# Panels online, réseaux sociaux, téléphone,... : quelles sources pour les études aujourd’hui et demain ? (volet 1)
le devenir des panels online - interview de Raphael Clave (Dynata)

"La grande force du panel est de sécuriser la qualité et la représentativité"

Raphaël Clave
Country Manager France - Dynata

2 Mar. 2021

Partager

Derrière le terme de panels on-line se cache une réalité qui n’a rien de figé ni de monolithique, chaque spécialiste du domaine ayant sa philosophie et ses pratiques bien à lui. Raphaël Clave (Dynata) nous livre sa vision des évolutions passées et à venir pour cet outil devenu référent pour les investigations quantitatives, et des points essentiels où se joue la qualité des données. Il revient également, sans langue de bois, sur la question de la représentativité des panels face à l’option des études sur les réseaux sociaux.

MRNews : Le panel online est aujourd’hui l’outil « dominant » pour les études quantitatives. Avez-vous des indications plus précises quant à sa place sur le marché ? 

Raphaël Clave (Dynata) : Le chiffre communiqué dans le Grit Report 2020 est de 89% d’usage régulier parmi les professionnels réalisant des études quantitatives, auxquels s’ajoutent 9% d’utilisateurs occasionnels. Déjà en 2012, les enquêtes en ligne étaient la méthode la plus utilisée pour 70% d’entre eux. Il existe bien sûr des disparités selon les régions dans le monde, la vision du Grit étant elle très anglo-saxonne. En France notamment, le téléphone conserve une place non négligeable. Mais au global, oui, ces outils sont largement dominants, comme le téléphone l’a été dans les années 1990 ou début 2000, et le face-à-face il y a encore plus longtemps.

Quelles ont été les évolutions les plus significatives ces dernières années dans la gestion des panels ?

La diversification des sources de recrutement me semble être l’évolution la plus structurante. Jusqu’au milieu des années 2000, le recrutement se faisait essentiellement via deux leviers. Soit via des approches programmatiques, soit des modèles communautaires de cooptation de membres, soit (de manière plus minoritaire) en s’adossant à des programmes de fidélité. Cela n’était pas sans conséquence sur les profils des panélistes, qui adhéraient relativement bien à la mécanique de rétribution dominante : des points, pour obtenir des bons de réduction dans le commerce. Cette composante attitudinale pouvait générer une certaine homogénéité. Les acteurs du panel ont pris conscience de cela. Ils ont alors passé des accords avec de nouveaux partenaires comme Air France, KLM, Accor… L’idée directrice étant de proposer des incentives plus en affinité avec les différentes cibles à représenter. Notamment les individus de type CSP+ et les jeunes. Puis, depuis 5 ou 6 ans, deux nouvelles sources de recrutement ont été massivement intégrées : le mobile, et les réseaux sociaux. Les 15/25 ans sont ainsi fortement réapparus dans les panels.

Selon quelles modalités plus précisément pour Dynata ?

Côté mobile, nous avons développé une application, qui a été lancée depuis plus de 7 ans maintenant. Et nous avons mis en oeuvre des partenariats pour aller chercher les cibles là où elles sont, et les inciter à utiliser celle-ci. Avec, pour les jeunes en particulier, des points iTunes dans l’univers Apple par exemple. Nous effectuons également un gros travail d’achat d’espace, et de génération de liens éditoriaux. Résultat, plus de 50% des participants à nos études répondent aujourd’hui via leur mobile ; cette proportion était de 30% il y a deux ans. Pour ce qui est des réseaux sociaux, c’est la même philosophie qui est déployée, là encore avec des partenariats pour les recruter là où ils passent naturellement le plus de temps, sur Facebook ou LinkedIn en particulier.

Les études via les réseaux sociaux font de plus en plus parler d’elles. Sur le fond, que pensez-vous de cette alternative ?

Je crois à l’intérêt de ce médium, qui est complémentaire aux panels, et offre de réelles opportunités pour travailler sur des problématiques ultra-locales notamment. Et nous sommes ouverts à des partenariats allant dans ce sens. Ces approches ont aussi des limites dont il faut tenir compte, comme pour tout outil. Outre l’aspect « mono-source » qui tend à biaiser le profil des répondants, il y a un risque en particulier à ce que les répondants soient des individus fortement concernés par la thématique sur laquelle ils sont sollicités. Dans certains cas, cela ne pose pas de souci, la balance des avantages et inconvénients est favorable. Dans d’autres, cela peut générer un phénomène bien connu, celui de « l’auto-sélection » qui peut être problématique, et sans doute rédhibitoire pour certains projets.

Certains estiment que les individus interrogés via les réseaux sociaux sont plus « représentatifs » que ne le sont ceux inscrits dans les panels. Cet argument vous semble-t-il fondé ? 

