Lancement du KnowledgePanel d'Ipsos en france

« Le KnowledgePanel ouvre des perspectives tant sur les enjeux de représentativité des études que d’inclusion » – Interview de Christophe David et Farah El Malti (Ipsos France)

17 Mar. 2023

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Ipsos en France a annoncé il y a quelques semaines le lancement de KnowledgePanel, défini comme étant un des plus grands panels « probabilistes » en ligne en Europe. Mais que recouvre concrètement ce terme ? Pourquoi cette initiative ? Pour qui et pour offrir quels avantages ? Et quels sont les partis-pris clés d’Ipsos dans cette démarche ? Ce sont les questions auxquelles répondent Christophe David, Directeur de Service Line – Public Affairs Statistique Publique chez Ipsos en France et Farah El Malti, Directrice de Clientèle en charge du KnowledgePanel d’Ipsos en France.

MRNews : Ipsos en France a annoncé le lancement d’un nouveau panel : le KnowledgePanel. Pourquoi cette initiative ?

Christophe David (Ipsos) : La réflexion est née du constat d’un manque. Pour schématiser, 4 modes de recueil existent pour réaliser des enquêtes : le postal, même s’il pèse très peu aujourd’hui, le téléphone, le face-à-face et bien sûr internet. Et, par ailleurs, nous avons à notre disposition 3 grandes méthodologies. On peut s’appuyer sur des fichiers clients, des quotas, ou bien encore utiliser des méthodes probabilistes. Il est possible de mener des études sur fichiers avec tous les modes de recueil. Idem pour les études sur le principe des quotas. En revanche, pour les enquêtes probabilistes, il n’y avait pas d’autres options que de procéder en offline. Il n’existe pas une base exhaustive, une sorte d’immense urne virtuelle dans laquelle on tirerait aléatoirement des adresses mails, à l’exemple ce qui peut être fait pour le téléphone. Ipsos a donc considéré l’intérêt de compléter son offre par un panel probabiliste. Ce qui n’est pas une décision simple, ce genre de dispositif étant coûteux à mettre en œuvre.

« Il n’existe pas une base exhaustive, une sorte d’immense urne virtuelle dans laquelle on tirerait aléatoirement des adresses mails, à l’exemple ce qui peut être fait pour le téléphone. Ipsos a donc considéré l’intérêt de compléter son offre par un panel probabiliste. »

Farah El Malti (Ipsos) : Ipsos a naturellement mené cette réflexion au niveau mondial. Nous avons d’abord lancé cette solution aux États-Unis, il y a déjà maintenant pas mal d’années, puis en Angleterre, dans des contextes très différents du nôtre. Et nous venons en effet de prendre l’initiative de créer cet outil pour la France et de le déployer en Europe, pour l’instant en Italie, Suède, Pologne, Croatie, Espagne et bientôt Hollande et Allemagne.

Quels sont vos partis-pris clés dans l’élaboration de ce panel ?

CD : Les panels online sont aujourd’hui massivement utilisés, ce sont des dispositifs qui répondent à énormément de problématiques. Mais ils ont aussi leurs limites, comme tout mode de recueil. Ce qui nourrit des critiques, en particulier sur le fait qu’ils ne permettent pas de toucher toutes les catégories de population. Avec eux, par définition, on ne peut pas interroger les personnes peu à l’aise avec les outils numériques. Or celles-ci sont nombreuses, ce phénomène d’illectronisme concernant environ 15% des Français. Et cette population est assez « marquée » d’un point de vue socio-démographique. Avec une sur-représentation des individus les plus âgés, à faible niveau d’études, et vivant dans les conditions économiques parmi les plus modestes. Si l’on vise une très forte représentativité, il faut donc faire appel à d’autres solutions que celle des panels online. C’est précisément la vocation de ce panel probabiliste que de permettre d’interroger toutes les catégories de personnes, y compris celles concernées par l’illectronisme. 

« Si l’on vise une très forte représentativité, il faut (donc) faire appel à d’autres solutions que celle des panels online. C’est précisément la vocation de ce panel probabiliste que de permettre d’interroger toutes les catégories de personnes, y compris celles concernées par l’illectronisme ». 

