TrialPanel : quand 300 000 consommateurs-testeurs élisent leurs innovations produits préférées…

15 Mai. 2014

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Il y a quelques semaines, un certain nombre d’innovations-produits ont été primées en se voyant attribuer le label « Préféré par les consommateurs », ce qui n’a rien d’anodin si l’on tient compte du fait que 300 000 consommateurs ont été intégrés dans la démarche avec environ 1200 produits testés et plus de 950 000 évaluations. Mais ce prix n’est en réalité que la face la plus visible d’un écosystème particulièrement ambitieux ayant pour nom TrialPanel et faisant la jonction entre les marques, les consommateurs, et un distributeur (Carrefour), la démarche d’études étant quant à elle orchestrée en France par l’institut Repères. Patricia Florès, Consumer & Shopper Insights Director France, qui dirige cette activité au sein de Repères, répond aux questions de MRnews pour mieux comprendre la mécanique de cette plateforme TrialPanel.

Market Research News : Comment définiriez-vous en quelques mots ce qu’est TrialPanel ?

Patricia Florès : TrialPanel est un outil, une plateforme tripartite entre les marques, les distributeurs et les consommateurs. Cet outil a été lancé par une société argentine, Brand Value, puis a été déployé en France en avril 2013, avec un distributeur partenaire exclusif, Carrefour, et un partenaire Etudes : Repères.

Quel est le principe général de cette plateforme ?

Fondamentalement, il consiste à apporter de la valeur aux différentes parties prenantes, autour de trois grandes composantes. Au cœur du dispositif, il y a une mécanique de collecte massive de données d’études marketing, en total respect avec le code déontologique Esomar. Il y a naturellement une composante d’analyse, pour aider en particulier les marques de fabricants dans leur processus d’innovation. Mais il y aussi une dimension importante de communication – et même d’amplification – avec une mise en avant auprès du Grand Public des produits et des marques, via le site monavislerendgratuit.com, où sont postés certains des commentaires des consommateurs sur les produits. Le couronnement de cette « amplification » étant la récompense de produits et marques qui ont été préférés par ces consommateurs, via un site dédié (prefereparlesconsommateurs.com) et avec la remise d’un prix.

Comment cela se passe concrètement ? Je suis un consommateur : comment suis-je intégré au sein de ce dispositif ?

Les consommateurs associés à cette démarche sont les clients du partenaire distribution exclusif de la plateforme, qui est donc Carrefour pour la France. Les clients de Carrefour sont donc exposés à des publicités véhiculant le message suivant : « Donnez votre avis et profitez de centaines de produits gratuits ». Ils sont invités à se rendre sur le site internet monavisalerendgratuit.com. Lorsqu’ils sont connectés, on valide le fait que leur hypermarché habituel fait bien partie de la liste des 105 points de vente participant à l’opération (c’est à peu près la moitié des hyper-marchés Carrefour). On leur demande le numéro de leur carte de fidélité, ou bien on leur crée si besoin. Et ils renseignent leur profil et leurs habitudes d’achat. Ils sont ainsi inscrits et, à partir de ce moment-là, ils reçoivent donc des e-mails les invitant à tester de nouveaux produits. En moyenne, ils reçoivent deux e-mails par semaine, avec le plus souvent 3 produits proposés en test pour chaque mail. Un an après le démarrage de l’opération, 300 000 consommateurs sont d’ors et déjà inscrits, l’opération ayant fait l’objet d’un effort de recrutement important de la part de Carrefour, et ayant aussi bénéficié d’un excellent bouche à oreille.

Les consommateurs testent donc gratuitement les produits ? Est-ce qu’il n’y pas un risque d’avoir affaire à une clientèle atypique, particulièrement attirée par cette possibilité de consommer gratuitement des produits ?

