« L’avenir appartient à ceux qui sauront créer et gérer leurs propres flux de données » – Interview de Jérôme Sopocko (Askia)

22 Mai. 2015

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Il y a deux ans, Jérôme Sopocko répondait à nos questions sur le futur des études avec sa casquette de co-fondateur d’Askia – un des acteurs de référence dans l’univers des logiciels dédiés aux études marketing – en soulignant l’importance déterminante d’enjeux tels que l’intégration des données, la place du mobile, et l’animation des communautés de clients. Quelques semaines après le lancement de Platform One, une solution logicielle particulièrement ambitieuse dont Askia est partie prenante, nous sommes revenus vers lui pour évoquer la façon dont cette vision s’est traduite dans les faits.

MRNews : Il y a deux ans, vous répondiez à nos questions sur le futur des études (cf. notre interview). Et vous mettiez notamment en exergue deux enjeux majeurs : celui de l’intégration des différentes données relatives à la connaissance des consommateurs, mais aussi celui de l’animation des bases clients. Il y a quelques semaines, vous avez annoncé le lancement de Platform One, en partenariat avec deux entrepreneurs spécialistes du milieu des études. Est-ce à dire que vous êtes passés de la théorie à la pratique ?

Jérôme Sopocko (Askia) : Absolument, c’est bien l’ambition que nous sommes donnée avec Platform One. Il s’est même écoulé trois ans entre nos toutes premières réflexions et le lancement de notre nouveau bébé. Avec un tel temps de conception, on ne pourra pas nous reprocher d’avoir mis au monde un prématuré (rires). Il est clair en tout cas que la complexité a été un facteur important de la durée de gestation de Platform One.

En quelques mots, qu’est-ce que le produit Platform One ?

Sur le plan technique, il s’agit d’une plateforme logicielle. Nous avons conçu celle-ci avec l’objectif essentiel d’aider nos clients à intégrer trois types d’éléments différents : les variables issues des études quantitatives, les matériaux qualitatifs, et enfin les données comportementales. Ce principe d’intégration est naturellement extrêmement important. Mais il faut ajouter le fait que l’intégration de ces différents éléments peut se faire « en dynamique », ce qui donne ainsi une puissance d’analyse et d’action sans commune mesure avec les possibilités offertes via une base de données statique. La combinaison de ces différents points fait que cette plateforme est un super outil à disposition de ceux qui souhaitent gérer des communautés à des fins d’études, qui est clairement une des très grandes options en train de s’imposer aujourd’hui. 

Les données d’études viennent des études, c’est bien sûr une lapalissade. Mais d’où proviennent les données comportementales ?

Elles peuvent provenir de toutes les sources de données disponibles et faisant sens pour la connaissance des clients. Mais il est clair que le système d’information et d’analyse prend une puissance considérable lorsqu’on trace au moins une partie des comportements des consommateurs via une application mobile, embarquée dans leur smartphone. Nous avions eu l’occasion de l’évoquer, de part le principe de connexion permanente qu’il autorise, le mobile a vocation à occuper une place majeure dans les interactions avec les consommateurs, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il sera l’interface unique, les sites web restant indispensables. L’idée de cette application mobile n’est absolument pas d’être intrusif vis à vis des consommateurs, mais d’être une interface privilégiée dans la relation vis à vis d’eux, de sorte à ce que celle-ci soit la plus intelligente possible.

Mettons-nous donc à place de l’utilisateur de cette plateforme. Quels sont concrètement les avantages qu’elle peut lui procurer dans la connaissance des consommateurs ?

Il me semble qu’il y a deux aspects importants. Le premier avantage est celui de la puissance et de la pertinence des analyses. En ayant accès à des données comportementales, et à l’historique des comportements du consommateur, vous déclenchez et configurez les études avec la plus grande pertinence possible. Dès lors que vous repérez un comportement intéressant pour vous – ou encore mieux une modification de comportement – vous pouvez solliciter les consommateurs concernés sur les motifs de celle-ci, en étant extrêmement fin et pointu dans votre interrogation. Vous ne faites pas que constater ; vous pouvez obtenir le pourquoi de tel ou tel comportement dans des conditions optimales de fluidité. Font naturellement partie de ces éléments de comportements les données de géolocalisation : un consommateur est passé à tel endroit, vous pouvez instantanément lui poser des questions sur les raisons de sa visite, ses perceptions,… Mais vous avez également la possibilité d’analyser dans le temps comment des attitudes, que vous avez appréhendées via une étude, se traduisent dans les comportements des consommateurs interrogés. Vous pouvez voir et analyser comment se fait le passage à l’acte, à quelle vitesse, et éventuellement avec quels éléments déclencheurs…

Ce qui permet cela, c’est le fait de pouvoir maitriser un écosystème dynamique d’informations…

