Satisfaction Clients : quelle est donc la meilleure façon de déterminer l’importance des critères ? Interview de Christian Barbaray (INIT)

10 Nov. 2014

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Mesurer la satisfaction des clients sur les différentes composantes de leur expérience est une chose. Néanmoins, pour que l’entreprise définisse les allocations de ressources les plus pertinentes, encore faut-il aller un cran plus loin et avoir une idée de l’importance de ces composantes, ou dit autrement de la force de l’effet de levier qu’elles représentent vis à vis de la satisfaction globale. Mais quelles sont donc les différentes options pour déterminer l’importance des critères de satisfaction ? Quelles sont celles qu’il est préférable d’éviter et celles qu’il faut au contraire privilégier ? Christian Barbaray, président d’INIT, nous donne son éclairage et son point de vue d’expert sur ce thème.

Market Research News – Dès lors qu’il est question d’étudier la satisfaction des clients, tous les spécialistes s’accordent sur la nécessité de mesurer, outre la satisfaction des clients sur les différents critères qui entrent en ligne de compte, l’importance de ces critères. Mais les avis divergent sensiblement sur la question du comment. Quelle est votre vision à ce sujet ?

Christian Barbaray : Au final, tous les gens qui ont en effet un peu d’expérience sur cette problématique visent à croiser ces deux éléments que sont les niveaux de satisfaction sur les différents critères à prendre en compte avec l’importance de ceux-ci. Ceci étant, dans le cadre des séminaires que j’anime sur ce sujet, je suis toujours assez surpris de voir qu’il y a une proportion non négligeable d’entreprises pour lesquelles cette analyse de l’importance des critères n’est pas faite. Je dirais que cela semble le cas dans un quart à un tiers des entreprises. Et lorsque cette analyse est faite, les gens ne sont pas si souvent convaincus de s’y prendre de la meilleure manière…

Dit autrement, ils ne sont pas satisfaits de leurs études de satisfaction !

Absolument. La limite qui est le plus souvent mise en avant étant que cette notion d’importance est assez peu compréhensible. Dans certains cas, cette importance ne varie quasiment jamais. Ou bien au contraire la volatilité est telle que cela soulève des doutes légitimes sur la pertinence de cette mesure d’importance.

Si l’importance des critères ne varie pas dans le temps, cela signifie-t-il nécessairement qu’il y a un problème de méthode ?

Si l’entreprise ne fait rien pour améliorer la satisfaction des clients, il est possible en effet que l’importance des critères soit assez stable. Sinon, il est tout à fait naturel que ces niveaux d’importance évoluent. Quand les clients sont satisfaits sur un élément donné, leurs attentes se reportent logiquement vers un autre aspect de la relation ou du service.

Est-il possible de dresser un petit « panorama » des différentes approches possibles en la matière ?

C’est ce que j’ai essayé de faire en tout cas avec cette petite représentation (cf. chart), qui permet de cartographier les cheminements les plus utilisés, le dénominateur commun étant de parvenir in fine à croiser la satisfaction des clients sur les différents critères et l’importance de ceux-ci dans la satisfaction globale qui en résulte.

Si je lis bien, il y a donc 3 grandes « écoles » dans la façon – dans un premier temps – de mesurer l’importance des critères…

Tout à fait.  Soit on est dans le mode du « déclaré », ce qui signifie en clair que l’on demande aux clients interviewés d’évaluer l’importance qu’ils accordent aux différents critères, avec une échelle spécifique donc. Ou bien on calcule cette importance. A partir du moment où les gens expriment leur satisfaction globale, que l’on peut considérer comme étant un effet (un Y), et leur satisfaction sur les différentes composantes, que l’on peut prendre comme des causes possibles (des X), on peut mathématiquement définir les paramètres les plus pertinents de l’équation. Mais il y a là encore deux écoles mathématiques distinctes. Soit on considère que les X sont indépendants, et on va donc chercher à mesurer l’importance des différents critères toutes choses étant égales par ailleurs. Ou bien au contraire, on part de l’idée que les variables sont liées entre elles, et l’on a recours à des analyses statistiques ayant vocation à mettre en évidence ces liens et les dynamiques qui en résultent.

En se basant sur ces grands types de mesure ou de calcul, on aboutit donc à différents types de représentations et d’analyses. L’une d’elles consiste à croiser l’importance déclarée et l’importance calculée…

En effet. C’est la fameuse matrice de Jean-François Boss, qui est un expert incontournable de l’analyse statistique associée à cette problématique. En réalité, cette approche est peu utilisée, notamment parce qu’elle nécessite des questionnaires plus longs, ce qui a des répercussions sur le budget de l’étude. Mais sur le principe, ce croisement est extrêmement pertinent, puisqu’il permet d’identifier et de distinguer ce sur quoi il est important d’agir dans une démarche qualité par exemple, mais aussi d’identifier ce à quoi les gens sont sensibles dans une perspective de communication et d’argumentation.

