# Etudes et planning stratégique : un mariage de raison ? (volet 2)

"Faire exploser la bulle de verre de la connaissance"

Céline Grégoire et Laure Hirsch
Head of Sorgem Advance et Chef de groupe marketing chez Sanofi

15 Juin. 2017

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Que peut réellement apporter de nouveau le planning stratégique dans le fonctionnement d’un institut comme Sorgem IMR dont la vocation affichée a toujours été d’associer une forte valeur ajoutée aux études ? Comment cela se traduit-il en termes d’avantages pour les entreprises clientes ? Quel futur ce mariage préfigure-t-il pour les études ? Ce sont les grandes questions auxquelles répond Céline Grégoire (Sorgem Advance), avec le témoignage de Laure Hirsch (Chef de groupe marketing chez Sanofi).

MRNews : Sorgem affiche depuis sa naissance la vocation d’associer une forte valeur ajoutée aux études qu’il réalise. Pourquoi l’institut a-t-il ressenti le besoin de créer l’entité que vous dirigez, Sorgem Advance, et de mettre ainsi en avant la compétence planning stratégique ?

Céline Grégoire (Sorgem) : Le parti-pris d’une certaine hauteur stratégique fait indéniablement partie de l’ADN de Sorgem qui, au fond, a toujours fait du planning stratégique non pas sans le savoir, mais sans nécessairement le revendiquer. La création de Sorgem Advance est une manière de l’afficher. Cela part aussi d’une envie de prolonger l’offre Sorgem par une offre qui a vocation à transformer la connaissance en leviers marketing. Nous aidons les marques à faire  leur saut stratégique. La création de Sorgem Advance s’inscrit donc dans une évolution de Sorgem, initiée dès 2014 par Maria Di Giovanni, Managing Partner, avec une migration du Market Research vers le Market Intelligence. Elle se traduit par une nouvelle façon de travailler les marques avec une vision plus dynamique de celles-ci, peut-être plus attentive à leur environnement.

Quelles sont les grandes lignes de ce prisme d’analyse de la marque ?

CG : La vision de la marque à laquelle nous adhérons est que celle-ci est un repère culturel dont la mission est d’optimiser voire transformer la vie des gens. Une marque forte se doit donc de s’insérer de façon juste et pertinente dans la vie des individus. Le travail que nous effectuons consiste précisément à aider les marques à appréhender et formaliser leur mission, leur Why des Golden Circles tels que les a définis Simon Sinek. Cela suppose d’identifier d’une part l’insight propre à la catégorie, mais aussi la tension culturelle à laquelle elles peuvent apporter une réponse. Nous nous intéressons toujours à l’ADN de la marque, mais en imbriquant celui-ci plus systématiquement encore que par le passé avec les insights consommateurs et l’analyse culturelle de la catégorie. La différenciation de la marque se fonde en grande partie sur ce que l’on peut désigner comme étant son insight « culturel ». C’est celui-ci qui permet d’identifier la vision de la marque, au-delà même du champ des catégories où elle est présente.

Concrètement, qu’est-ce que la création de cette entité a modifié dans la façon de travailler de Sorgem ?

CG : Cette évolution de notre regard sur les marques n’est pas neutre. Elle rejaillit sur la façon de travailler sur ces chantiers, dès le brief, avec une très forte conscience de la nécessité de « challenger » les demandes qui nous viennent de nos clients, de chercher à comprendre ce qu’il peut y avoir de non-dit dans le besoin exprimé. Cela change aussi la nature des livrables que nous sommes à même de proposer — des plateformes de marque, des briefs nourris— et donc notre rôle vis-à-vis des agences, avec le devoir d’être inspirant vis-à-vis d’elles et de ne pas nous en tenir à une prestation d’études stricto sensu. C’est très frustrant pour une agence de travailler sur des catégories de produits ou de services où toutes les marques semblent systématiquement partir des mêmes valeurs ; cela génère des itérations sans fin, parce qu’on a du mal à trouver l’angle juste. Notre valeur ajoutée est en grande partie là, dans notre capacité à  aider les annonceurs à formaliser des briefs qui vont inspirer leur recherche avec les meilleures conditions à la fois de pertinence et de différenciation pour les marques.

Le planning stratégique apporte une sorte de courroie de transmission entre annonceurs et agences…

CG : Exactement. De par notre double culture – celle des sciences humaines et du marketing, nous facilitons la rencontre entre deux intuitions : d’un côté celle de la marque, autour de son adn, et de l’autre celle de l’agence, qui a elle l’intuition des schémas de communication les plus efficaces.

Ceci étant, il est clair que le terme de planning stratégique recouvre des cultures, des sensibilités différentes. Pour certains, l’orientation publicitaire est très forte. Et dans ce contexte-là, le process de travail est assez séquentiel avec l’étude, la connaissance des consommateurs dans un premier temps, puis la réflexion stratégique qui s’échafaude à partir de cela. Pour d’autres, et c’est plutôt notre cas, je pense, l’interaction entre l’étude et la réflexion s’inscrit dans un processus plus continu.

Considérez-vous avoir un rôle d’agitateur culturel ?

