« Le Trophée des Études est un excellent révélateur de la transformation du Market Research » – Interview de Philippe Guilbert, administrateur de Syntec Études.

12 Déc. 2016

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Organisé par Syntec Etudes en partenariat avec le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ainsi qu’avec le Fafiec, le Trophée des Etudes fait partie des évènements annuels qui rythment la vie de la communauté du Market Research. La cérémonie de la 10ème édition, qui s’est déroulée il y a quelques semaines avec la participation de 150 étudiants, enseignants et professionnels, a mis à l’honneur trois étudiants issus d’écoles ou d’universités françaises ayant réalisé une étude marketing ou opinion. Mais elle a été aussi l’occasion de faire le point sur l’enseignement des études marketing et leur pratique, avec l’intervention de Pierre Volle (Professeur à l’Université Paris-Dauphine et président honoraire de l’AFM) et une table ronde sur les parcours professionnels en instituts.
Philippe Guilbert (Toluna), qui compte parmi les administrateurs de Syntec Etudes, répond aux questions de MRnews.

 

MRNews : Le Trophée des Etudes est aujourd’hui un évènement rituel important pour la communauté du Market Research. Avant de citer les noms des trois étudiants qui ont été récompensés dans ce cadre de cette 10ème édition, pourriez-vous nous rappeler en quelques mots ses grands principes de fonctionnement ?

Philippe Guilbert : Les « règles du jeu » telles qu’elles avaient été décrites l’an dernier par Philippe Bourrat restent inchangées : les Trophées sont ouverts aux étudiants des universités françaises et des écoles de commerce, avec un processus de sélection en deux phases. Dans un premier temps, les dossiers communiqués par les étudiants — 39 cette année — sont évalués en mode « blind », ce qui permet ainsi de faire une présélection ; et les 14 dossiers retenus font l’objet d’une présentation orale devant un jury composé de professionnels et d’enseignants. À l’issue de ces présentations, trois lauréats sont récompensés et reçoivent avec leur trophée une dotation de 1500€.

Qui sont donc les trois étudiants primés cette année, et pour quels travaux ?

Trois étudiantes ont été récompensées. Dans la catégorie « Mémoire M1 », un trophée a été attribué à Karine Jaffal — de l’Université Paris Descartes — qui s’est penchée sur une belle problématique : celle de savoir pourquoi le public continue à regarder aussi massivement le Journal Télévisé, dans un contexte où il existe aujourd’hui beaucoup d’alternatives pour s’informer. Dans la catégorie M2, nous avions pris l’option cette année de décerner deux trophées, l’un pour le quanti, l’autre pour le quali. Le premier a été remis à Camille Cochener, qui étudie à Agrocampus Ouest, avec une recherche consacrée à l’impact du visuel sur les émotions dans les expériences de consommation. Elle s’est intéressée à un univers qui parle sans doute à tout le monde, celui des éclairs au chocolat, avec une analyse des écarts entre la perception au moment de gouter le produit et les attentes suscitées par l’aspect visuel. Pour le quali, le trophée a été attribué à Emma Lambre, elle aussi étudiante à l’Université Paris Descartes, qui a analysé la présence des peluches dans le quotidien des adultes, et trouvé des éléments d’explication de cet attachement.

Trois étudiantes ont été récompensées cette année ; nous avions observé le même phénomène l’an dernier… Seules les filles peuvent prétendre remporter un trophée ?

(rires). Non, certainement pas, il n’y a aucune consigne en ce sens en tout cas. Mais vous mettez le doigt sur une réalité, qui est celle de la forte féminisation de cet univers. De fait, côté annonceurs, les femmes sont bien représentées parmi les responsables des études. Côté instituts, les femmes sont également bien présentes et ont un rôle croissant dans la direction des sociétés.

Éditions après éditions, voyez-vous des tendances se dégager dans les travaux des étudiants, ou bien plus largement dans la façon dont ils appréhendent la discipline ?

