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« Le métier des insights m’a permis de concilier intuition, curiosité et impact » – Interview microportrait de Christophe Cisowski (Léa Nature)

11 Sep. 2025

Interview microportrait de Christophe Cisowski (Léa Nature)

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Ingénieur de formation, passé par le marketing et les achats, Christophe Cisowski incarne une vision résolument transversale du métier du market research. Aujourd’hui responsable des insights consommateurs chez Léa Nature pour les domaines de l’alimentation, des produits de santé et diététiques, il fait partie de ces professionnels qui n’ont pas débuté leur parcours dans ce domaine — un détour qui lui donne sans doute un regard particulier sur cette fonction. Nous vous invitons, avec ce nouvel opus de notre série des « micro-portraits », à découvrir son cheminement, sa sensibilité, et ce qui l’anime et le passionne tant dans sa vie professionnelle que personnelle.

MRNews : Vous êtes aujourd’hui Responsable insights consommateurs chez Léa Nature. En quoi consiste plus précisément votre fonction ?

Christophe Cisowski : Le titre « insights consommateurs » correspond bien à la dénomination officielle de mon poste, mais dans la réalité, mon rôle est un peu plus large. J’interviens sur trois grands domaines. Le premier consiste à accompagner l’entreprise dans le pilotage de sa performance — celle de ses marques, de ses produits, de ses communications… Le second vise à assurer une bonne compréhension des consommateurs et de leurs parcours, en intégrant la dimension shopper. Enfin, ma troisième mission est d’aider les équipes à mieux appréhender l’environnement dans lequel nous évoluons : cela recouvre bien sûr le champ concurrentiel, mais aussi les dimensions économiques et sociétales. 
J’ajouterais, parce que cela fait partie de ma personnalité, que je me sens très à l’aise dans les démarches de co-construction, ou plus largement dans tout ce qui permet de faire circuler l’information et les idées de manière utile entre les collaborateurs.

Quelle est votre formation ? Et quelles ont été les grandes lignes de votre parcours ?

J’ai un profil plutôt scientifique, avec une formation d’ingénieur dans le domaine agro-alimentaire — ce qui ne me prédestinait pas vraiment au métier des insights. J’ai commencé ma carrière dans la grande distribution, qui m’a rapidement confirmé mon attirance pour les enjeux liés au marketing et à la communication. J’ai d’abord travaillé chez Monoprix, dans des fonctions Qualité et Développement Produit. À la suite d’un entretien individuel, j’ai pu rejoindre l’équipe marketing et devenir Chef de Produit. Par la suite, j’ai occupé différents postes : Acheteur, Acheteur-Chef de Produit, puis Acheteur Marque Nationale, jusqu’en 2010.

Mais je ne me sentais pas totalement à ma place dans l’univers de la grande distribution. J’ai donc cherché un environnement plus en phase avec mes valeurs, ce qui m’a conduit à rejoindre Léa Nature. J’y ai d’abord exercé des responsabilités pendant un peu moins de 10 ans dans l’univers des produits d’épicerie, en tant que chef de produits et chef de groupe sur la santé lors des dernières années. Pendant cette décennie, la dimension « études » est venue petit à petit enrichir mon activité : d’abord les panels distributeurs, puis les panels consommateurs, et enfin des études plus ad hoc. Je centralisais les connaissances, ce qui me permettait de répondre à de nombreuses questions dans l’entreprise. Puis, à l’occasion d’une réorganisation, on m’a proposé d’endosser pleinement la fonction Insights.

Chez Léa Nature, j’ai d’abord exercé des responsabilités dans l’univers des produits d’épicerie, en tant que chef de produits et chef de groupe sur la santé (…). La dimension « études » est venue petit à petit enrichir mon activité : d’abord les panels distributeurs, puis les panels consommateurs, et enfin des études plus ad hoc.

Quelles sont les marques de Léa Nature ?