Le programme a été défini de sorte à contourner ce risque de ne recruter que des « promophiles », qui est bien sûr à prendre en compte. Lorsque le consommateur s’inscrit, il lui est attribué un portefeuille de 450 points à dépenser. Chaque produit proposé en test a une valeur. Pour donner un ordre de grandeur, une sauce tomate vaut environ 100 points, le nombre de points étant déterminé en proportion de la valeur faciale du produit. Les consommateurs vont donc devoir faire des arbitrages, en fonction de leur intérêt affectif ou « fonctionnel » pour les produits. Lorsqu’ils reçoivent les mails d’invitation, ils découvrent ainsi les différents produits proposés en test, avec le nombre de points qui leurs sont associés, un visuel, un « argumentaire » de présentation du produit et éventuellement une publicité.

Et une fois qu’ils ont choisi le produit qu’ils souhaitent tester ?

La première étape pour eux consiste à répondre (sur le site monavisalerendgratuit.com) à un questionnaire pré-usage, qui nous permet d’identifier leurs comportements et leurs attitudes associées à la catégorie et à la marque (quels achats, quels comportements vis à vis des marques concurrentes, à quel prix ils s’attendent de trouver le produit, qu’est-ce qu’ils en imaginent, quelle image ils ont de la marque,…). Ils reçoivent un coupon avec le code-barre du produit. Ils vont ensuite dans le lieu de vente qu’ils nous ont désigné comme étant leur hypermarché habituel, et ils font leurs courses normalement, ce qui est un point auquel nous tenons beaucoup. Ils trouvent sur leur parcours des stops rayons, des balises, qui ont été mises en place pour les aider à identifier les produits sachant que l’on ne modifie pas la mise en linéaire des produits. En caisse, ils vont payer leurs achats encore une fois « normalement », sauf pour les produits en question pour lesquels le règlement se fait via la remise des coupons. Là encore pour nous assurer d’avoir affaire à de réels parcours d’achats, le montant global des achats doit être au minimum de 30 euros. De fait, le ticket moyen est de 98 euros, ce qui est parfaitement cohérent avec les moyennes habituellement observées en hypermarché.

Ils ramènent donc le ou les produits à la maison, et ceux-ci sont donc consommés au sein du foyer…

Exactement. Les consommateurs utilisent les produits en situation réelle, et à l’issue de cet usage, ils se reconnectent au site monavisalerendgratuit.com pour répondre à un questionnaire post-usage, avec des modalités de contrôle qui permettent de s’assurer de la cohérence et du sérieux de ses réponses. Les consommateurs sont naturellement incités à donner leur avis, ne serait-ce que pour se voir attribuer de nouveaux points et pouvoir ainsi continuer à tester de nouveaux produits.

Si l’on se met maintenant du coté des marques, des fabricants, à quoi ont-ils accès ?

Les fabricants qui ont négocié leur participation au programme avec Carrefour ont accès à deux grands types d’informations et d’analyse..

En effet, le questionnaire post-usage que nous utilisons est très complet, on y retrouve en post-usage tant la satisfaction et le niveau de préférence pour le produit, qu’une analyse organo, packs, rapport qualité prix, questions ouvertes entre autres. Et bien sûr l’intention d’achat, mesurée « en spontané » dans un premier temps, puis après rappel du prix, de sorte à appréhender l’élasticité-prix du produit testé par rapport aux concurrents. Nous avons inclus un autre indicateur important, la facilité à repérer le produit en magasin (en benchmark avec les mesures de notre banque de données), qui est souvent un enjeu de discussion important entre fabricants et distributeurs.

Par conséquent, en « standard », les fabricants reçoivent systématiquement un résumé des performances de leur produit sous forme de KPI’s comparés aux scores des produits de même catégorie.

Ensuite, au-delà de ces indicateurs standards, les fabricants ont également la possibilité d’avoir une analyse complète de leur mix via les résultats détaillés du questionnaire, et même d’inclure des questions spécifiques sur leur produit (de type organoleptique par exemple). Ils se tournent vers nous pour se donner toutes les chances de bien comprendre les raisons du succès ou de l’insuccès du produit, que ce soit au niveau formule produit, niveau perçu du prix, profils de shoppers, ou pack

Comment définiriez-vous les avantages les plus significatifs qu’offre cette mécanique aux fabricants en comparaison avec les études les plus classiquement utilisées ?