Nous avons aujourd’hui 6000 participants en France, l’objectif étant d’atteindre le seuil des 15000 panélistes à début 2024.

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En pratique, comment constituez-vous le panel ? Quel est le « deal » passé avec les participants ?

FEM : 100% du recrutement se fait par téléphone. Nous proposons aux personnes contactées ainsi de faire partie du panel, en s’adaptant à elles. C’est-à-dire que par la suite, nous les solliciterons en employant le média le plus pertinent pour elles. En pratique, nous utiliserons le online dans plus de 80% des cas, cette option présentant beaucoup d’avantages. C’est la plus simple notamment pour administrer un certain nombre de questions, la plus rapide, et cela correspond bien aux usages d’une très large part de la population. Mais nous interrogerons les autres personnes par téléphone. Il s’agit donc d’une approche multimodale. C’est plus long, c’est plus couteux, mais c’est la meilleure option pour inclure tout le monde.

« 100% du recrutement se fait par téléphone. Nous proposons aux personnes contactées ainsi de faire partie du panel, en s’adaptant à elles. C’est-à-dire que par la suite, nous les solliciterons en employant le média le plus pertinent pour elles. »

CD : Le dédommagement alloué aux participants est défini en fonction d’un équilibre qu’il importe de bien calibrer. Il est logique que les personnes reçoivent une forme de compensation, mais encore faut-il qu’ils restent eux-mêmes dans leurs réponses. Cette compensation ne doit donc pas être trop importante. Nous accordons aussi beaucoup d’attention au choix des sujets. Les thématiques doivent être suffisamment impliquantes et variées pour qu’il n’y ait pas d’effet d’usure ou de professionalisation. 

« Nous accordons beaucoup d’attention au choix des sujets. Les thématiques doivent être suffisamment impliquantes et variées pour qu’il n’y ait pas d’effet d’usure ou de professionalisation. « 

Le bon vieux téléphone conserve ainsi un intérêt majeur en tant qu’outil de recueil…

CD : Absolument. Nous devons préciser que nous avons chez Ipsos une grande expérience des enquêtes probabilistes. Nous sommes le premier institut partenaire de la statistique publique en France. Nous réalisons notamment les baromètres Santé depuis plus de 10 ans de Santé Public France, avec qui nous avons un marché-cadre pour mener toutes leurs enquêtes probabilistes. Et nous travaillons avec tous les directions études et statistiques de tous les ministères, tous les cabinets de recherche, l’INSERM, l’Ined… Nous travaillons sur des dispositifs importants, des études complexes et des approches multimodes qui sont de plus en plus la norme. Et sommes très régulièrement en contact avec les équipes de l’Insee qui sont les références en méthodes probabilistes.

FEM : L’équilibre des appels sur mobile et sur fixe est 70/30, c’est celui que nous utilisons avec Santé Publique France. Nous générons aléatoirement des numéros de téléphone, 500 millions pour le fixe et 200 millions sur le mobile. Et retirons de cette base ceux dont les racines n’ont pas encore été « attribuées », par l’ARCEP*.

Les avantages clés, ce sont donc la représentativité, la représentativité, et la représentativité !?

CD : C’est clairement le premier avantage. Nous avons évoqué le plus ou moins grand degré d’aisance des individus avec les outils numériques. Mais d’autres facteurs interviennent. Via les panels classiques, les gens sont plutôt acteurs. Ils sont moteurs pour participer, donner leur avis. Dans le cadre de ce panel probabiliste, ils ne demandent rien, c’est nous qui venons les chercher en quelque sorte. C’est ce qui nous permet aussi, au-delà des considérations de catégories socio-démographiques, d’inclure toutes les populations. Y compris des gens qui habituellement ne s’expriment pas. Bien sûr, il y aura toujours des individus moins enclins que d’autres à répondre. Les jeunes notamment, ou les personnes les plus âgées, qui ont envie d’être tranquilles. Mais nous nous donnons néanmoins les meilleures conditions pour les atteindre et les intégrer.