La Compagnie Léa Nature est un groupe d’entreprises dont le chiffre d’affaires consolidé avoisine le demi-milliard d’euros. Nous sommes présents sur tous les canaux : évidemment en GMS mais aussi en magasins bio, réseaux spécialisés, pharmacies, parapharmacies…
Nos activités couvrent plusieurs grandes catégories : l’alimentaire, l’hygiène-beauté, l’entretien… Parmi nos marques les plus connues, on peut citer Jardin BiO étic, So Bio étic, Eau Thermale Jonzac ou encore Biosens. Ce qui relie toutes ces marques, c’est une vision très authentique incarnée par notre Pacte d’Engagements Général et ses 5 piliers qui ne sont pas de simples arguments « marketing », mais de véritables fils conducteurs concrets de nos actions et de nos offres.

Ils ne sont pas si nombreux les responsables Insights à avoir commencé comme chefs de produit. Le choix a-t-il été facile ?

C’était effectivement un pari. D’abord parce que je ne connaissais pas parfaitement ce métier. Et puis, j’avais un peu le sentiment de quitter le cœur du réacteur. J’avais la crainte d’être en dehors des circuits décisions, de ne plus avoir ma place dans les process stratégiques. Mais cette crainte s’est vite dissipée. J’ai rapidement compris qu’il était possible d’avoir un vrai impact dans cette fonction, en étant reconnu comme un business partner à part entière. J’associe volontiers mon rôle à celui d’un « spin doctor » : ma mission est d’aider les équipes à avancer de manière plus efficace, en étant un facilitateur — un peu comme une enzyme catalysant le business.

Ma crainte de quitter le coeur du réacteur s’est vite dissipée. J’ai rapidement compris qu’il était possible d’avoir un vrai impact dans cette fonction Insights, en étant reconnu comme un business partner à part entière.

Ce choix était risqué, mais vous aviez tout de même une prédisposition. Un événement a-t-il joué un rôle déclencheur ?

Une expérience vécue chez Monoprix a sans doute été déterminante. À l’époque, je m’occupais des produits Bio et des produits du monde dans l’univers alimentaire — un domaine qui me passionne. Un jour, en faisant mes courses dans un magasin hors réseau Monoprix, je découvre des produits portugais que je ne connaissais pas du tout : du Sumol, du Vinho Verde, du lupin, du bacalhau… Curieux, je commence à enquêter : je récolte des chiffres, identifie des fournisseurs, interroge des clients d’origine portugaise — pourtant nombreux à Paris — qui se sont résignés à ne trouver ces produits que dans des circuits spécialisés ou pire chez les concurrents ! J’en parle alors à mon manager, je lui partage les données, les fournisseurs repérés, et je propose de sonder nos magasins pour tester leur intérêt. Résultat : l’enthousiasme était bien là, et nous avons pu mettre en place des linéaires dédiés. Ce processus — de l’intuition à l’offre en passant par la collecte d’enseignements et la formalisation d’une « histoire » — m’a véritablement passionné. Et c’est à ce moment-là que j’ai compris combien ce métier des Insights pouvait être riche de sens et créateur de valeur.

Et côté rencontres professionnelles, lesquelles ont compté dans votre parcours ?

Intégrer l’Insight Hub a été une expérience très stimulante. La richesse des échanges avec d’autres responsables insights est précieuse : nous ne pensons pas tous de la même manière, mais nous partageons une communauté d’expérience, un rôle spécifique dans nos organisations. Cela crée une dynamique extrêmement enrichissante.

Pour ce qui est des rencontres plus personnelles, Delphine Duran-Lesecq (voir ici son interview) occupe une place toute particulière. Nous nous connaissions déjà un peu, ayant notamment grandi dans la même région. Et un jour, surprise : nous nous retrouvons au Printemps des Études. Une belle illustration du fait que le monde est parfois tout petit !

Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous dans le petit monde des études marketing ?

Ah, ce n’est pas une question facile… Une interrogation revient souvent dans mon esprit : celle de la place des insights dans l’entreprise. Cette fonction doit à la fois être proche des équipes opérationnelles, répondre à leurs besoins concrets, tout en accompagnant les directions dans la prise de recul, l’anticipation, la projection. L’idéal — peut-être un peu utopique — serait que les responsables insights puissent être des électrons libres, dotés d’un certain don d’ubiquité : proche des consommateurs, des collègues tout comme des dirigeant(e)s à la fois !

