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« Un bon trade-off nourrit la réflexion marketing pendant des années » – Interview de Bertrand Robion (Solirem)

1 Déc. 2025

Bertrand Robion - Solirem

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Les trade-offs sont des outils de modélisation de plus en plus sollicités par les équipes marketing. Pourquoi cet engouement ? Comment en tirer le meilleur parti ? Bertrand Robion, Responsable Analyses de données chez Solirem, société spécialisée dans le traitement et la modélisation de données pour les instituts d’études, revient sur l’évolution de ces pratiques. Il détaille notamment comment les simulateurs que propose aujourd’hui Solirem répondent au besoin croissant d’autonomie des équipes, tout en soulignant l’importance de bien penser ces dispositifs en amont pour en maximiser l’exploitation dans le temps.

MRNews : Le terme de trade-off est bien connu, mais ses mécanismes le sont moins. Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots ce qu’est un trade-off, et en quoi cet outil est particulièrement utile pour les études marketing ?

Bertrand Robion (Solirem) : Le trade-off sert à comprendre et prédire les choix des consommateurs face à des offres. Il repose sur une approche expérimentale et une modélisation, le principe étant d’appréhender ces offres comme des combinaisons de briques élémentaires. Lorsqu’un consommateur choisit des yaourts dans le rayon d’un supermarché, il se retrouve face à des marques, des conditionnements, des saveurs, des prix… Ces briques ont bien sûr une importance variable selon les individus, les différentes cibles, et donc au global sur le marché. C’est ce que l’on reproduit au travers d’un trade-off, cet outil permettant de déduire — à partir des réponses des consommateurs sollicités — la façon dont ces briques jouent sur leurs choix. Il permet ainsi de tester en peu de temps un très grand éventail de propositions possibles, ce qui serait irréaliste via des protocoles de tests classiques. C’est donc un outil extrêmement utile dans des démarches d’innovation, de conception de nouvelles offres ou de rénovation, mais aussi pour tester des communications.

Une des vertus importantes de ce dispositif est d’obliger les entreprises à s’interroger sur leur offre, et sur les briques qui sont réellement susceptibles d’avoir un impact dans les choix des consommateurs…

Une des vertus importantes de ce dispositif est d’obliger les entreprises à s’interroger sur leur offre, et sur les briques qui sont réellement susceptibles d’avoir un impact dans les choix des consommateurs…

Quel est le rôle de Solirem sur ces chantiers de trade-off ? Et quels sont vos partis pris clés en la matière ?

Dans plus de 90 % des cas, nous travaillons sur les trade-offs à la demande de nos clients instituts. Nous intervenons alors sur toute la chaîne de production : de la réalisation du plan d’expérience à la programmation de l’outil de collecte, puis le calcul des utilités, les simulations et la production d’un simulateur. Mais en amont, nous sommes aussi là pour accompagner la réflexion : un trade-off est-il le bon outil pour répondre à la problématique ? Cela fait-il sens d’intégrer telle modalité ou tel attribut ? Quels sont les impacts ? Il faut arbitrer sur ces différents points en fonction de l’intérêt mais aussi du coût de l’information. En aval, nous apportons notre aide dans l’interprétation des résultats, même si l’expertise marketing pour opérationnaliser revient souvent à nos clients instituts qui le font pour leurs interlocuteurs finaux dans les entreprises.

Un de nos partis pris clés est de ne pas nous enfermer dans une « religion ». Il n’y a pas une seule et bonne manière de faire, mais différentes options à examiner.

Un de nos partis pris clés est de ne pas nous enfermer dans une « religion ». Il n’y a pas une seule et bonne manière de faire, mais différentes options à examiner. En pratique, nous travaillons le plus souvent sur des méthodes de type CBC ou ACBC lorsque la problématique porte sur plusieurs variables. Ou bien sur des MaxDiff lorsqu’il n’y a qu’une seule variable, par exemple pour travailler une liste de promesse, ou des messages publicitaires.

Comment la demande de vos clients évolue-t-elle autour des études de trade-off ? A-t-elle plutôt tendance à croître, à se diversifier ? Et pour quelles raisons, selon vous ?

Nous en réalisons énormément. Peut-être est-ce lié à notre mode d’intervention de bout en bout, mais sans doute cela correspond aussi et surtout à une tendance du marché, avec une très forte progression du besoin de modélisation. Il y a quelques années, cette modélisation s’inscrivait surtout dans le besoin de mieux comprendre les choix des consommateurs. Celui-ci s’exprime toujours, mais la dimension prédictive est désormais extrêmement forte : si je change mon offre, ou si j’en introduis une nouvelle, quelle sera la réaction du marché ? Le trade-off est un outil extrêmement précieux pour répondre à ce type de question, d’autant qu’il permet aussi d’intégrer d’éventuelles réactions qui viendraient des concurrents…

La dimension prédictive est désormais extrêmement forte : si je change mon offre, ou si j’en introduis une nouvelle, quelle sera la réaction du marché ? Le trade-off est un outil extrêmement précieux pour répondre à ce type de question, d’autant qu’il permet aussi d’intégrer d’éventuelles réactions qui viendraient des concurrents…

Les demandes que nous traitons sont ainsi de plus en plus complexes, du fait de l’évolution des besoins de nos interlocuteurs et des équipes des entreprises, mais aussi parce que l’outil trade-off peut apporter une énorme aide à la décision, en intégrant par exemple des notions de coût de revient des offres dans les modélisations.

Les trade-offs sur lesquels nous intervenons s’intègrent de plus en plus dans des dispositifs importants ayant vocation à être utilisés pendant plusieurs années, dans des études de type U&A notamment. Et, en effet, sous réserve que l’on ait intégré les bonnes variables, il est possible de modéliser beaucoup de situations, et donc de nourrir les réflexions marketing sur plusieurs années.