Avec un tel dispositif, nous sommes sur des volumétries extrêmement importantes. En un an, nous avons testé 1700 produits différents (soit 100 à 120 produits par mois), sur 300 catégories et pour 400 marques. On dépasse le million de questionnaires post-usage, avec des tailles d’échantillon qui gravitent autour de 1500 personnes par produit testé alors que pour un concept use test classique, les bases sont plutôt de 150 à 200 personnes. Le fait de travailler avec de tels volumes présente de très gros avantages. Cela autorise des analyses très fines par sous-segments de clientèle, bien plus que ne le permet habituellement un concept-use-test et tout en étant dans un principe de réalité supérieur. Mais il faut bien sûr tenir compte qu’un concept use test est par définition un pré-test, alors que nous sommes là dans des conditions de post-tests.

Et en comparaison avec les données de panels ?

J’allais y venir. L’autre avantage associé à cette taille d’échantillon, c’est la rapidité des éclairages, notamment en comparaison avec les éclairages issus des panels consommateurs. Très vite, dès qu’une centaine d’interviews a été réalisée, le fabricant sait globalement ce qu’il en est de la performance de son produit relativement aux produits concurrents par les KPI’s. Et toujours à la différence des panels, il dispose d’un éclairage précieux pour comprendre les raisons consommateur de la performance ou de la sous-performance du produit. Il sait en particulier s’il y a un problème de type « tactique » tel que la visibilité du produit en rayon (auquel cas il peut se tourner vers le distributeur), ou bien le niveau de prix perçu. Ou bien s’il y a un problème de fond quant à la validité du concept-produit lui-même. Cette rapidité est bien sûr une composante extrêmement importante dans le contexte de la grande distribution où le déréférencement peut tomber très vite, en particulier dans des rayons très « encombrés » comme celui des produits frais.

J’imagine que l’outil présente néanmoins des limites. Est-ce que la nécessité de s’en tenir au périmètre de Carrefour n’est pas un obstacle pour répondre à certains besoins ?

A priori, cela peut apparaître comme une limite. Mais techniquement, nous ne l’avons jamais perçu ainsi, vu qu’en France, les shoppers fréquentent 5 enseignes en moyenne dans une année. Nos consommateurs ne sont donc probablement pas exclusifs à Carrefour.

Et en termes de cibles, avec 300 000 personnes, on a vraiment latitude à trouver toutes les catégories de clientèle, même si notre panel tend à comporter moins de seniors que la moyenne. D’autant plus qu’en incitant les consommateurs à arbitrer pour tester les produits qui les intéressent vraiment, les échantillons reflétent en fait les acheteurs potentiels du produit, ce qui est le plus important.

Concernant les limites, j’évoquerais plus les composantes intrinsèques du produit : même si l’outil est très réactif, nous sommes bien dans une logique de post-test, et non de pré-test. On peut aussi évoquer le fait que pour certains fabricants, les décisions se prennent à un niveau mondial, international, alors que cet outil est plus local dans son implémentation.

Il est local dans son fonctionnement, tout en étant déployé dans plusieurs pays…

Absolument. Il a originellement été lancé en Argentine, avec Walmart. Il est présent en France depuis un an, et il a également été mis en place en Belgique, également avec Carrefour.

Enfin en termes de niveau de coût de ces éclairages pour les fabricants, on se situe vers quels niveaux ?

Le coût de l’intégration dans la plateforme est géré par Carrefour avec les fabricants et nous n’en connaissons pas les conditions. Mais sur la partie qui nous concerne, l’analyse complète des performances du mix, nous sommes sur des bases de 6 à 12 K€, qui sont donc extrêmement compétitives en termes de valeur ajoutée – prix.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Patricia Flores

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