Le Trophée des Études est un excellent révélateur de la transformation du Market Research, certaines évolutions étant assez flagrantes en effet. Les étudiants sont de plus en plus soucieux de capter l’attention du public. Les sujets des lauréates en témoigne : on a immédiatement envie de découvrir les réponses aux problématiques choisies. Mais cela se retrouve également dans la façon de restituer les résultats. Cette tendance est clé, dans un contexte où les études ont perdu une sorte de monopole dans la data et la connaissance des clients. Les études sont donc moins attendues ; elles doivent bien sûr garder l’exigence de rigueur qui fonde leur valeur ajoutée, mais il faut plus que jamais savoir susciter l’intérêt, délivrer des insights originaux, vite et bien !

Cette préoccupation est de plus en plus présente pour les étudiants, pour les professionnels, mais aussi pour les enseignants. Ce dernier point a été fortement évoqué par Pierre Volle, professeur à l’Université Paris-Dauphine, qui est intervenu sur l’enjeu d’enseigner le marketing aujourd’hui, avec le défi qu’implique le digital et la transformation des sociétés. Il s’agit moins de transmettre des connaissances que d’apprendre à apprendre pour répondre aux challenges d’aujourd’hui et demain.

D’autres tendances vous paraissent particulièrement marquantes ?

On note clairement que la data et les insights peuvent provenir de sources et méthodes multiples. Les professionnels expérimentés le font de plus en plus avec le Web social et les Analytics. Mais, chez les étudiants, c’est réellement un réflexe de Millennials. Ils ont cette démarche naturelle, de picorer des data éparses, de les organiser pour en tirer du sens.

La démarche du « test and learn » est également toujours plus présente d’année en année ; c’est une forme de pragmatisme, d’ouverture d’esprit, fréquente chez les start-up et qui est bien évidemment à encourager dans notre secteur. Cela correspond aussi à un phénomène de fond : pour un étudiant, il est bien plus important d’apprendre à aller chercher, méthodiquement, plutôt que d’accumuler des connaissances.

Vous avez pris une initiative très intéressante sur le papier : celle de reconstituer le parcours professionnel des précédents lauréats de ces trophées. Quelles conclusions avez-vous pu en tirer ?

Lorsque nous avons lancé cette idée, nous étions vraiment dans l’incertitude des résultats, d’autant que beaucoup de paramètres et parfois des grains de sables peuvent intervenir dans des déroulés de carrière. À l’arrivée, nous avons été frappés par la qualité des parcours professionnels des lauréats des 9 précédentes éditions, qui se sont principalement répartis entre le monde des études et du conseil (avec même une création d’entreprise) et celui des annonceurs, avec une troisième filière un peu moins importante néanmoins vers la recherche et l’enseignement. Nous avons été agréablement surpris de voir qu’après seulement quelques années, beaucoup s’étaient vus confier des responsabilités importantes, notamment dans des grands groupes internationaux, en France ou à l’étranger. C’est un très bon signe bien sûr : cela témoigne de la qualité de la formation qu’ils ont reçue, et de la capacité du savoir-faire français dans les études à s’exporter.

Mais nous avons pu également faire le constat que, pour un bon nombre de ces lauréats travaillant côté annonceurs, le mot « études » ne figurait pas dans leur intitulé de fonction. On voit beaucoup plus fréquemment les termes « Consumer Insight » et « Marketing Manager », voire même « Digital Strategist », ce qui signifie que leur rôle dépasse le cadre du market research.

Est-le signe que les fonctions études sont moins un « ghetto » qu’elles ne l’ont été par le passé ?

Le terme « ghetto » me semble très fort. Mais oui, cela témoigne bien à mon sens d’une évolution clé. En l’espace de quelques années, avec le digital, réaliser des études est devenu beaucoup plus facile et des data sont disponibles sans même avoir besoin de lancer des enquêtes. Du coup, les enjeux se déplacent et innover est un impératif.  Les étudiants et leurs recherches  nous apportent ainsi du sang neuf et des idées originales « out of the box ». Cela est indispensable pour faire avancer les choses dans notre secteur comme ailleurs.  L’une des raisons d’être essentielles de ces trophées est bien de faciliter ce croisement des regards, tout en renforçant nos liens avec les universités et écoles qui forment les salariés et clients de demain.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Philippe Guilbert

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