# Les communautés d’études online : mode d’emploi et best practices (volet 1)
Dossier Communautés : interview de Florence Hussenot, CEO d'Adwise

"Les communautés sont l’outil idéal pour aider les entreprises à se transformer !"

Florence Hussenot
Fondatrice et CEO d’Adwise

9 Mar. 2022

Partager

Et si les communautés d’études constituaient l’outil idéal pour aider les entreprises à se transformer selon les impératifs en vigueur aujourd’hui, en mode agile et customer-centric ? C’est la conviction que partage ici Florence Hussenot (Adwise), pour qui la création d’une communauté doit être un acte fort, engageant. Qui permet aux études de contribuer à construire une réflexion stratégique sur la durée plutôt que s’enfermer dans une logique dominante de validation. Elle évoque les avantages décisifs de ces dispositifs en pointant au passage quelques fausses croyances à éliminer.

MRNews : L’usage des communautés à des fins d’études s’est fortement diffusé dans les entreprises. Mais des confusions subsistent sur ce que recouvre ce terme. Quelle est votre définition ?

Florence Hussenot (Adwise) : il y a une confusion en particulier avec les panels, issue de la communication des solutions technologiques qui se présentent comme communautaires alors que ce sont d’abord des solutions d’enquête quanti. Les entreprises ont l’impression d’avoir une communauté alors qu’elles ont la plupart du temps un panel. Or, une communauté est plus « qualitative ; cela ressemble beaucoup plus à un club de discussion qui se retrouve dans un café, l’intimité de la relation est d’un tout autre ordre. Et cette confusion est dommage car au final, peu utilisent leur panel pour créer une communauté quali, alors que cela peut facilement se gérer à partir d’un panel et de ces mêmes solutions d’enquêtes.

Cette confusion est aussi en partie liée à la diversité des formes de communautés : pérennes ou flash ; alors que leur utilité est différente. 

Quels sont les avantages propres aux communautés dans la connaissance des consommateurs ? 

Nous utilisons les communautés sous toutes leurs formes depuis longtemps ; mais ce qui me semble percutant aujourd’hui ce sont les communautés pérennes. Ce genre de communauté permet de travailler selon un principe de « géométrie variable », et ainsi de zoomer (sur une cible, un comportement) et dézoomer (sur des tendances, des niveaux de connaissance), et de passer ainsi de façon souple du général au particulier. Et cette approche est intéressante pour ancrer une analyse dans un regard plus planning strat qui, selon nous, redonne toute sa puissance au directeur d’étude.

Comme nous travaillons sur un temps plus long, les marques ont ainsi la possibilité de construire leur réflexion avec le consommateur. Cela nécessite de voir les consommateurs autrement, non pas uniquement comme des cibles, mais aussi des partenaires. C’est un point majeur. Cela implique de partager, de donner de l’information, et pas seulement de l’argent. Il faut être dans l’échange. C’est une logique très différente de celle des études traditionnelles.

Les communautés servent d’abord et avant tout à identifier de nouveaux insights ? 

Je vais vous faire une réponse de normande. Une communauté pérenne se construit sur un brief. C’est un outil ad hoc, qui peut se gérer à partir d’un panel quanti. Nous la construisons en fonction des études « habituelles » ou nécessaires ; et nous y adjoignons des approches à valeur ajoutée au cours de l’année. Pour nous, c’est d’abord une relation de partenariat avec un annonceur. Par exemple, lorsque nous gérions la communauté de Carrefour, nous étions parfois amenés à recruter de nouvelles cibles. Ce n’est pas un problème pour nous. Nous nous adaptons à tous les besoins. Et chaque étude sur la communauté fait l’objet d’un brief et d’une réponse méthodologique de notre part. 

Alors la recherche d’insight est certainement pertinente sur une communauté, et encore mieux si elle est complétée par du planning strat. C’est l’avantage d’être un institut avec plusieurs techniques à notre arc. L’innovation est également au cœur des communautés : plus d’itération, plus d’agilité. Les communautés constituent une vraie solution pour adresser le challenge de l’innovation continue. Elles ouvrent la possibilité de travailler différemment, en intégrant l’identification des insights dans un processus continu. Elles permettent également de tester des propositions et d’accompagner la transformation « customer-centric ».

J’ajouterais néanmoins que les communautés ne servent pas qu’à détecter de nouveaux insights. Elles offrent aussi la possibilité de mieux sentir quelles sont les dynamiques à l’oeuvre sur un secteur et/ou une catégorie donnée. Certaines attentes ou représentations s’infléchissent, d’autres progressent… C’est important pour les directeurs d’études de pouvoir saisir ces mouvements, pour nourrir régulièrement la R&D et se positionner en amont de la décision stratégique dans l’entreprise.

