En lançant un baromètre ambitieux (158 marques évaluées) dédié à la perception que les Français ont des marques quant à leurs actions en matière de RSE, l’institut OpinionWay entend bien contribuer à la dynamique de mobilisation des entreprises sur ces enjeux.
Quels sont les partis-pris de ce dispositif ? Quel est le podium des marques les mieux évaluées par les Français ? Et quelles sont les clés de lecture les plus essentielles pour appréhender le paysage et les règles du jeu ? Ce sont les questions que nous avons posées à son Directeur Général, Luc Balleroy.
MRNews : Vous avez lancé un baromètre dédié aux enjeux RSE. Pourquoi OpinionWay a-t-il pris une telle initiative ?
Luc Balleroy (OpinionWay) : En tant qu’agence d’études et de conseil, nous sommes convaincus d’avoir un rôle fondamental à jouer dans l’accompagnement des entreprises sur les enjeux de responsabilité sociale et environnementale. Aujourd’hui, celles-ci ne se posent plus la question de savoir si elles doivent intégrer ou non ces enjeux à leur gouvernance et à leur plan stratégique. Elles visent plutôt à accélérer le processus, et s’interrogent sur le comment et les évolutions des modèles économiques que cela suppose. De nombreux efforts ont été accomplis, mais beaucoup reste à faire pour que les offres soient plus en adéquation avec le discours des entreprises, et qu’elles ne soient plus confinées à une niche de marché.
C’est précisément là que nous avons un rôle à jouer ! À la fois parce que nous sommes l’interface conversationnelle et immersive entre l’entreprise et son marché, mais aussi parce nous intervenons le plus souvent en amont des processus conduisant à la production des offres, des discours et des décisions stratégiques. Notre vision est que nous devons avancer plus fort et plus vite sur ces enjeux, pour stimuler et aider à élaborer de nouveaux concepts. C’est ce qui nous a décidés à nous lancer sur le chemin de l’Entreprise à Mission, il y a un peu moins d’un an maintenant, sur lequel nous sommes proches d’aboutir.
Nous sommes convaincus d’avoir un rôle fondamental à jouer dans l’accompagnement des entreprises sur les enjeux de responsabilité sociale et environnementale (…). À la fois parce que nous sommes l’interface conversationnelle et immersive entre l’entreprise et son marché, mais aussi parce nous intervenons le plus souvent en amont des processus conduisant à la production des offres, des discours et des décisions stratégiques.
La création de ce baromètre s’inscrit donc très directement dans la démarche d’OpinionWay de devenir Entreprise à Mission…
Absolument. Ce cheminement que nous accomplissons n’a rien d’anecdotique, et nous conduit à revisiter notre rôle, nos ambitions, nos actions… En un mot, à nous redéfinir. Un de nos engagements clés est d’accompagner et éclairer les entreprises et les organisations dans leur réflexion sur ces sujets, pour leur permettre d’identifier les pistes d’actions les plus pertinentes et pérennes possibles, en évitant ces deux écueils que sont l’attentisme ou le dogmatisme.
Quelle est plus concrètement la vocation de ce dispositif ?
Il a une double vocation, la première étant de contribuer à la dynamique de mobilisation des entreprises. On le sait tous, les classements et les palmarès ont cet effet-là auprès des directions, c’est donc un très bon levier ! Notre parti-pris assumé est ainsi de ne mettre en avant que les « premiers de la classe », précisément pour encourager l’exemplarité.
On le sait tous, les classements et les palmarès ont pour effet de contribuer à la dynamique de mobilisation des entreprises, ils ont cet effet-là auprès des directions, c’est donc un très bon levier ! Notre parti-pris assumé est ainsi de ne mettre en avant que les « premiers de la classe », précisément pour encourager l’exemplarité.
