SSI fête ses dix ans : l’anniversaire d’un leader discret de l’univers du Market Research – Interview de Renaud Farrugia (Directeur général de SSI France, Espagne et Italie)

30 Juin. 2016

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Avec 32 millions d’interviews réalisées en 2015 dans plus de 100 pays, SSI est un acteur incontournable de la collecte de données pour les études marketing en France et à l’international. Et pourtant, il reste un acteur discret, relativement peu connu encore au sein de la communauté des Market Researchers au sens large du terme.
Qui est donc cet acteur ? Quelle est son histoire ? Quelles sont les singularités qu’il revendique ? Et quelle est enfin sa vision des évolutions passées et à venir dans l’univers des études marketing et ses ambitions ? Ce sont les questions que nous avons posées à Renaud Farrugia, le patron de SSI France, à l’occasion de l’anniversaire des dix ans de la société.

 

MRNews : SSI fait partie de ces acteurs dont le statut est paradoxal, en étant à la fois leaders dans leur domaine et pourtant relativement peu connus ! Comment présenteriez-vous votre société en quelques mots et quelques chiffres ?

Renaud Farrugia (SSI) : Le premier chiffre qui me vient à l’esprit est celui de 32 millions. C’est le nombre d’interviews que nous avons réalisées en 2015 dans le monde. Il traduit une position de leader dans la fourniture de solutions de collecte de données dans les études marketing. Nous sommes présents au travers de 32 bureaux dans le monde, et si nos effectifs ont dépassé la barre des 4000 depuis le rachat d’Instantly en début d’année, notre bureau de Paris compte une vingtaine de collaborateurs. Quant à nos panels, ils nous permettent d’intervenir dans près de 90 pays différents. Voilà pour les chiffres !

SSI France fête aujourd’hui ce mois-ci ses dix ans. Mais la société existe au niveau monde depuis combien de temps ?

SSI a été créée en 1977, non pas dans un garage, mais dans une cuisine parait-il, aux États-Unis, à l’initiative de 2 spécialistes des études marketing. L’activité a démarré avec la conception d’un algorithme capable de générer aléatoirement des numéros de téléphone, ce qui permettait ainsi aux instituts d’études d’éviter de payer les coûts élevés d’achats de fichiers. Cela peut sembler anecdotique mais, en réalité, les composantes identitaires de SSI étaient d’ores et déjà réunies : la maîtrise des techniques d’échantillonnage, et la technologie. Dès 1993, les clients pouvaient utiliser le service en le commandant sur Internet. La société a ensuite pris la décision de se lancer dans les activités de panels, à la fin des années 1990. En 2005 la vente de la structure à un fonds d’investissement a assuré le développement de SSI à l’international à travers le rachat d’une entreprise hollandaise (Bloomerce) et l’ouverture de bureaux dans plusieurs pays, dont la France en 2006, il y a donc 10 ans.

Vous démarrez donc l’activité de panel en France il y a dix ans, face à des concurrents tels que Toluna, Ciao, Novatris… Comment définiriez-vous votre positionnement sur le marché, votre singularité ?

Il est clair que nous avons démarré en France à un moment où le online n’était pas encore un mode de collecte aussi reconnu qu’aujourd’hui. Un important travail d’évangélisation s’imposait pour convaincre des bénéfices de ce mode de collecte. Notre expertise en matière d’échantillonnage, « sampling » en anglais, qui correspond au 2ème “S” de notre nom, a beaucoup aidé à rassurer les clients sur la validité de ce mode de recueil. Aujourd’hui notre positionnement repose toujours sur cette composante essentielle qui s’articule autour de 4 dimensions : le panel, ou les panels, la dimension globale, la technologie et l’humain, la communauté des SSIers ! Le panel tout d’abord représente le mode principal d’accès au répondant, qui consent à partager ses informations dans une communauté qui lui ressemble, ce qui est très important à l’heure où la protection des données personnelles se renforce de toutes parts. Notre second grand point fort est notre capacité de déploiement. Celle-ci repose notamment sur une technologie unique: tous les employés de SSI dans le monde travaillent sur les mêmes outils, nos panels sont intégrés sur une seule plateforme, ce qui facilite considérablement notre déploiement à l’international, ou la gestion de plusieurs panels dans un seul pays. Enfin l’humain est indispensable dans notre métier de service. L’attention que nous apportons au recrutement, à la formation et au développement des individus est, je le crois, unique dans ce secteur d’activité, cela nous permet d’attirer des talents et de délivrer une qualité de service reconnue par nos clients.

Comment énonceriez-vous cette singularité, dans un contexte où pas mal de voix s’élèvent pour pointer du doigt les limites des panels, et la difficulté à maintenir la viabilité de ces outils à échéance de quelques années ?

Parfaitement gérer le consentement des panélistes et les qualifier aussi précisément que possible font partie des conditions de réussite indispensables pour cette activité. Mais je pense que nous nous sommes dotés d’un atout réellement majeur en étant capables d’échantillonner non pas sur un seul panel, mais sur un ensemble, sur une mosaïque de panels. Il faut considérer ceux-ci comme étant chacun une marque : de par sa charte graphique et le programme d’incentives qu’elle propose, elle permet de toucher et de recruter des populations bien différenciées, ce qui est important pour bien couvrir l’ensemble de la population. Cela nous donne un énorme avantage sur le plan de la diversité et de la robustesse. Ce savoir-faire repose naturellement sur un travail de R et D extrêmement important.

Quelles sont les évolutions qui vous semblent avoir été les plus structurantes pour votre activité sur ces dix dernières années écoulées ?

