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Des études marketing pour mieux décrypter la crise : Interview de Diouldé Chartier-Beffa (D’Cap Research)

13 Sep. 2012

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Par temps de crise, les études marketing n’échappent pas à ce réflexe naturel des entreprises : couper dans les postes de dépense les moins indispensables à court terme. Et s’il y avait pourtant tout intérêt pour les annonceurs à étudier la crise avec la plus grande attention ? Certaines études ont précisément cette vocation, pour identifier les meilleures options d’adaptation, voire même pour « rebondir » sur la crise. Pour inaugurer cette exploration de ces études « anti-crise », nous vous proposons l’interview de Diouldé Chartier-Beffa (directrice de D’CAP Research), à l’initiative de l’Observatoire Système D.

Vous avez lancé en juillet une étude en souscription, l’Observatoire Système D, qui a pour vocation de tracker les pratiques des consommateurs les plus exposés à la crise. Comment est née cette idée ? Et pourquoi faire ?

Le projet est né en croisant deux idées assez simples, deux hypothèses. La première hypothèse revient à prendre acte de ce que nous savons tous désormais : que cette crise n’est pas un phénomène ponctuel mais s’inscrit dans un changement de fond du système économique. La seconde hypothèse est que la contrainte est la première source d’innovation ! Les Français contraints innovent, et sans doute plus que les autres, et il y a tout intérêt à mettre en lumière ces innovations, qui peuvent perfuser dans toute la société.

Parce qu’il y a des innovations dont peuvent s’inspirer les entreprises ?

Exactement. Ce dont notre expérience nous a convaincus, avec des études menées sur beaucoup de secteurs différents, c’est que le progrès fonctionne par convexion. Il y a bien sûr une forme « classique » d’innovation, que l’on peut qualifier de « top-down », et qui fait l’objet d’un grand nombre d’études. Mais il y a aussi une autre forme d’innovation, du type « bottom-up ». Pour le dire autrement, il s’agit d’une forme d’innovation assez diffuse, avec un nombre infini de micro-solutions (à l’échelle d’un individu ou d’un petit groupe), mais qui méritent d’être étudiées pour comprendre en quoi elles peuvent faire système et inspirer des innovations tenables à grande échelle.

Vous auriez un exemple qui illustre ce mécanisme d’innovation ?

 Il y en a plein. Les plus emblématiques viennent d’Internet, ou plus précisément des offres qui ont su articuler Internet avec ce qui se passe dans le monde réel, physique. Ce sont celles dont la progression a été la plus fulgurante. AirBnB par exemple, un service qui met en contact des gens qui proposent à quelqu’un qui a besoin de s’héberger temporairement une chambre d’amis, ou même simplement un canapé dans leur salon, a été valorisé à 1,3 milliards à son entrée en bourse. Je pense aussi à cette personne que nous avons rencontrée lors du terrain de l’Observatoire Système D que nous avons conduit cet été : à partir du 15 du mois, elle sillonne les rues de sa ville et ramasse les meubles qu’elle retape et revend sur leBoncoin.fr. Elle le fait par obligation, mais elle a fini par en faire une vraie compétence.

En quoi consistent plus précisément cette étude et cet observatoire ?

L’objet de l’étude consiste à recueillir et à analyser les arbitrages et les solutions de « débrouille » des 50% des français les moins aisés, ceux qui n’ont pas d’autre option que celle de compter. Cela recouvre donc les bas salaires, mais aussi les parents isolés et les personnes occupant un emploi précaire ou irrégulier. Notre analyse consiste à identifier ainsi des besoins qui sont peu ou pas satisfaits par l’offre existante, que cela relève des produits en tant que tels mais aussi des systèmes de commercialisation, d’information, de relation.