Les communautés sont-elles recommandées pour adresser d’autres enjeux que celui de l’innovation ?

Elles sont également très efficaces pour travailler sur des problématiques de marque, parce que sur la Brand Equity il est utile de parler à des fans. Compte tenu de leur souplesse, elles se prêtent en réalité à énormément d’usages. Que ce soit pour varier les angles, ou zoomer / dézoomer sur un thème comme nous l’avons évoqué. Ou bien simplement pour avoir un feedback. C’est ce que fait par exemple Ouest France, qui invite quotidiennement ses « éclaireurs » à s’exprimer au sujet de la une du jour. C’est aussi un outil idéal pour mener des exploratoires, que ce soit sur un sujet donné ou une cible particulière. 

Mais, au-delà de ça, les communautés permettent de s’extraire d’une logique un peu trop exclusive de validation de concepts ou de campagnes. Elles aident réellement à construire une réflexion, une stratégie, une vision de sa catégorie, de son marché ce qui me semble être un atout précieux pour un directeur d’étude.

Voyez-vous d’autres bénéfices importants ? 

Oui. Elles ouvrent également la possibilité d’un bien meilleur partage de la connaissance clients dans l’entreprise, qui va de pair avec un renforcement du rôle des CMI. C’est un appel d’air incroyable pour tout le monde.

Et enfin, il y a de vrais avantages sur le plan budgétaire en particulier. Nos interlocuteurs nous le disent régulièrement, ces dispositifs leur permettent de faire plus d’études à budget constant. Et d’interagir ainsi plus fréquemment avec les consommateurs

Certains annonceurs hésitent à se lancer dans l’usage des communautés. Quels sont les principaux freins et sont-ils justifiés ?

Nos interlocuteurs considèrent parfois que leurs cibles sont trop hétérogènes pour pouvoir être étudiées dans le cadre d’une communauté. Le plus souvent parce qu’ils sous-estiment la souplesse de ces dispositifs. Il est en réalité parfaitement possible de monter un groupe très large avec différentes sous-communautés. Comme par exemple, au sein des acheteurs de produits d’hygiène en pharmacie, ceux qui utilisent des articles bien spécifiques. Ou encore de rajouter un module offline ou du planning strat.

Un second frein est lié à l’appréhension de ne pas avoir suffisamment de sujets pour animer la communauté. Alors qu’il y a une grande latitude à varier et multiplier les angles de sollicitation, comme nous l’avons évoqué. Et par ailleurs, nous avons créé des communautés partagées sur des thématiques, comme par exemple le bricolage et l’aménagement. Notre communauté s’appelle le Fablab du bricolage, et nous avons plus de 400 personnes prêtes à répondre en 48h. Tout annonceur peut y lancer son étude.

Quel a été votre cheminement personnel sur ce type d’outil ?

J’avais moi-même un frein qui était celui du quali digital. Je craignais de perdre la qualité et la richesse des interactions que nous avons en face à face. Et, à l’expérience, j’ai découvert les énormes avantages qu’il offre, surtout pour détecter des insights. Au travers de ce que les gens nous disent, mais également des matériaux qu’ils partagent, comme les photos en particulier. Sur les fêtes de Noël par exemple, lorsqu’on travaille sur l’alimentation, ces photos sont d’une richesse incroyable, parfois à l’insu de ceux qui nous les donnent ! Et j’ai aussi pris conscience de cette souplesse que j’évoquais précédemment, cette capacité à multiplier les perspectives et à les croiser. En l’espace de quelques minutes, on décide de creuser un point en visio, avec un mini-groupe, ou même en individuel le soir même. Cela change tout ! 

Voyez-vous enfin des pièges importants à éviter ?

J’en citerai trois. Le premier consiste à sous-dimensionner la taille de la communauté, ce qui limite la souplesse de l’outil alors que c’est une de ses très grandes forces. Deuxièmement, il me semble également clé de ne pas sous-estimer l’investissement temps que cela représente. Pour nous au recrutement et à l’animation, et pour notre client pour orchestrer les différents usages, la faire connaitre au sein de l’entreprise et partager les enseignements recueillis. Ce dernier point est essentiel, et requiert de notre part de produire des notes de synthèse ou des monographies. Mais ce travail est extrêmement payant en interne.

En réalité, le plus grand piège serait de prendre le sujet par le mauvais bout de la lorgnette, en pensant que ce dispositif permettra essentiellement de faire des économies. Créer une communauté, c’est un acte fondateur d’une démarche. C’est l’outil des chasseurs d’insights et de la people centricity. 


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Florence Hussenot

  • Retrouver les points de vue des autres intervenants du dossier 

Partager

S'ABONNER A LA NEWSLETTER

Pour vous tenir régulièrement informé de l’actualité sur MRNews