peut l’utiliser à la fois pour du recueil quantitatif ou qualitatif, ou bien en alternant les deux. Il nous procure la puissance de la masse, on peut travailler sur un très grand nombre de personnes, sur différents pays, et rapidement. La contrainte, il y en a une, étant de travailler sur des sujets affinitaires. Et aussi de fonctionner avec des quotas pas trop rigides.

Lire aussi > L’interview de Nathalie Cabart et Thomas Le Cren (June Marketing) : « Les média conversationnels ouvrent de superbes possibilités pour mieux connaitre des cibles clé »

Dans quelles circonstances cet outil apporte le plus de valeur ajoutée ?

IB : Il est idéal pour défricher un sujet ou une cible -même lorsqu’elles sont pointues – et s’acculturer à celle-ci. Il permet d’obtenir à la fois des éléments motivationnels et un premier niveau de quantification, pour voir comment se hiérarchisent un certain nombre de phénomènes. Il peut aider à se sortir de certaines impasses, par exemple quand il faudrait mener une double investigation qualitative et quantitative, mais que cela est impossible, par manque de temps. Ce qui ne veut surtout pas dire qu’elle doit être réservée à du Quick & Dirty ! Elle requiert une forte compétence, il ne s’agit pas d’une solution low cost.

AP : L’outil est hybride en lui-même comme nous l’avons évoqué. Mais il se prête particulièrement bien à une combinaison avec d’autres briques d’expertise. En particulier avec le planning stratégique pour mettre en perspective des tendances. Ou bien avec une investigation quantitative ou qualitative focalisée sur un point plus précis. Ou bien encore avec de l’accompagnement en innovation, ou des approches « ethno ».

Le social messaging est un outil hybride en lui-même. Mais il se prête particulièrement bien à une combinaison avec d’autres briques d’expertise. En particulier avec le planning stratégique pour mettre en perspective des tendances. Ou bien avec une investigation quantitative ou qualitative focalisée sur un point plus précis. Ou bien encore avec de l’accompagnement en innovation, ou des approches « ethno ».

Pouvez-vous partager des exemples d’utilisation ?

AP : Nous avons récemment mené un projet pour un acteur de référence dans le domaine des cosmétiques. Il souhaitait savoir comment mieux s’adresser aux cibles jeunes en Europe, avec ses différentes marques. Avec Jam et en nous appuyant sur d’autres réseaux, nous avons pu mettre en place des conversations avec 240 jeunes. Et avons poursuivi la démarche avec des entretiens individuels auprès d’une vingtaine d’entre eux, recrutés via ce canal, notamment pour appréhender plus en profondeur leur rapport à la catégorie et leurs parcours d’achat.

Nous avons par ailleurs combiné Social Messaging, étude « ethno » et planning stratégique dans un autre projet récent, réalisé pour un groupe de spiritueux. Sa problématique était de rationaliser son portefeuille de marques, en définissant mieux le rôle et le coeur de cible pour chacune d’elles. Nous sommes intervenus sur des enjeux proches pour d’autres acteurs, par exemple dans l’univers de la confiserie.

Vous avez aussi cité l’Intelligence Artificielle parmi les briques d’expertise que vous avez intégrées. Comment l’exploitez-vous ?

AP : Nous avons d’une part mis en place un groupe de travail afin de recenser, pour tous nos métiers, les opportunités offertes par l’IA. Et nous avons de premiers cas d’usage avec Midjourney. Nous avons « twisté » un procédé que nous utilisons dans nos focus groups et/ou nos ateliers d’idéation. Et qui consiste, pour explorer un sujet, à demander aux participants de sélectionner des visuels dans un stock de magazines que nous leur confions pour réaliser des mood-boards. Là, nous procédons différemment. Nous briefons Midjourney pour qu’il génère des images, en adéquation avec un produit dans tel univers, pour telle cible ou tel usage. Nous obtenons ainsi des illustrations particulièrement inspirantes, qui vont nous permettre de stimuler l’imagination des consommateurs pour élaborer des concepts.

Nous briefons Midjourney pour qu’il génère des images, en adéquation avec un produit dans tel univers, pour telle cible ou tel usage. Nous obtenons ainsi des illustrations particulièrement inspirantes, qui vont nous permettre de stimuler l’imagination des consommateurs pour élaborer des concepts.

IB : C’est une forme de stimulation augmentée. Qui peut être utilisée dès le début des sessions, ou bien pour « relancer la machine » dans les processus d’idéation. Les propositions de l’IA sont souvent bluffantes, mais, bien sûr, la qualité du brief est essentielle. Nous utilisons aussi Midjourney pour finaliser des recommandations. Dans le cadre d’un pré-test de communication par exemple, plutôt que de simplement stipuler qu’il faut faire évoluer une scène ou pour spécifier le casting, on mobilise l’IA pour illustrer ce que cela pourrait donner. Ce travail ne remplace pas celui des créatifs, mais leur apporte une aide précieuse.

Une dernière question enfin : quel serait LE piège à éviter avec l’hybridation ?

IB : Ce n’est pas une fin en soi et elle ne doit surtout pas être pratiquée en marche « forcée ». La finalité, nous l’évoquions en préambule, c’est d’obtenir une recommandation plus pertinente. L’hybridation ne se justifie que si elle nous sert à mieux répondre à la problématique du client. Et nous ne la proposons donc qu’au cas par cas. Mais, pour nous, cela a été — et c’est toujours — un magnifique outil pour nous faire sortir des frontières habituelles du métier. Intégrer régulièrement de nouvelles approches nous aide également à renouveler l’expérience offerte aux participants à nos études. C’est plus agréable pour eux, ça l’est aussi pour nous. Et cela permet en outre d’apporter de meilleures réponses à nos clients. Dans ces conditions, ce n’est donc que du plus ! 


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewé(e)s : @ Inès Bizot @ Aurélie Plessier

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