Pour disposer d’une vision aussi complète que possible, nous nous sommes efforcés de couvrir 9 enjeux clés pour la population, avec les besoins les plus essentiels (tels que le logement, le transport, le chauffage,…), tout ce qui tourne autour du corps et de l’image de soi (l’alimentation, l’hygiène,…), les loisirs et la vie sociale (la culture, les divertissements, les équipements de type high tech et téléphonie,…) sans oublier les aspects financiers (les banques, les assurances notamment).

Sur quelle méthodologie vous appuyez-vous ?

C’est une approche que je crois très originale. Le défi est de faire une investigation qualitative en profondeur car ces pratiques très fragmentaires et non répertoriées ne se comprennent pas si on les réduit, mais de le faire à une grande échelle, qui permette de voir se dégager des tendances, de vrais mécanismes qui sous-tendent. Concrètement nous croisons ce que nous dit notre outil d’analyse des conversations sur le web social avec une enquête qualitative ethnographique, qui combine de l’observation et des entretiens non directifs en immersion chez les consommateurs. Le principe clé est de saisir au plus près la réalité de français contraints, en ne se limitant surtout pas au format des études quantitatives traditionnelles.

Qu’est ce qu’apporte l’analyse des conversations sur le web ?

Quand les gens ont des problèmes, ils cherchent à trouver des solutions, y compris et même surtout via le web ! L’outil que nous utilisons, Net-Conversations, permet précisément de capter et d’analyser cela de façon très rigoureuse et « barométrable » : quelles sont les recherches que formulent ces Français contraints, quels sont leurs arbitrages, quelles solutions identifient-ils ? Le Web social c’est le paradis de l’entraide ! Dans un domaine comme le système D fournit une matière extrêmement riche. Ce qui fait la valeur unique de l’outil c’est qu’il identifie les conversations qui viennent des « vrais gens » en les distinguant des « buzzers » ou influenceurs très actifs mais peu représentatifs, et qu’il permet de traiter non pas quelques mots clés mais l’intégralité du contenu des conversations.

Où en êtes-vous dans le déroulement de l’étude ?

Le terrain ethnographique ainsi que la collecte des conversations web s’est déroulé durant l’été. Nous sommes en phase d’analyse effectuée par une équipe pluridisciplinaire : qualitativistes, chercheur, statisticien, et consultant en innovation. Au global, nous travaillons sur un corpus de près de 5000 messages postés sur des forums ou des blogs, traités avec des outils statistiques d’analyse linguistique et analysons le script de 30 entretiens-observation filmés, ce qui nous fait aussi plus de 80 heures de vidéo à décortiquer !

Mais c’est passionnant : on voit se dérouler concrètement sous nos yeux le passage à un nouveau modèle d’économie, qui fonctionne sur de nouveaux paradigmes : un autre rapport au collectif, au temps, au travail. Ce modèle se passe de plus en plus en marge des entreprises, ou sans elles. Il ne tient qu’à elles de faire partie de cette nouvelle « nouvelle économie » ! Les résultats seront livrés fin octobre à nos souscripteurs.

Et enfin quels sont les livrables que vous proposez ?

Il y a un premier niveau transversal, qui est l’analyse des grandes tendances sociétales, avec un rapport et un workshop pour présenter les enseignements et faciliter leur appropriation. Et puisque l’objectif est de stimuler l’innovation de nos clients, nous animons le workshop avec  des supports inspirants, multimédia : des extraits de films, de conversations, des photos et des portraits. Avec le deuxième niveau, nous rentrons dans une phase d’approfondissement sectoriel, avec les neuf grands secteurs que nous avons évoqués. Comme pour le premier niveau, il s’agit d’un rapport complet rédigé ainsi que de sessions de workshop.

Mais je précise que notre démarche ne se limite pas à l’étude. Nous proposons aussi à nos clients d’aller plus loin dans l’exploitation des enseignements obtenus, avec une prestation d’accompagnement et de co-création complètement ad’hoc.


POUR ACTION

–       Contact : @Diouldé Chartier-Beffa ou @Alexandra Borsari


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