De la théorie à la réalité de l’orientation client des entreprises – Interview de Daniel Ray et Guillaume Antonietti

7 Avr. 2015

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Et s’il y avait une sorte d’impasse à toujours faire plus d’efforts pour optimiser la satisfaction des clients ? Et si les clés d’une plus grande efficacité étaient ailleurs et en particulier dans la culture et la réalité de l’orientation client de l’entreprise, collaborateurs et managers bien compris. C’est l’hypothèse sur laquelle ont travaillé Guillaume Antonietti (fondateur de Côté Clients) et Daniel Ray (Professeur et chercheur à Grenoble Ecole de Management) au sein d’une nouvelle entité nommée Academics For Business, avec la mise au point d’une approche spécifiquement dédiée au diagnostic et à l’accompagnement des entreprises sur cet enjeu clé de la Customer Orientation

MRNews – Thierry Semblat : Vous êtes l’un et l’autre des spécialistes de la satisfaction client. Mais l’approche sur laquelle vous avez travaillé ensemble ne porte pas sur la satisfaction des clients en tant que telle, mais plutôt sur la fameuse Customer Orientation. Dans votre vision, est-ce que cela correspond à un déplacement des enjeux au sein des entreprises ?

Daniel Ray – Guillaume Antonietti : On peut parler en effet d’une forme de maturité des entreprises dans leur réflexion autour de la satisfaction client. L’idée que la satisfaction client constitue un enjeu majeur est largement admise, au moins en théorie, même s’il peut parfois y avoir des doutes sur le lien existant entre cette satisfaction et la performance économique des entreprises. La question qui se pose pour elles est donc beaucoup plus celle du comment. Comment obtenir de réel succès sur le front de la satisfaction client dans une économie de moyens pertinente ? Comment passer des mots aux actes ? Ou bien encore comment sortir de cette impasse dans laquelle beaucoup d’entreprises se trouvent, avec ce sentiment de consacrer beaucoup de temps et d’énergie pour un résultat au final un peu décevant ?

En quoi la notion d’orientation client apporte-t-elle quelque chose de vraiment neuf sur ces questions ?

L’idée revient à dire qu’au moins dans une certaine mesure les entreprises ont intérêt à sortir d’une logique qui est celle de l’effort. L’analogie avec les individus nous semble faire sens. Si cela vous coûte de faire quelque chose, si vous avez le sentiment de devoir faire des efforts importants, il y a toutes les chances pour que votre efficacité ne soit qu’assez médiocre. En revanche, si vous intégrez ce qui doit être fait comme un de vos réflexes, si cela devient quelque chose que vous faites sans même y penser, alors vous avez toutes les chances de bien mieux y parvenir. L’idée de la Customer Orientation s’inscrit dans cette logique. Nous pensons que cela correspond à un réel changement de l’angle de vue.

Comment définiriez-vous en quelques mots cette notion d’orientation ou de culture client appliquée à une entreprise ?

Une revue exhaustive de la littérature scientifique sur ce thème nous a permis d’identifier ce qui apparaît comme les trois composantes principales de la culture client. La première composante relève de l’impulsion stratégique de l’entreprise, que l’on peut appréhender au travers de quelques questions clés : qu’en est-il de l’orientation client des managers de l’entreprise, étant entendu que l’exemplarité du top et du middle management est décisive ? Des KPI clients ont-ils bien été mis en place ? Et quelles sont les pratiques en termes d’écoute et de connaissance des clients ? Le deuxième volet porte lui plus spécifiquement sur la qualité de la connexion de l’entreprise aux clients. L’idée est ici d’observer ce qu’il en est dans l’entreprise quant au volume d’information client émis et aux pratiques d’analyse et de partage de cette information. Le dernier aspect relatif à ce composant est la capacité de réaction de l’entreprise vis à vis des retours clients, et notamment des recommandations.