En pratique, c’est la notion d’importance calculée « directe » qui est la plus fréquemment utilisée ?

Tout à fait. Mais sur la base de ce calcul, il est possible de générer différentes analyses. Une des idées les plus importantes consiste à distinguer les effets d’une progression ou au contraire d’une dégradation de la satisfaction. Sur certains critères, il est effet payant pour l’entreprise de faire progresser la satisfaction, cela contribuera à faire progresser la satisfaction globale des clients. Cela a un sens de viser à faire mieux, ou même d’atteindre l’excellence. Mais pour d’autres critères, il ne faut pas chercher à faire mieux puisque cela ne ferait pas progresser la satisfaction globale ; il convient plutôt de veiller à ne surtout pas reculer. C’est l’analyse de type bonus / malus, qui est inspirée par les travaux de Sylvie Llosa, et qui se prête à une représentation matricielle. On fait ainsi apparaître 4 grands types de critères. D’une part les critères « clés », qui peuvent impacter fortement la satisfaction globale à la fois à la hausse et à la baisse. Par ailleurs, il y aura des critères « plus », pour lesquels l’impact se joue uniquement du côté du positif, et à contrario des critères « basiques ». Pour ces derniers, il ne faut pas chercher à faire mieux, mais il faut néanmoins éviter d’être « mauvais ». Et enfin, on a les critères secondaires, ceux pour lesquels une évolution à la hausse ou à la baisse n’aura que très peu d’effets sur la satisfaction globale.

Dans votre schéma, vous faites une place à une approche s’appuyant sur une logique de segmentation. Qu’est-ce que cela recouvre ?

Avec ce principe de typologie, l’idée est de dépasser une des limites des approches classiques, qui est que l’on « moyennise » les choses. On fait comme si tous les clients avaient la même sensibilité vis à vis des différents critères. Or, on sait très bien que c’est faux, ou disons que c’est une vue de l’esprit. La sensibilité au prix ou à tel ou tel paramètre de qualité du service est évidemment variable selon les clients. On va donc segmenter la population en fonction de son pattern d’attentes, et c’est cette segmentation qui va être au cœur du plan d’action de l’entreprise.

Lorsqu’on utilise des techniques d’analyse de type PLS (Partial Least Square), dans quel mode de calcul se situe-t-on ? S’agit-il d’un calcul direct ou bien indirect ?

A mon sens, cette technique est principalement utilisée pour un calcul de type direct. Mais il est probable néanmoins que les promoteurs de celle-ci, les chercheurs proches de Claes Fornell et de l’université du Michigan défendent un autre point de vue. La notion de calcul dynamique est pour moi complètement associée à la technique des réseaux Bayesiens.

Avec ce mode de calcul, vous l’avez évoqué précédemment, on essaie d’identifier des chaines causales…

Oui. C’est à dire que lorsqu’on analyse un critère, on tient compte de son impact direct sur la satisfaction globale, mais aussi de son effet indirect. Si je fais progresser la satisfaction des clients sur un critère donné, cela va aussi avoir une incidence positive sur la perception des autres critères. On va donc essayer d’identifier les logiques d’action intéressantes à mettre en œuvre, les dynamiques d’ensemble les plus vertueuses pour agir sur la satisfaction globale des clients. En termes de représentation, on peut utiliser la notion de « réseau ». On va dire que c’est le mode de représentation le plus classique. La limite est que cela peut sembler complexe, notamment pour des non-spécialistes des études, ou pour un comité de direction. C’est ce qui nous a poussés à élaborer des représentations plus synthétiques, sous la forme d’engrenages, qui ont une grande vertu pédagogique.

Mais quelle est pour vous la meilleure approche, celle qui est la plus puissante ?

Ma conviction est qu’il n’y a pas de méthode universelle. Je crois beaucoup à la nécessité d’adapter les approches en fonction des contextes, et notamment en fonction des niveaux de maturité des entreprises sur ces sujets. Pour les entreprises les plus matures, je pense que l’approche bayésienne est particulièrement intéressante. Mais elle peut être perçue comme trop complexe par les autres. Les approches de type « bonus / malus » avec la matrice de LLossa me semblent être un bon compromis, l’éclairage étant à la fois puissant et raisonnablement complexe.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Christian Barbaray

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