# Comment concilier agilité et hauteur stratégique ?
Dossier Agilité : Interview de Maria Di Giovanni (Sorgem Advance)

"La séniorité est un facteur clé d’agilité dans les études marketing"

Maria Di Giovanni
Présidente de Sorgem Advance

29 Sep. 2021

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L’agilité comme mot d’ordre dans les études marketing n’est bien sûr pas nouveau. Mais ce terme recouvre une réalité à la fois évolutive et plurielle. Et il existe donc différentes réponses possibles à ce besoin nous dit Maria Di Giovanni, présidente de Sorgem Advance. Celle que sa société a vocation à apporter repose sur deux partis-pris : la séniorité des intervenants et la co-construction avec les équipes concernées dans les entreprises. C’est la philosophie qu’elle développe et nous présente ici. 

MRNews : Quelle lecture faites-vous de cet impératif d’agilité régulièrement mis en avant par les responsables des études marketing côté annonceurs ?

Maria di Giovanni (Sorgem Advance) : Le concept n’est pas nouveau, on en parle depuis plus d’une décennie ! Mais il me semble que son sens a évolué. Initialement, l’agilité était d’abord et avant tout synonyme de rapidité dans la livraison des résultats. Elle supposait donc en amont une forte accélération dans la production de l’étude, l’analyse et le débriefing. Dans un second temps, l’enjeu s’est déplacé sur le design des projets. Exit les dispositifs lourds et longs au profit d’approches plus légères, plus smart, plus resserrées autour des questions clés de l’entreprise. Et moins couteuses aussi, évidemment ! Cette préoccupation reste bien sûr d’actualité. On peut considérer qu’un troisième temps est intervenu, que l’on pourrait dénommer comme étant l’âge de la data. Certains y ont vu un eldorado pour les démarches agiles… La data étant partout, il suffisait d’appuyer sur un bouton pour en extraire immédiatement des éclairages stratégiques majeurs. J’exagère à peine ! On s’est rendu compte que ce n’était pas si simple. Les entreprises croulent sous les données, et sont de plus en plus conscientes de la difficulté à en tirer de véritables enseignements stratégiques justement…

Je crois que nous sommes engagés aujourd’hui dans une nouvelle phase, une autre façon de travailler où la tension dominante est de concilier la souplesse avec une réflexion stratégique consistante. C’est celle qui nous intéresse. A la fois parce qu’elle répond à un besoin très fort des marques, et parce qu’elle correspond à ce qu’est Sorgem Advance.

Par quoi se caractérise-t-elle ?

Une agilité efficace suppose d’abord et avant tout une réelle séniorité des intervenants, ainsi que la capacité à fonctionner d’emblée en mode co-construction avec l’entreprise ou la marque. Acquérir toujours plus de données en toujours moins de temps, cela ne peut pas faire de mal, mais notre vision est qu’il ne faut pas se limiter à cela. Il est essentiel de donner la priorité à la qualité sur la quantité, notamment par une définition fine des cibles pertinentes. La réflexion stratégique se nourrit ensuite de la qualité des échanges et du partage avec nos interlocuteurs du début à la fin. Cette structuration du process évite de livrer des résultats qui ne hiérarchisent pas assez l’information utile et mêlent l’essentiel et l’accessoire ce qui est totalement contreproductif en termes d’agilité. Dans cette perspective les phases de travail en amont — pour bien saisir la dynamique culturelle propre de la marque et le caractère spécifique et singulier de son questionnement — sont essentielles. 

Une agilité efficace suppose d’abord et avant tout une réelle séniorité des intervenants, ainsi que la capacité à fonctionner d’emblée en mode co-construction avec l’entreprise ou la marque. (…) Il est essentiel de donner la priorité à la qualité sur la quantité, notamment par une définition fine des cibles pertinentes. La réflexion stratégique se nourrit ensuite de la qualité des échanges et du partage avec nos interlocuteurs du début à la fin.