Je dirais que notre vocation consiste aussi à faciliter « l’ouverture des shakras », aussi bien en interne au sein de Sorgem qu’auprès de nos clients. C’est ce que nous avons commencé à faire avec le format des Inspiration Days, en janvier 2017, à la Gaîté Lyrique. L’idée est d’inviter les acteurs du marketing à réfléchir à une problématique très transversale — la question du temps par exemple pour cette première session — en agrégeant des regards très différents : des philosophes, des géographes, des créateurs de start-up. De l’avis des participants, cette journée leur a permis d’envisager des opportunités radicalement nouvelles pour leurs marques (150 annonceurs étaient présents) ; l’objectif était donc atteint. Nous avons également mis en place des formats plus légers avec des petits-déjeuners, toujours dans cette même vocation d’inspirer la réflexion de nos clients.

Laure Hirsch, vous êtes chef de groupe marketing chez Sanofi. Vous avez eu l’occasion de travailler avec Sorgem Advance. Pourriez vous donner des indications sur la nature de la problématique, ainsi que votre regard sur les avantages qu’ont pu vous apporter l’intégration de cette compétence du planning stratégique dans le cadre de ce projet ?

Laure Hirsch : L’enjeu portait sur le renouvellement de la plateforme de communication de l’une de nos marques. Une marque bien ancrée dans l’esprit des français, mais que nous avions la volonté d’emmener un cran plus loin, afin de booster son leadership sur le marché.

L’objectif principal de l’étude consistait à indiquer le positionnement perçu de la marque, mais aussi les évolutions potentielles ?

LH : L’objectif principal de l’étude était de capter en profondeur les insights de nos consommateurs, d’avoir une compréhension fine et pertinente de leur relation avec la catégorie ainsi que de leurs leviers d’attachement avec les marques en présence. Ceci dans le but de les mettre en œuvre dans une nouvelle communication de marque qui exploite tout le potentiel de notre marque.

Que vous a apporté selon-vous le fait d’intégrer cette compétence planning stratégique dans ce projet, plutôt que de travailler « classiquement » avec un institut d’études ?

LH : Nous avons lancé la démarche en étant très au clair sur l’output final que nous visions : une nouvelle plateforme de communication. Cela imposait donc à mon sens de mobiliser cette compétence du planning stratégique, d’autant que je savais ce que l’on pouvait en attendre de par des expériences précédentes avec Céline. Dans ma vision, il y avait une difficulté bien particulière à trouver le point de jonction entre la spécificité de la marque, et le vécu des gens. Cela supposait en termes d’études de savoir travailler à la fois avec la bonne profondeur et aussi avec la bonne « largeur », notamment sur la question et les enjeux associés à la douleur. Mais encore fallait-il mobiliser les compétences nécessaires pour orchestrer ce travail et établir ainsi cette jonction, en dépassant le stade de la connaissance.

Cette capacité à aller au-delà de la connaissance pour la connaissance, c’est ce qui caractérise le planning stratégique ?

LH : C’est ma perception en effet. Le planning stratégique consiste en partie à créer / analyser la connaissance que nous offrent les études pour les traduire de manière opérationnelle dans un positionnement de marque / une nouvelle plateforme de communication. La clé est d’être toujours bien aligné sur l’objectif de l’étude, afin que toute la connaissance récoltée puisse être mise en service de l’objectif final de la marque.

CG : C’est bien en effet une des vocations les plus essentielles du planning stratégique que de faire exploser cette bulle de verre d’une connaissance pour la connaissance dans laquelle peuvent s’enfermer les études. D’où l’importance de cette notion d’accompagnement qu’évoque Laure, et ce besoin de s’assurer en permanence d’être bien calé sur les objectifs. Mais cette nécessité d’aller au-delà de la connaissance a également pour effet de renforcer l’importance de la qualité des livrables, qui doivent être conçus de sorte à impacter les publics internes de l’entreprise. De fait, nos clients nous demandent de plus en plus souvent de leur délivrer de vrais outils de communication, y compris des films par exemple.

En prolongeant les tendances que vous venez d’évoquer, peut-on faire l’hypothèse d’une forte transformation du métier des instituts d’études, avec des frontières qui deviendraient beaucoup plus poreuses que par le passé avec celui du conseil ou même des agences de communication ?

CG : Il est clair que ces évolutions vont dans le sens d’une formidable ouverture des possibles. Contrairement à ce qu’affirment certaines personnes, je ne crois pas un instant que le métier des études soit appelé à mourir. Les marques auront toujours besoin de comprendre les consommateurs, d’appréhender les tensions qui sont les leurs. Mais on peut raisonnablement faire le pari d’une considérable mutation de ce métier dans les années à venir. Avec, probablement, une intégration assez systématique du planning stratégique – ainsi que d’autres compétences bien sûr – mais aussi avec un grand point d’interrogation : celui du devenir de la fonction Etudes chez nos clients, du côté de nos interlocuteurs. Il faut s’attendre en tout cas à voir se développer soit des sociétés réunissant des compétences de plus en plus hybrides, soit des fonctionnements plus souples que par le passé, avec des partenariats associant des sociétés aux savoir-faire complémentaires le temps d’un projet, en mode dream-team. Le champ des possibles me semble en tout cas extrêmement ouvert, et j’avoue trouver cela excitant.


 POUR ACTION  

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