Absolument. Mais il y a également des avantages importants dans la qualité de la relation qui s’établit avec les consommateurs faisant partie de la communauté. D’une part comme nous venons de l’évoquer, vous pouvez gagner en précision et en pertinence dans les questions que vous leur soumettrez. Mais vous avez également l’avantage de pouvoir les solliciter au moment, à l’endroit, et avec le support qui leur convient le mieux. Plutôt que d’imposer des modalités d’études, on peut ainsi intégrer ce que sont les meilleures options d’interaction vu des consommateurs. Le meilleur moment pour interroger quelqu’un n’est pas au moment ou il consomme ou quand il est en voiture – mais de retour chez lui ou dans les transports en commun – et ce moment optimal d’interaction, minimisant la gêne, maximisant la qualité de remémoration, est à déterminer pour chaque individu.

En théorie, les outils conçus pour intégrer l’ensemble des données relatives aux consommateurs existent depuis longtemps. Mais en pratique, c’est loin d’être évident. En quoi Platform One change la donne ?

Il existe en effet beaucoup d’applications plus ou moins anciennes, pour lesquelles le processus a consisté à rajouter des couches pour répondre aux besoins des utilisateurs. Mais, dans les faits, vous avez raison, cela ne fonctionne pas bien. C’est même parfois un cauchemar pour les utilisateurs. Notre pari a consisté à dire qu’il fallait repartir de zéro, et construire une plateforme logicielle qui intègre réellement l’ensemble des besoins.

C’est cela qui a été source de complexité et demandé ces 3 ans de conception ?

Oui. C’est le principe d’intégrer différents éléments, tout en se donnant la possibilité de monter très rapidement en échelle et en taille. Ce serait mentir que de dire qu’il s’agit, avec Platform One, de traiter de la big data. Le terme le plus juste serait plutôt celui de Medium Data. Mais il y a bien un élément de complexité particulier au fait de traiter une base de données vivante, dynamique. Cela nous a demandé un gros travail d’analyse.

L’outil a vocation à répondre à des besoins « Etudes ». Mais compte tenu des caractéristiques que vous avez énoncées précédemment, est-ce qu’il ne permet pas d’aller au-delà de ce périmètre, et se substituer à des outils de CRM ?

C’est possible en effet, puisque cet outil est une plateforme de gestion de la relation avec une communauté ou une base de clients. Nous l’avons conçu pour répondre prioritairement à des besoins d’études. Mais en réalité, nous ne faisons que nous inscrire dans le contexte d’une transformation du métier des études, qui repose de plus en plus sur la mise en place et l’animation de communautés de consommateurs. L’enjeu étant, à partir de cela, de générer un flux de données à des fins d’analyse ou d’action en effet, mais toujours avec les mêmes besoins de facilité, d’ergonomie, de maitrise et de pertinence.

Cette plateforme n’est donc pas destinée qu’aux seuls instituts ?

Platform One a été conçu, désigné pour répondre aux besoins des instituts désirant mettre les communautés d’études au cœur de leur savoir faire et de leurs propositions. Mais ne nous mentons pas, il y a un réel enjeu pour les instituts. S’ils ne s’approprient pas ces savoir faire et les outils qui vont avec, il est tout à fait possible que des concurrents indirects – ou même certains annonceurs – le fassent en se passant d’eux. Nous avons réellement cette conviction que les gagnants de demain, instituts ou entreprises, seront ceux qui sauront créer, orchestrer leurs propres flux de données, et les exploiter le plus intelligemment possible. Imaginez ce qu’on peut faire en reliant une carte de fidélité ou des systèmes de coupon avec des enquêtes…

En l’occurrence, qui sont vos premiers clients ?

Le tout premier est Verve, qui est un spécialiste des communautés et gère de très gros panels. Nous sommes également en contrat avec Behaviour & Attitude en Ireland. Des discussions sont naturellement en cours avec un certain nombre de gros instituts, y compris en France.

Enfin, pouvez-vous nous dire quelques mots sur les acteurs avec lesquels vous vous êtes associés pour lancer Platform One ?

Bien sûr. En tant qu’Askia, Patrick (NDLR : Patrick George Lassale, co-fondateur d’Askia) et moi nous sommes associés à Jon Gumbrell, qui est majoritaire, et Mike Hall. Tous deux sont souvent présentés comme des serial entrepreneurs de l’univers des études. Jon a notamment crée ID Factor et co-fondé Verve. Mike Hall est quant à lui un spécialiste de la communication et des marques, avec à son actif la création de Hall & Partners. Claire Bickerton, qui est responsable de la stratégie et du marketing, fait également partie de l’équipe des associés. Je précise d’ailleurs que Platform One, au delà d’être un produit, est aussi une société dont nous sommes donc partie prenante, dont les bureaux sont à Londres, les équipes de développement et de services étant eux basées à Colombo. 


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewés : @ Jerôme Sopocko @ Patrick George Lassale

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