Un aspect de ce débat me parait artificiel… Il y a naturellement un réel intérêt à aller chercher les individus sur les réseaux sociaux. Mais, comme je viens de l’évoquer, c’est ce que nous faisons, massivement ! Cela fait partie de nos grandes convictions : la diversité des sources de recrutement est une condition majeure de la qualité des études. D’ou notre présence sur les réseaux sociaux et l’importance de nos investissements sur le mobile.

Un autre point à considérer est le nombre d’interrogations. En on-line, est-il préférable de solliciter les individus en « one shot » ? Ou bien n’est-il pas plus pertinent de mettre en place un cadre pour pouvoir les réinterroger, et de les faire participer à plusieurs études ? C’est une vieille question en réalité, celle de l’intérêt du River Sampling. Elle a été clairement tranchée, les travaux de R&D ayant démontré qu’elle apportait des données moins fiables. Cette technique a été largement délaissée parce qu’elle ne permet pas d’effectuer les contrôles indispensables, en particulier pour s’assurer de savoir qui répond. Le panel a lui cette vocation. L’idée clé est de créer un flux permanent, avec la plus grande diversité de sources possibles, en déployant l’environnement technologique nécessaire pour sécuriser la qualité des données. La possibilité de réinterroger les gens ouvre également des opportunités pour certaines problématiques. Il y a beaucoup d’idées fausses, à la fois sur le nombre de sollicitations et sur les incentives que reçoivent les panélistes. Certains vont jusqu’à évoquer une forme de « professionnalisation » des répondants. Ce terme me fait bondir tellement il est déconnecté des pratiques de Dynata. En réalité, nos panélistes ne participent qu’à un très peu d’études. Et en aucun cas ils ne peuvent gagner leur vie par ce moyen, les incentives étant plus « symboliques » qu’autre chose.

Quels sont les principaux axes d’évolution des outils de recueil pour les 5 ou 10 ans à venir ?

LE fil directeur consiste à « coller » le plus possible à la réalité des usages digitaux. Quand le smartphone s’impose comme le médium dominant dans les interactions et les usages d’internet, nous nous adaptons à cette donnée. Le digital fractionne les usages, et continuera à le faire… Nous devons donc nous aussi toujours plus fractionner nos modèles de recrutement. 

Trois grandes questions sont et resteront essentielles pour la qualité des données d’études. Où vais-je chercher les individus à solliciter, via quelles sources ? Comment j’échantillonne ou, pour le dire autrement, comment je m’assure de la cohérence entre les gens que j’interroge et ma cible marketing ? Et enfin quelle expérience je propose à ces personnes ? Comment je fais en sorte que celle-ci soit « user friendly » et m’aide à garantir la fiabilité du recueil. On le sait, avec le même questionnaire, on obtient des réponses sensiblement différentes selon la façon dont il a été scripté ou selon le libellé des questions. Il y a énormément de choses à faire dans ce domaine, beaucoup de travaux de R&D sur des aspects d’ergonomie. 

La composante « mobile » est clé aujourd’hui, plus de la moitié des réponses aux études se faisant via celui-ci. Il faut impérativement en tenir compte, c’est un enjeu majeur quant à la qualité des données. Mais bien d’autres évolutions sont à venir. Si, demain, les gens utilisent de plus en plus les fonctions de commande vocale pour interagir, pour dicter des sms par exemple, nous devrons nous y adapter. Le mobile, c’est aussi la possibilité de géolocaliser les individus, ce qui ouvre là encore d’énormes opportunités.

Le panel online a donc toutes les chances selon vous de rester l’outil dominant dans les 5 ou 10 ans ?

Oui, je suis vraiment persuadé que l’environnement Panel a de beaux jours devant lui, du fait de l’importance des enjeux technologiques sur la qualité et la sécurité des données. La condition étant bien sûr de poursuivre les évolutions que nous avons évoquées, et notamment cette diversification des sources de recrutement.

Un dernier point enfin : voyez-vous un conseil à donner à vos clients, qu’ils soient côté instituts ou annonceurs ?

J’insisterai souvent sur l’importance clé de la qualité des questionnaires. Elle est déterminante, plus que jamais dans un contexte où les usages digitaux évoluent et se fractionnent. Là encore, il est impératif de s’adapter en permanence.

Le second conseil que je donne à nos interlocuteurs est de s’assurer de la représentativité des individus qui répondent à leurs études. Et donc de la diversité des sources de recrutement et de rétribution. Comme pour tout outil, il est « logique » qu’il y ait des interrogations sur son bon usage et les éventuelles limites. Les débats peuvent être complexes. Parce que le sujet est « technique ». Parce que ces outils ne sont pas figés, mais au contraire évolutifs. Et enfin parce que les pratiques ne sont pas monolithiques. Il y a façon et façon de développer des panels online, et de les faire vivre. Dynata a la sienne, d’autres peuvent avoir des approches très différentes. Les professionnels ne doivent donc surtout pas hésiter à poser des questions !


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewés : @ Raphael Clave

  • Retrouver les points de vue des autres intervenants du dossier 

Partager

S'ABONNER A LA NEWSLETTER

Pour vous tenir régulièrement informé de l’actualité sur MRNews