Une des principales interrogations des entreprises sur ces enjeux de satisfaction porte sur l’articulation des deux principes clés de monitoring que sont le « à froid » (qui s’intéresse à la globalité de la relation) et le « à chaud » qui se focalise lui sur des événements précis. Faut-il en privilégier l’un plutôt que l’autre ? Ou bien jouer la carte de la complémentarité ? Laure Guiter et Thierry Vallaud nous font partager leur vision et leur expérience de la refonte des outils de suivi de la satisfaction qu’ils ont menée au sein du groupe Pro BTP.
MRNews : Vous êtes respectivement Chargée d’Etudes et Directeur de la Connaissance Client au sein du groupe Pro BTP. Pourriez-vous présenter en quelques mots votre entreprise ?
Laure Guiter et Thierry Vallaud (PRO BTP) : PRO BTP est historiquement le groupe de protection sociale dédié à l’univers des Bâtiments et Travaux Publics. Nous intervenons principalement dans le domaine de l’assurance-prévoyance, de l’épargneet de la retraite complémentaire, ainsi que dans l’action sociale (avec des résidences médico-sociales et des solutions de vacances notamment). PRO BTP compte plusieurs millions d’adhérents (entreprises et particuliers), et réalise un CA de plusieurs milliards d’euros. Notre dispositif de suivi de la satisfaction, qui existe depuis une dizaine d’années maintenant, porte sur ces deux cibles.
Vous avez procédé l’an dernier à des modifications significatives de ces dispositifs de suivi de la satisfaction. En quoi ont-ils consisté ?
Notre baromètre reposait jusqu’ici sur une mesure de type «à froid », à une fréquence annuelle. Cet outil est resté inchangé dans ces grandes lignes pendant des années, mais nous avons ressenti le besoin de le faire évoluer en particulier en intégrant un volet complémentaire de monitoring de la satisfaction « à chaud », ce qui correspondait à une demande à la fois de notre direction générale — pour optimiser le pilotage de l’entreprise — et du Réseau, pour pouvoir améliorer son fonctionnement. Cela a également été pour nous l’occasion de revoir notre système « historique » de suivi à froid.
L’idée de disposer d’un double suivi, à chaud et à froid, s’est-elle imposée comme une évidence ?
La question s’est posée de savoir si nous devions maintenir notre dispositif traditionnel, ou bien complètement basculer vers le suivi à chaud. Compte tenu de son parti-pris extrêmement opérationnel, l’utilité d’un suivi à chaud s’imposait naturellement. Dans l’entreprise, certains considéraient que cela rendait l’ancien système caduc, et que ce n’était donc pas rationnel de conserver les deux d’un point de vue budgétaire. D’autres pas, et mettaient notamment en avant la nécessité de ne pas perdre l’historique dont nous disposions. C’est cette seconde option qui l’a emporté.
Quel est votre jugement aujourd’hui ? Ces dispositifs sont-ils plutôt redondants ou bien fortement complémentaires ?
Ces changements sont récents, nous n’avons donc pour l’instant qu’assez peu de recul. Mais des évidences se dégagent. Il est clair que le monitoring à chaud apporte de nombreux avantages opérationnels. Il permet de suivre la satisfaction sur des volumes importants de clients, pour des événements bien définis. Dans notre cas, cela porte sur la relation commerciale, sur un canal bien précis. Mais il donne également la possibilité d’identifier les clients insatisfaits, de les recontacter rapidement et d’essayer de trouver des solutions. On peut ainsi piloter l’insatisfaction. Mais il faut être conscient des limites que cela induit. La satisfaction attribuée à la marque dans ce cadre est extrêmement liée à la façon dont l’évènement s’est déroulé, mais aussi à la population concernée. Si l’on interroge uniquement des clients ayant effectué une visite en agence, ce serait un non-sens que d’extrapoler leurs réponses à l’ensemble de la base clients. Par ailleurs, pour des raisons budgétaires, mais également pour ne pas sur-solliciter les clients, il n’est pas envisageable de mettre en oeuvre ces suivis pour chaque évènement ou contact…
Tout cela fait que le principe de la mesure à froid reste indispensable ?
Oui, en tout cas c’est notre conviction. Dans l’idéal, il faut pouvoir s’appuyer en sus sur un système de suivi à froid pour disposer d’une réelle représentativité des clients. Pour bien les appréhender dans leur globalité, quelles que soient la nature et la fréquence des interactions qu’ils ont avec la marque. Mais également pour saisir ce qui se passe de leur point de vue dans leur relation d’ensemble à la marque et à l’entreprise, et non pas en fonction de tel ou tel événement. Seul ce type d’approche est à même de donner une vision réaliste de la satisfaction des clients, dans l’absolu. Mais il permet aussi, et c’est extrêmement important, de hiérarchiser les différents leviers d’action, d’appréhender l’impact des grandes composantes que sont par exemple la relation, ou l’offre ou même l’image sur la satisfaction globale.
Si les indicateurs n’évoluent que peu…
C’est finalement assez logique du fait de la nature de la mesure, qui s’intéresse à la globalité de la relation plutôt qu’à des phénomènes particuliers. Du coup, dès lors que l’on tient bien compte de la significativité statistique des écarts, les évolutions sont robustes et mettent le doigt sur des tendances importantes pour l’entreprise.
La complémentarité entre le « à chaud » et le « à froid » est donc évidente ?
Oui, nous le pensons. Le « à chaud » a naturellement vocation à mettre le focus sur un canal ou un événement particulier dans une perspective opérationnelle, alors que le principe du « à froid » est de donner une vision globale de la satisfaction et des grands leviers prioritaires à actionner.
Si c’était à refaire, mèneriez-vous ce chantier de refonte de vos outils de la même façon ?
Oui, dans le contexte qui est le nôtre, c’est vraisemblable. Mais peut-être en anticipant plus sur les enjeux de dashboarding, sur lesquels nous avons beaucoup travaillé pour faciliter au maximum l’appropriation des KPI au sein de l’entreprise.
Enfin quels sont vos prochains chantiers de réflexion sur ces sujets ?
Nous avons prévu de nous pencher sur la corrélation existant d’une part entre les mesures à chaud et à froid, mais aussi avec les indicateurs business. Ces dispositifs de suivi ont un coût pour l’entreprise, il est donc naturel de notre point de vue de s’intéresser à leur ROI, même si celui-ci n’est pas immédiat.
POUR ACTION
• Echanger avec les interviewés : @ Laure Guiter @ Thierry Vallaud