En lien avec les convictions qui m’ont amené à rejoindre Léa Nature, je pense qu’il serait essentiel d’intégrer davantage dans notre pratique la question de ce qui est souhaitable pour la planète et pour la société.

En lien avec les convictions qui m’ont amené à rejoindre Léa Nature, je pense qu’il serait essentiel d’intégrer davantage dans notre pratique la question de ce qui est souhaitable pour la planète et pour la société. Bien sûr, une partie des attentes des consommateurs peut recouper les intérêts des entreprises. Mais aller dans ce sens est-il toujours désirable d’un point de vue plus global ? Ce sont des réflexions que je partage notamment avec Delphine Parois chez Stratégir, qui m’a proposé de rejoindre son Comité de mission. Les enjeux RSE font aujourd’hui consensus chez les professionnels des insights, mais il nous faut encore travailler à la façon de les traduire concrètement dans nos méthodes et nos pratiques.

A découvrir > Les études marketing peuvent-elles contribuer à la transition écologique ? Notre podcast #4, avec Delphine Parois (Strategir) et Jean-Maxence Granier (Think-Out)

Quels autres métiers auriez-vous pu exercer si ce n’était pas ceux du marketing et des insights ?

Difficile à dire, il y a mille vies possibles ! Sans doute aurais-je pu m’orienter vers les neurosciences — la dimension « recherche » m’a toujours attiré. Il m’arrive aussi d’imaginer gérer un lieu hybride mêlant librairie, bar, expositions ou conférences… En réalité, quand on a beaucoup de centres d’intérêt, on a envie de tout explorer. D’ailleurs, la curiosité est pour moi une qualité essentielle, y compris quand je recrute. Et, en même temps, je mesure la chance que j’ai de faire aujourd’hui un métier qui me plaît autant.

Vous avez évoqué plusieurs de vos passions. Y en a-t-il d’autres ?

Oui, pour le basket, que je partage avec mes filles. Et c’est une chance que notre président Charles Kloboukoff préside également le Stade Rochelais Basket pour aller les supporter. Je suis aussi un grand lecteur, notamment de science-fiction, un genre qui éclaire souvent incroyablement bien le réel. J’ai beaucoup aimé les ouvrages récents de Liu Cixin, notamment Le Problème à trois corps, et je trouve que Fahrenheit 451résonne particulièrement avec l’actualité. Côté bande dessinée, j’apprécie beaucoup le travail de Mathieu Bablet.

Lire aussi > Retrouver l’intégralité des ‘micro-portraits’

Dans une autre vie, qui auriez-vous aimé être ?

Je ne sais pas vraiment. Mais je serais curieux de savoir ce que ma vie serait devenue si j’avais fait d’autres choix. Par exemple, j’ai un jour envisagé de partir étudier au Canada. Que se serait-il passé si j’avais franchi le pas ? Peut-être que ma trajectoire aurait été très différente… ou pas. Mais cette curiosité reste vivace.

Une dernière question, celle de « l’île déserte ». Si vous ne pouviez emporter qu’un petit sac à dos, quels livres ou albums y mettriez-vous ?

Deux ouvrages me viendraient tout de suite à l’esprit, tous deux liés à la notion de temps, un sujet qui me fascine. La Mort immortelle de Liu Cixin, dont le récit s’étire sur des millions d’années, avec une réponse très originale à la question de la transmission intergénérationnelle. Et Carbone et Silicium, de Mathieu Bablet, une BD aussi belle que profonde, qui interroge avec sensibilité ce que signifie être humain aujourd’hui… et demain.
Et s’il reste un peu de place dans le sac : Le bricolage pour les nuls ! Sur une île déserte, ça pourrait bien m’être utile… d’autant que je ne suis vraiment pas doué pour ça ! (rires)


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Christophe Cisowski

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