J’en vois trois. L’arrivée et la diffusion de Facebook et des réseaux sociaux ont été une véritable révolution pour les individus, une formidable opportunité pour eux de s’exprimer. Cela a naturellement détourné une partie du public des panels. Mais paradoxalement, ce challenge a été positif pour nous ; il nous a obligés à repenser positivement l’expérience que nous proposons à nos panélistes. La seconde révolution est celle du smartphone, et le fait notamment que les gens prennent pour réflexe d’utiliser ce device plutôt que leur ordinateur. Cela a été un vrai challenge là encore pour nous qui devons tenir compte des habitudes des panélistes. C’est pour être toujours plus proches d’eux que nous avons développé notre application QuickThoughts et que nous l’avons déjà déployée dans 19 pays.

Cela impacte aussi les instituts…

En effet. L’enjeu n’est pas seulement d’adapter l’ergonomie des questionnaires, il faut repenser la façon de construire ceux-ci – avec très peu de questions – et même plus largement la stratégie de collecte de l’information. Cela n’a l’air de rien, mais c’est une petite révolution qui se joue là. De fait et même si cela a mis un peu de temps, ces enjeux sont systématiquement présents dans les échanges que nous avons avec nos clients. La troisième révolution qui s’est produite ces dernières années est celle du multi-sourcing. Au début des années 2010, on s’est rendu compte qu’il était vain de penser pouvoir s’appuyer sur un seul panel. Esomar a pris des initiatives très positives dans ce contexte. Et cela nous a posé la question de savoir comment échantillonner en travaillant sur plusieurs panels, comme nous l’avons évoqué précédemment. Enfin il est important de noter que ces trois évolutions majeures se sont faites dans un contexte d’internationalisation croissante des études et de renforcement de la législation en matière de protection des données personnelles, qui sont deux tendances toujours à l’œuvre.

Et pour le futur, pour les dix prochaines années ? Au-delà des évolutions — ou des révolutions — que vous venez de signaler, quels seront les enjeux majeurs à intégrer ?

Un des plus gros enjeux est celui de la formidable croissance du volume de données disponibles, qui va de pair avec un besoin toujours aussi fort pour les marques de comprendre les attitudes et les comportements des consommateurs. Il va donc falloir collecter de plus en plus de données, de plus en plus en plus vite, et de façon plus automatisée. Certains affirment que cela ne pourra se faire qu’en obérant la qualité de celles-ci. Nous nous inscrivons en faux par rapport à cela, nous sommes convaincus qu’il est possible de maintenir la qualité de ces données. L’utilisation croissante de la donnée passive est clairement un enjeu également. Et si leur apport est indéniable en matière d’études, nous en sommes encore au début, car l’exploitation de ces données, structurées et non structurées, est encore un défi pour nos clients. Quoiqu’il en soit, cela ne remplacera pas la donnée déclarative. Plutôt que de se substituer l’un à l’autre, ma conviction est que l’association de données collectées de manière passive, qui permettent d’observer des faits, et de données déclaratives, qui contribuent à comprendre les comportements, est sans nul doute un élément clé du métier des études de demain.

De même, l’exploitation des données plus complexes que sont les photos ou les vidéos, celles provenant des objets connectés, ou les applications qu’on peut imaginer à partir de la démocratisation de la réalité virtuelle, offrent des perspectives très intéressantes. Les difficultés techniques sont encore réelles pour bien traiter ces données, mais je suis convaincu qu’elles sauteront très vite, les autres contraintes à ne surtout pas sous-estimer étant les aspects juridiques.

Et enfin une dernière question concernant SSI et notamment SSI France : quelles sont vos principales ambitions pour les dix ans à venir ?

La croissance est naturellement le mot clé, pour SSI dans sa globalité comme pour SSI France. Etre capable de collecter toujours plus de données, plus riches et plus qualifiées, en exploitant encore plus les possibilités de collecte qu’offre le mobile, cela va dans le sens de la stratégie de notre nouvel actionnaire depuis 2015, le fonds d’investissement HGGC. Le développement de la collecte dans l’univers B2B est aussi un axe de croissance majeur pour SSI, déjà très présent sur ce sujet dans les pays anglo-saxons.

Au sein de SSI, la France est un pays important, avec un très fort potentiel. Nous avons la chance de compter sur le territoire des champions internationaux dans les univers de la Grande Consommation, des cosmétiques, de la distribution, des télécommunications, des medias, du luxe, de l’automobile et des banques et assurances. Ces entreprises ont d’immenses besoins de compréhension de leurs consommateurs et des marchés dans lesquels ils sont présents. Par ailleurs nos clients français sont particulièrement riches en idées et nous poussent à innover. De nombreux développements technologiques de SSI ont été déployés dans le monde à partir de besoins exprimés par nos clients français, et ce n’est pas fini!

Si les tendances que nous observons actuellement se confirment, il y a fort à parier que notre équipe traitera des enjeux de collecte chaque jour plus important et plus complexes. Ce qui s’accompagne de défis technologiques, mais également humains et organisationnels, qui sont très intéressants. Mais cela n’est pas vraiment une nouveauté dans la mesure où depuis l’ouverture du bureau en 2006, nous en avons connu quelques-uns ! A vrai dire, c’est ce qui fait la richesse de cette aventure trépidante, n’ayons pas peur des mots, dans laquelle j’ai sauté il y a 10 ans, et qui me donne quelques fois l’impression d’avoir changé de job plusieurs fois sur la période !


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewés : @ Renaud Farrugia

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