Par ailleurs, pour les entreprises elles-mêmes, nous tenions à leur proposer un outil simple, facile d’appropriation avec une seule question plutôt que des indicateurs composites opaques et discutables. Mais nous voulions aussi qu’il ait une réelle portée stratégique, à la fois grâce au benchmark sectoriel qu’il offre et par la grille de lecture que constitue notre typologie sur les Français et les enjeux de développement durable.
Sur quelle base méthodologique repose-t-il ?
Nous avons posé à plus de 3000 interviewés une même question clé : « Dans quelle mesure pensez-vous que les marques suivantes sont soucieuses de la protection de l’environnement et de l’équité sociale quand elle conçoit ses offres et produits ? ». Et leur avons ainsi proposé d’évaluer 158 marques appartenant à 15 secteurs économiques différents.
La question a l’avantage d’être comprise de tous les répondants. Elle donne à la fois le reflet des efforts consentis par les marques mais aussi de leur visibilité puisqu’il s’agit d’une perception. Les acteurs très avancés peuvent mesurer si leur travail est connu et perçu. Ceux qui sont plus à la traîne pour de multiples raisons peuvent évaluer leur retard vis-à-vis de leurs concurrents et l’impact que cela a auprès des populations les plus sensibles. Ceux qui naviguent entre les deux peuvent déterminer s’il leur faut désormais accélérer, persévérer ou changer de stratégie.
Venons-en au palmarès. Quel est donc le podium des marques les mieux perçues des Français sur leur engagement en matière de RSE ?
La médaille d’or revient très clairement à EDF, et l’argent à Décathlon. Ces deux marques sont respectivement citées par 67 et 66% des Français comme leur paraissant soucieuses de la protection de l’environnement et de l’équité sociale. Pour ce qui est de la médaille de bronze, elle revient à égalité à Cristaline, Au Vieux Campeur et La Roche-Posay.
Au global, les 5 premières places sont occupées par un total de 11 marques, avec donc de nombreux ex aequo, ces acteurs appartenant à des secteurs d’activité bien différents.
Les marques relevant de secteurs bien spécifiques ne sont-elles pas fortement avantagées ?
En effet, la composante sectorielle n’est pas neutre. Le Food, l’Assurance et la Beauté sont plutôt en tête de peloton, alors que la Restauration et le Transport ferment la marche. Mais, et cela constitue un des éclairages importants de notre baromètre, des marques parviennent néanmoins à se distinguer très favorablement y compris dans ses secteurs relativement « difficiles ». C’est le cas par exemple de Décathlon, dont le score est supérieur de 22 points par rapport à la moyenne de son secteur. Cela s’applique aussi à des marques comme SNCF et VVF, qui « sur-performent » de 22 et 18 points vs la moyenne de leur catégorie.
Cela nous enseigne le fait que, contrairement aux idées reçues, les Français perçoivent bien de nettes différences entre les acteurs d’un même secteur au regard de leurs discours et de leurs actes.
Contrairement aux idées reçues, les Français perçoivent bien de nettes différences entre les acteurs d’un même secteur au regard de leurs discours et de leurs actes.
Pour enrichir la vision quant à la perception des marques, vous avez établi une typologie des Français sur ces enjeux. Que faut-il en retenir en synthèse ? Et a-t-elle sensiblement évolué ces dernières années ?
Cette typologie offre un panorama très représentatif de l’état de l’opinion sur ces enjeux :
Cette typologie vous semble-t-elle robuste dans le temps ?
Nous l’avons créée il y a déjà quelques années, et tout nous laisse à penser qu’elle est assez solide en effet. Les poids des différents types ont un peu évolué, mais les groupes d’attitude et de comportement sont fondamentalement demeurés les mêmes. Nous avons néanmoins observé des changements notables s’agissant des jeunes. Leur jugement s’écarte sensiblement de celui du reste de la population, ce qui se traduit par un classement différent des marques.
Les marques qu’ils jugent favorablement, souvent des plateformes d’intermédiation, leur permettent de mettre en cohérence leurs attitudes avec leurs comportements, sans pour autant sacrifier leur désir de consommer. Je pense à des marques comme Vinted, BlaBlaCar ou Decathlon, qui promeuvent l’économie collaborative ou l’économie du réemploi ( Ré-use). En cela, ils sont exemplaires d’une stratégie réussie intégrant les enjeux RSE dans une logique mass market.