Notre mode opératoire inclue systématiquement une session de kick-off approfondi pour nous caler avec nos clients sur le brief. Il ne s’agit pas seulement des « objectifs » de l’étude mais aussi des axes stratégiques majeurs sur lesquels nous allons travailler.

Qu’est-ce que cela apporte plus précisément ?

Nous sommes ainsi plus à même de définir avec pertinence une cible, un univers culturel, un schéma d’analyse, un angle, un périmétrage du questionnement qui va nous aider à être plus efficaces et à éviter de « réinventer l’eau tiède ». Cela ne signifie nullement que nous connaissons les réponses avant de poser les questions, mais plutôt que nous somme mieux armés pour aller chercher les éventuelles zones problématiques ou sensibles qu’il faut questionner là où elles existent ! Notre « terrain de jeu » est plus que jamais le sociétal, les phénomènes de transformations culturelles qui contournent ou expriment selon le cas des frustrations profondes. Nous travaillons dans la profondeur émotionnelle de ces frustrations. Et nous tournons vers des publics impliqués et possédant un véritable « point de vue » sur leurs univers de vie et sur les marques. Cela nous aide aussi à aller plus vite, plus directement à l’épicentre des questions clés qui sont en jeu.  

Le co-questionnement ouvert et dynamique avec nos clients nous permet aussi de dégager des hypothèses de travail plus vite et de réajuster nos hypothèses de départ quand c’est nécessaire. Celles-ci vont naturellement s’affiner et s’enrichir au fur et à mesure du process. Pouvoir échanger sur ce point avec les équipes marketing et études est un facteur essentiel de rapidité et d’efficacité et permet de dynamiser la démarche.

Notre « terrain de jeu » est plus que jamais le sociétal, les phénomènes de transformations culturelles qui contournent ou expriment selon le cas des frustrations profondes. Nous travaillons dans la profondeur émotionnelle de ces frustrations.

Quel est le profil des intervenants chez vous ?

Les Directeurs conseil ont en général au moins 15 ans d’expérience du métier. Leurs profils de formation sont aujourd’hui assez variés, sans doute plus que par le passé. Mais ils ont en commun une excellente connaissance des marchés et des grands questionnement sociétaux qui les transforment aujourd’hui. Ils connaissent en outre très bien l’univers culturel des marques pour lesquelles ils interviennent. Ils en connaissent les dynamiques singulières, en possèdent l’histoire, les réussites mais aussi les échecs. Et surtout leur familiarité avec les mutations actuelles du consommateur leur permet de détecter très vite des territoires d’opportunité pour les marques

Chaque étude est dirigée par un consultant senior, une équipe s’agrégeant autour de lui au cas par cas, en fonction des compétences requises. C’est lui qui va être l’interlocuteur clé du client, mais les échanges sur les points essentiels avec celui-ci se déroulent de façon collégiale avec toute l’équipe. La confiance réciproque est capitale pour que ce genre de dispositif fonctionne de façon optimale. Nous devons avoir confiance dans nos clients, qui eux-mêmes doivent avoir confiance en notre capacité à apporter les bonnes réponses aux bonnes questions. On est toujours moins agile en mode solo !

(Nos) directeurs conseil ont en général au moins 15 ans d’expérience du métier(…). Leur familiarité avec les mutations actuelles du consommateur leur permet de détecter très vite des territoires d’opportunité pour les marques

Utilisez-vous des outils particuliers pour faciliter ces échanges ?

Il est évident que la crise sanitaire nous a tous rendus encore plus familiers des dispositifs digitaux. De fait, la capacité à organiser des échanges ponctuels a été considérablement amplifiée. C’est tellement facile de se poser une vingtaine de minutes avec Zoom ou Teams plutôt que de caler une réunion physique ! 

Quels sont les sujets clés sur lesquels cette combinaison d’agilité et de hauteur stratégique est la plus vertueuse ?

