Et si TikTok et Instagram étaient aujourd’hui des espaces où trouver les meilleurs partenaires possibles, pour innover et se connecter à leurs cibles ? C’est la conviction que défend ici Laurent Delbecq (The Social Wire – Semantiweb Group), qui invite les équipes Innovation, Marketing, Communication des entreprises à se défaire des préjugés qu’elles pourraient éventuellement avoir vis-à-vis des « influenceurs », et à intégrer les superbes opportunités qu’ouvrent ces créateurs de contenu.
MRNews : L’importance du digital pour les marques est une évidence. Mais encore ? Quels constats ou chiffres vous semblent clés pour l’appréhender aujourd’hui ?
Laurent Delbecq (The Social Wire – Semantiweb Group) : Une transformation majeure est en train de s’opérer autour des « créateurs de contenus » présents essentiellement sur des plateformes comme TikTok et Instagram, ou YouTube de façon plus secondaire. Selon les dernières données disponibles, la valeur de l’économie des créateurs est estimée à 104,2 milliards de dollars en 2024, avec un doublement à prévoir d’ici 2027. Actuellement, on dénombre pas moins de 207 millions de créateurs de contenu dans le monde, et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Le terme de créateurs de contenu nous parait préférable à celui d’influenceurs qui, au moins en France, véhicule de fausses représentations. Ces créateurs de contenu sont devenu des experts de leur catégorie et ainsi, les marques ne se contentent plus d’utiliser ces acteurs pour promouvoir leurs offres, mais les intègrent désormais dans le processus de développement de leurs produits, de leurs communications, et de leurs stratégies d’advocacy de leur marché. En travaillant avec eux dans des processus de co-création, elles peuvent exploiter leur expertise et leur engagement pour élaborer des produits authentiques et pertinents, à même de capter l’attention des consommateurs à l’échelle mondiale.
Une transformation majeure est en train de s’opérer autour des « créateurs de contenus » présents essentiellement sur des plateformes comme TikTok et Instagram, ou YouTube de façon plus secondaire. Selon les dernières données disponibles, la valeur de l’économie des créateurs est estimée à 104,2 milliards de dollars en 2024, avec un doublement à prévoir d’ici 2027.
Ce serait donc une grave erreur pour les marques que de sous-estimer ce phénomène…
Absolument. Les créateurs de contenus peuvent apporter trois avantages déterminants. Ils ont d’une part une connaissance extrêmement approfondie de leur public cible et des tendances émergentes dans leur domaine, assimiler celle-ci étant un vrai gage de pertinence. Ce sont aussi des innovateurs naturels, qui repoussent constamment les limites de la créativité. Ils peuvent ainsi apporter des opportunités de différenciation aux marques qui se connectent à eux. J’ajouterai enfin que les consommateurs recherchent de plus en plus des marques authentiques, alignées sur leurs valeurs. Là encore, les créateurs de contenu peuvent énormément aider les marques à répondre à ces aspirations.
Ces créateurs de contenus sont souvent perçus comme des « influenceurs », que les marques pourraient éventuellement « acheter ». N’est-ce pas cela la plus grande erreur ?
En effet. Les marques doivent éviter de considérer les créateurs de contenu uniquement comme des canaux de marketing, car elles pourraient sous-estimer leur valeur en tant que partenaires stratégiques pour le développement de produits. De même, ignorer l’importance de l’engagement communautaire des créateurs de contenu pourrait priver les marques d’opportunités précieuses de connexion avec leur public cible, étant donné que ces créateurs ont souvent des communautés dévouées. Enfin, sous-estimer l’importance de la diversité et de l’inclusion dans le choix des créateurs pourrait limiter la portée et la crédibilité des campagnes. Intégrer ces éléments dans la stratégie de collaboration avec les créateurs permet aux marques de créer des partenariats plus authentiques et représentatifs contribuant ainsi à une société plus inclusive.
Les marques doivent éviter de considérer les créateurs de contenu uniquement comme des canaux de marketing, car elles pourraient sous-estimer leur valeur en tant que partenaires stratégiques pour le développement de produits.
Est-ce si simple de travailler avec ces créateurs de contenu ?
Non. Il y a un enjeu relationnel important, ne serait-ce que du fait qu’ils sont des talents. Ainsi, nous avons donc privilégiés des partenariats durables, en nous appuyant sur des process de communication et d’échange bien pensés. ?
De leur côté, les marques doivent également ne pas s’exposer au risque de voir leur propriété intellectuelle compromise lorsqu’elles partagent des idées ou des concepts. Là encore, cela plaide en faveur d’accords contractuels limpides et solides dès l’entrée des content creators dans un réseau dédiée à la recherche.
Quels points d’éclairage doivent se donner les marques pour exploiter au mieux l’opportunité de cette collaboration avec les créateurs de contenu ?