Avec un trade-off et sous réserve que l’on ait intégré les bonnes variables, il est possible de modéliser beaucoup de situations, et donc de nourrir les réflexions marketing sur plusieurs années.

Cela soulève-t-il le besoin chez vos clients d’être plus autonomes pour réaliser des simulations ? Et, si oui, comment y répondez-vous ?

Absolument, ce besoin d’autonomie s’est considérablement renforcé. Ce qui est parfaitement compréhensible : les équipes marketing se doivent d’être réactives, agiles. Il leur convient bien mieux de pouvoir tester directement des changements d’offre plutôt que de passer systématiquement par l’institut ayant réalisé l’étude.

Notre réponse, c’est de proposer des simulateurs, exploitables par le plus grand nombre. Nous avons d’abord développé une application web, mais ce n’était pas idéal car les différents trade-off que nous réalisons sont adaptés au plus près des besoins clients, avec peu de standardisation possible. Customiser une solution sur Excel s’est alors imposé comme une bien meilleure solution. D’abord parce que ce logiciel est présent partout, mais aussi parce qu’il nous permet de trouver le meilleur compromis entre l’ergonomie, la facilité d’usage — y compris pour travailler sur des sous-cibles — et la protection des données, qui est assurée via des macros. Nous le proposons aujourd’hui quasi systématiquement.

Le besoin d’autonomie des clients s’est considérablement renforcé. Ce qui est parfaitement compréhensible : les équipes marketing se doivent d’être réactives, agiles (…). Notre réponse, c’est de proposer des simulateurs, exploitables par le plus grand nombre.

Le MaxDiff est un cas particulier de trade-off dont l’usage semble se développer fortement. Confirmez-vous cette tendance ? Et qu’est-ce qui explique, selon vous, cet engouement ?

Oui, c’est un fait, nous avons de plus en plus de demandes de MaxDiff, ce qui est peut-être lié à une meilleure connaissance de ces outils. L’outil est idéal pour traiter des problématiques relativement simples, avec beaucoup d’efficacité. Au lieu de demander aux gens de noter chaque option sur une échelle, on leur en présente 3 ou 4 à chaque fois sur un écran, en leur demandant d’indiquer celle qu’ils préfèrent, et celle qu’ils aiment le moins. On répète ainsi l’exercice sur différents écrans, ce qui permet au final de calculer un score d’utilité des différents éléments de proposition, puisqu’on a à la fois un ordre et une distance. Et bien sûr de déterminer quelle proposition suscite le plus d’intérêt.

Dans le cas d’un MaxDiff, pouvez-vous proposer des simulateurs ?

Tout à fait, nous le faisons régulièrement. Dans ces outils, nous transformons les utilités en probabilités de choix. Au lieu d’avoir un score théorique entre moins l’infini et plus l’infini, on donne l’information que telle proposition a 90 % de chances d’arriver en premier dans les préférences, telle autre 62 %, etc.

Ces probabilités peuvent ainsi être utilisées pour des éclairages de type TURF : Totally Unduplicated Reach and Frequency. Si je propose trois offres, est-ce que je couvre 90 % de ma cible ou 40 % ? Et quel est le nombre de produits que chaque acheteur va mettre dans son panier ? Il est bien sûr possible — c’est tout l’intérêt de ce type de démarche — de tester de nouvelles combinaisons d’offres pour estimer les effets en termes de couverture (reach) et de nombre moyen d’achats (frequency).

Là encore, pour permettre à nos clients d’exploiter leur maxdiff en toute autonomie, nous avons élaborer un simulateur Turf leur permettant de tester différentes hypothèses en toute liberté.

Une dernière question enfin : quels seraient selon vous les points de vigilance ou les conseils que vous aimeriez partager avec les instituts et les annonceurs, pour qu’ils tirent le meilleur parti de ces approches trade-off ?

Il y en a plusieurs, sur différents aspects. Je pense qu’il faut d’abord parvenir à mettre de côté les certitudes ou les a priori que l’on peut avoir sur ces outils. C’est une partie importante de notre intervention, d’aider nos interlocuteurs à ouvrir leurs chakras. Cela me semble être une condition importante pour découvrir des cas d’usage qui sont bien plus nombreux qu’on ne pourrait le penser au départ. Et ce tout en ayant conscience des limites de ces approches, qui tiennent à leur caractère théorique. Un produit peut ressortir comme ayant un excellent potentiel, mais si son lancement n’est pas supporté par une communication efficace, il ne parviendra pas forcément à s’imposer.

J’ajouterai un second point, celui du regard porté — dans ce type d’exercice — sur le marché et sur les offres concurrentes. Il faut imaginer les actions possibles des autres acteurs, et aussi penser à la concurrence indirecte. Mais il importe aussi de rester dans un cadre réaliste pour les consommateurs, en se concentrant sur les vrais paramètres de choix. Cet équilibre n’est pas toujours facile à trouver, c’est aussi pour ça que nous faisons cet effort d’accompagnement dans la réflexion. Mais cette réflexion est payante : elle permet d’exploiter chaque étude selon de nombreux angles. Un bon trade-off nourrit ainsi la réflexion marketing pendant des années. Cet aspect de « recyclabilité » des études correspond aujourd’hui à une attente importante des entreprises.

Un bon trade-off nourrit la réflexion marketing pendant des années. Cet aspect de « recyclabilité » des études correspond aujourd’hui à une attente importante des entreprises.

Je précise enfin que nous avons mis à jour notre site trade-off.fr, avec une entrée spécifique sur les simulateurs pour expliquer leur fonctionnement, avec des vidéos illustratives.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Bertrand Robion

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