Ce sont surtout les enjeux d’innovation et de marque ainsi qu’en témoigne notre nouvelle raison d’être :  « Branding to advance society ». Nous renversons ainsi la perspective. Il ne s’agit plus seulement de nourrir les marques par les tendances socio-culturelles mais plutôt de les accompagner pour qu’elles deviennent de vrais acteurs de la transformation sociétale. Qu’elles initient des transformations plus qu’elles ne les incorporent de façon passive.

Je suis convaincue que Sorgem Advance dispose non seulement de la légitimé de son ADN mais aussi d’une vraie force de réflexion et de proposition pour faire avancer les marques dans ce sens. Je suis frappée par ce réflexe qu’ont parfois les marques de vouloir à tout prix s’approprier certaines tendances sans vraiment réfléchir à la singularité de leur démarche.  On le voit très bien aujourd’hui avec un sujet comme celui de l’inclusivité, sujet crucial de notre époque mais qui recouvre en fait un ensemble de choses très disparates. 

(Avec la nouvelle raison d’être de Sorgem Advance), nous renversons la perspective. Il ne s’agit plus seulement de nourrir les marques par les tendances socio-culturelles mais plutôt de les accompagner pour qu’elles deviennent de vrais acteurs de la transformation sociétale.

Avez-vous des projets ou des pistes de réflexion pour aller plus loin encore dans le sens de cette combinaison ?

Nous proposerons de plus en plus systématiquement à nos clients de travailler en mode co-création avec eux. C’est un sujet que porte tout particulièrement Vincent Christen, qui vient d’être nommé Directeur Général de Sorgem Advance. Et je crois beaucoup à la pertinence de cette voie-là. Les études qualitatives ont longtemps suivi un processus bien calé… Un briefing, des interviews ou des réunions de groupe, un premier débrief « à chaud » et enfin une présentation plus formelle. Nous ne fonctionnons plus vraiment ainsi. Il y a bien sûr une problématique de départ, mais celle-ci mérite dans la plupart des cas d’être affinée. Ce principe de co-construction est essentiel tout comme la connaissance de la culture interne de la marque ou de l’entreprise. C’est ce qui permet d’élaborer des dispositifs mieux calibrés et plus pertinents. La logique décisionnelle de l’entreprise est ainsi beaucoup plus intégrée que par le passé et c’est cela qui permet, au final, de parvenir à une plus grande valeur ajoutée des démarches d’études.

Nous proposerons de plus en plus systématiquement à nos clients de travailler en mode co-création avec eux. (…) Ce principe est essentiel tout comme la connaissance de la culture interne de la marque ou de l’entreprise. C’est ce qui permet d’élaborer des dispositifs mieux calibrés et plus pertinents.

Voyez-vous enfin des conseils à formuler auprès des équipes Etudes / Insights côté annonceurs ?

La valeur ajoutée des études est pour beaucoup conditionnée par la qualité et la nature de la relation crée d’emblée autour d’un sujet, d’un objectif stratégique… Accepter d’emblée de faire équipe avec l’agence, faire le pari de la confiance, sont des conditions indispensables à une démarche efficace et pertinente. Fédérer et mobiliser les acteurs internes de la marque est également un facteur clé pour avancer ensemble dans un questionnement. Notre activité nous permet d’avoir une vision 360° des grandes tendances socio-culturelles dans beaucoup de domaines, et d’identifier la façon dont elles peuvent se répercuter sur les marchés. Il faut donc aussi que nos interlocuteurs nous accueillent dans cette compétence et s’inscrivent dans une démarche de partage et d’enrichissement mutuel. C’est cela aussi la valeur ajoutée de la séniorité et de la connaissance catégorielle. 

Dans un environnement où la complexité se conjugue souvent au paradoxal, la capacité à prendre de la hauteur est indispensable et précieuse en termes d’agilité. Je crois que les marques en sont de plus en plus conscientes et reviennent progressivement du « do it yourself » tout autant que des dispositifs d’analyse entièrement digitalisés qui s’avèrent finalement une chimère. 


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Maria Di Giovanni

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