En d’autres termes, si l’entreprise ne fait que collecter et analyser l’information, elle n’est pas très avancée…

Absolument. Cet aspect, avec ce qu’il implique quand à l’état d’esprit des collaborateurs, se retrouve complètement dans le troisième grand composant de la Culture Client, qui tourne autour de cette notion d’autonomie et de responsabilisation des équipes. Les collaborateurs se perçoivent-ils eux-mêmes comme véritablement autonomes ? Les équipes sont-elles réactives face aux réclamations des clients ? Font-elles preuve de pro-activité ? Et dernier point extrêmement important, les ventes elles-mêmes sont elles orientées client ou pas. En d’autres termes, l’entreprise vise-t-elle bien le fameux « win-win » dans sa relation avec ses clients ?

Vous avez donc construit un outil d’évaluation de la culture client qui, je l’imagine, repose sur les composantes et les questions que vous venez d’évoquer ?

Tout à fait. Sur la base de ces thématiques, nous avons élaboré un système de mesure qui intègre 80 questions et permet de générer un score global que nous avons intitulé le COS® Company. Ces questions sont posées aux collaborateurs de l’entreprise, sur un échantillon ou pourquoi pas auprès de la totalité d’entre eux, par mail ou via une interrogation online.

Mais les collaborateurs eux-mêmes font-il l’objet d’une évaluation ?

Absolument. C’est l’objet du second volet de notre diagnostic, qui permet de savoir si les collaborateurs eux même sont personnellement orientés client, in abstracto de leur entreprise. Avec celui-ci, nous faisons une mesure de cette notion de réflexe que nous avons évoquée, en nous appuyant notamment sur les temps de réponse des collaborateurs. Ce deuxième volet permet de générer un score global, le COS® Employee. Et le croisement de ces deux macro indicateurs (COS® Company et COS® Employee) donne ainsi une vision très claire de la culture client de l’entreprise, dans l’absolu ou dans une logique de benchmark puisque nous avons déjà eu l’occasion d’effectuer ces mesures auprès de 6000 répondants dans 45 entreprises*, sur des tailles et des secteurs très variés.

Qu’en est-il du dégré d’opérationnalité de ce dispositif de diagnostic ?

Nous pensons réellement avoir atteint ce qui peut se faire de mieux en la matière, et les retours de nos premiers clients nous confortent dans ce sentiment. Cela tient à la fois au nombre d’aspects traités, mais aussi au fait que cette évaluation a vocation à être mise en œuvre auprès du plus grand nombre possible de collaborateurs. La combinaison des deux permet d’obtenir une précision que nos clients qualifient eux-mêmes de chirurgical. C’est vraiment le cas : si le patron d’une agence donnée n’est pas exemplaire, ou bien si l’information client n’est pas partagée dans tel ou tel département de l’entreprise, cela ressort de façon extrêmement claire.

Cette approche est donc la première production d’Academics for Business. Quelle est la vocation de cette entité ?

Customer Orientation Score est très emblématique de ce que nous cherchons à faire avec Academics for Business. Ce qui mérite d’être souligné, c’est  qu’il nous a fallu pas moins de trois années de travail avec un groupe de chercheurs pour aboutir à une validation scientifique de l’outil (http://www.customer-orientation-score.com). L’idée est donc de mettre à disposition des entreprises un certain nombre de démarches qui soient les plus utiles pour elles, tout en s’appuyant sur une rigueur scientifique absolue. C’est le cas avec cet outil de diagnostic, sachant que nous pouvons tout à fait, selon les cas et les demandes, être aussi amenés a posteriori à accompagner les entreprises dans la définition de plans d’actions, via des programmes de workshop internes.

* Parmi les 45 premières entreprises à avoir été évaluées avec cet outil : Orange, Edf, Décathlon, Kiabi, Bayer, Gémo, Biomérieux, Philips, Eurodisney, Cegid, Cofidis, Monabanq, Cultura…


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewés : @ Guillaume Antonietti   @ Daniel Ray

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