Une stratégie qui prend le contrepied de la fameuse « écologie punitive »…
Absolument ! Elle vise plutôt à réconcilier d’une part le citoyen, soucieux du bien commun et de l’avenir de celui-ci, et d’autre part le consommateur, qui est lui animé par le désir d’assouvir son besoin d’être par l’avoir. On pourrait gloser sur la spirale mortifère du cycle du désir et de l’ennui chère à Schopenhauer (rires). Mais pour s’en tenir au pragmatisme qui prévaut dans la vie économique, il nous semble qu’il y a là un enseignement très intéressant. Dans le contexte d’une tension extrêmement forte sur le pouvoir d’achat touchant largement les populations les moins aisées et les catégories intermédiaires, construire des offres responsables mais plus coûteuses, et donc plus chères, c’est d’emblée ne s’adresser qu’à deux des six groupes de la typologie : les porteurs d’avenir et les piliers verts. Cette stratégie n’est pas dénuée de pertinence, c’est celle par exemple d’un acteur comme Patagonia. Mais si l’on veut adresser un plus large spectre de la population, une triangulation s’impose, en intégrant ces trois piliers que sont le pouvoir d’achat, le social et l’environnemental. C’est le cas des trois marques que j’évoquais, Vinted, BlaBlaCar, Decathlon, cette dernière ajoutant à ceux-ci le principe de l’éco-conception.
Si l’on veut adresser un plus large spectre de la population, une triangulation s’impose, en intégrant ces trois piliers que sont le pouvoir d’achat, le social et l’environnemental.
Le phénomène de greenwashing est souvent évoqué tant par les experts en branding que par le grand public lui-même. Est-ce selon vous LE travers à éviter pour les marques ?
Ce n’est pas si simple… On peut objecter que plus une entreprise s’affiche, plus son discours préempte ce territoire, plus elle se trouve obligée d’agir, faute de quoi elle est vite rappelée à l’ordre par les vigies toujours plus nombreuses qui sévissent sur les réseaux sociaux.
Mais, en même temps, le greenwashing nourrit le discours et l’attitude de ceux qui, de toute façon, sont réfractaires à la pensée des experts et des élites, réfractaires à la notion de bien commun, réfractaires à la pensée complexe, réfractaires au changement et aux idées portées par les médias et socialement convenues, sans parler des complotistes qui tirent profit de cette dissonance entre les discours et les actes. C’est pourquoi nous sommes plus favorables à une prise de parole mesurée et consistante, c’est-à-dire à la fois cohérente et pertinente. Au fond, nous pensons que les marques les mieux perçues sur les enjeux RSE ont de vraies bonnes raisons de l’être !
Nous sommes plus favorables à une prise de parole mesurée et consistante, c’est-à-dire à la fois cohérente et pertinente. Au fond, nous pensons que les marques les mieux perçues sur les enjeux RSE ont de vraies bonnes raisons de l’être !
Quels enseignements complémentaires pouvez-vous donner aux marques désireuses de mieux s’approprier les résultats de cette étude ?
Nous leur proposons d’une part de se procurer le rapport complet sur leur marque, leur univers de concurrence et d’analyser leur performance sur les différentes catégories socio-démographiques, ainsi que sur les 6 groupes de sensibilités.
Ensuite, je recommanderai d’inclure systématiquement notre dispositif TARGET IT dans toute évaluation de marque, de communication, d’offre et d’expérience client. Celle-ci comprend une interrogation sur 12 items permettant de réaffecter les individus à leur groupe d’appartenance dans la typologie que nous avons évoquée, et ainsi d’optimiser le ciblage des actions.
POUR ACTION
• Echanger avec l’interviewé et en savoir plus sur l’étude : @ Luc Balleroy