Pour les marques, il est crucial de prioriser certains aspects lors de la collaboration avec les créateurs de contenu pour l’intégration dans le développement de produits. Cela inclut une compréhension approfondie du public cible pour choisir les créateurs pertinents, des partenariats stratégiques alignés avec l’image de marque, et la protection de la propriété intellectuelle via des accords solides. Mesurer l’impact et le ROI de ces collaborations est essentiel, tout comme la gestion proactive des risques de réputation. En concentrant leurs efforts sur ces aspects clés, les marques peuvent optimiser leurs collaborations et renforcer leur positionnement sur le marché.
Pour les marques, il est crucial de prioriser certains aspects lors de la collaboration avec les créateurs de contenu pour l’intégration dans le développement de produits.
Plus largement, quelles études doivent être privilégiées ?
Les démarches qualitatitives peuvent apporter beaucoup de valeur ajoutée. Les marques ont notamment latitude à organiser des groupes de discussion, de co-création en ligne avec les créateurs de contenu pour discuter en profondeur de sujets spécifiques liés à leurs offres ou leur domaine d’activité. Elles sont complétées par des études d’observation. Analyser la façon dont ces créateurs utilisent les produits dans leur environnement naturel est très fertile en enseignements, en particulier pour bien identifier leurs points forts et leurs limites.
C’est l’outil idéal pour se procurer des perspectives uniques et des idées réellement innovantes, que ce soit pour optimiser leurs produits ou en imaginer de nouveaux. Des approches en one-to-one via des interviews individuelles sont également fort utiles pour explorer en détail leurs expériences, leurs opinions et préférences. Elles sont souvent très riches en termes d’insights.
Les marques peuvent aller un cran plus loin en faisant tester leurs nouveaux produits ou des prototypes, et pouvoir ainsi recueillir de précieux éclairages sur les optimisations possibles avant lancement. Dans une logique différente, elles peuvent collecter des témoignages des créateurs de contenu lorsque leur expérience est particulièrement positive. Ils constituent alors des indices puissants pour renforcer leur crédibilité auprès de leurs cibles.
Les marques peuvent aller un cran plus loin en faisant tester leurs nouveaux produits ou des prototypes, et pouvoir ainsi recueillir de précieux éclairages sur les optimisations possibles avant lancement.
Pouvez-vous citer quelques marques avec lesquelles vous avez travaillé dans cette logique de co-construction avec les créateurs de contenus ?
Nous accompagnons les grands groupes de cosmétiques dans le monde entier sur une très large variété de sujets, au sein d’un club que nous avons pris l’initiative de créer, le Social Wire Club. Dans le cadre de celui-ci, nous avons élaboré une approche originale de la co-création de produits qui associe les créateurs de contenu dès les premières étapes des processus de développement. Celle-ci repose sur trois piliers fondamentaux, que nous dénommons le Quoi, le Comment, et le Pourquoi.
Le point de départ est que les produits et concepts soient directement testés par les créateurs, leurs perceptions étant captées via une série de questionnaires et de vidéos. On bénéficie ainsi au plus tôt d’insights précieux, nourris par cette immersion expérientielle. Grâce au réseau de macro, micro et nano-influenceurs que nous avons constitué principalement en Chine, aux États-Unis et en Europe, les réponses et les vidéos sont analysées de façon plus approfondie par l’équipe de Social Wire. Cette étape permet de dégager des tendances, les points forts et les opportunités d’optimisation des produits. Nous complétons la vision avec les idées d’activation que nous proposent les créateurs de contenus, et dont on sait qu’elles ont les meilleures chances de résonner avec le public cible.
Dans le cadre du Social Wire Club que nous avons pris l’initiative de créer, nous avons élaboré une approche originale de la co-création de produits qui associe les créateurs de contenu dès les premières étapes des processus de développement.
Cette approche de co-construction avec les créateurs de contenus peut-elle être déployée sur d’autres problématiques que les tests de produits ?
Oui, tout à fait. Nous l’avons fait très récemment sur un enjeu de création de récit pour une marque de cosmétique. Celle-ci souhaitait explorer un thème très très riche, celui du sentiment amoureux. Nous avons dans un premier temps fait se réunir 10 créateurs de contenu, pour qu’ils puissent discuter de leur relation à l’amour aujourd’hui, ce qui a apporté beaucoup d’insights. Puis, dans un second temps, nous avons testé auprès d’eux différentes notes de parfums et leur avons demandé de créer un univers autour de celles-ci, avec un moodboard, des personas et un film aspirationnel, pour pouvoir ainsi construire une immersion complète.
Une dernière question enfin : ce mode d’intervention est-il applicable à d’autres catégories de produits ou de services ? Et si oui lesquelles ?
Absolument. Le secteur des services s’y prête plus difficilement, mais pour ce qui est des produits, le spectre est extrêmement large. Dans le domaine de l’automobile par exemple ou encore pour le Food, sur lequel nous venons de créer une verticale, en collaborant avec Nestlé en particulier. Cela ouvre des chantiers passionnants, notamment pour travailler l’innovation et développer les concepts et les produits en phase avec les attentes de la Génération Z, avec les codes susceptibles de les séduire.
POUR ACTION
• Echanger avec les interviewées : @ Laurent Delbecq