« Dans le cadre de ce panel probabiliste, les gens ne demandent rien, c’est nous qui venons les chercher en quelque sorte. C’est ce qui nous permet aussi, au-delà des considérations de catégories socio-démographiques, d’inclure toutes les populations. Y compris des personnes qui habituellement ne s’expriment pas. »

FEM : Cet avantage de représentativité est très important pour réaliser des études dites longitudinales. Sur des problématiques de santé pour réaliser des enquêtes de prévalence par exemple. Ou bien pour mener des analyses dans le domaine de la formation. La stabilité dans le temps permet de faire des suivis rigoureux.

Ces avantages intéressent fortement les organismes que vous avez cités, les acteurs de la santé ou de la formation notamment, qui font partie de la sphère publique. Peuvent-ils concerner d’autres clients ?

CD : Oui, c’est pour nous une évidence. Les enquêtes probabilistes sont traditionnellement longues et couteuses, surtout en comparaison avec les études online. Ces freins sont dissuasifs pour certains annonceurs. Mais le KnowledgePanel réouvre la porte à ceux-ci. Nous pouvons aller plus vite et proposer des budgets bien inférieurs à ceux d’une étude probabiliste ad hoc, puisqu’il est possible d’amortir une part substantielle des dépenses, en particulier celles liées à la constitution de l’échantillon probabiliste. 

« Nous pouvons aller plus vite et proposer des budgets bien inférieurs à ceux d’une étude probabiliste ad hoc, puisqu’il est possible d’amortir une part substantielle des dépenses, en particulier celles liées à la constitution de l’échantillon probabiliste ». 

FEM : Pour une étude de 1000 cas, on peut tabler sur des durées de terrain de deux semaines. C’est plus qu’une approche online, qui peut être menée sur quelques jours. Mais c’est aussi  beaucoup plus rapide que des investigations probabilistes classiques, au téléphone ou à fortiori en face à face. Et bien moins couteux. Et c’est donc intéressant pour tous les annonceurs qui ont un fort souci de représentativité des échantillons. Notamment lorsqu’il y a besoin d’études de cadrage, pour bien connaitre la pénétration d’un équipement ou l’incidence d’un usage. Ou pour travailler sur des cibles relativement difficiles à investiguer via le online. C’est le cas dans les univers de la distribution, ou de la banque par exemple.

Une dernière question enfin, quelles sont les ambitions associées à ce panel ? Vous avez évoqué l’objectif des 15000 inscrits en France à début 2024. Quelle est la visée économique à moyen terme ?

CD : Les premiers échanges sont très encourageants, nos interlocuteurs étant soucieux d’avoir les meilleures garanties possibles de représentativité de leurs études, mais aussi de maitriser les délais et les coûts. Le fait que nous disposions d’ores et déjà d’une base de 6000 inscrits génère de l’intérêt, la visée des 15000 renforce encore celui-ci. La perspective d’une dimension européenne — avec l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne — reçoit un accueil très favorable. Par ailleurs, la solution a été déployée aux Etats-Unis en 1999 et en Angleterre en 2020. Et ces expériences font que nous sommes confiants. Nous pensons néanmoins que le développement se fera progressivement. Notamment parce que cela change les habitudes qui se sont ancrées avec les dispositifs de recueils les plus usités aujourd’hui. Il faut faire un travail de pédagogie sur l’intérêt de ces méthodes probabilistes en France, ou l’aléatoire n’est pas la référence contrairement à ce que l’on voit dans les pays anglo-saxons.

Ipsos doit naturellement veiller à des équilibres économiques. Nous ne voulons cependant pas nous assigner des objectifs trop ambitieux trop tôt. Disons-le, il y a une forme de volontarisme de notre part. Nous proposons une démarche alternative, qui restera bien sûr complémentaire aux autres pour répondre à ce besoin de représentativité que nous avons évoqué. Mais nous faisons également le pari d’une approche plus inclusive. Pour faire en sorte que le micro ne soit pas tendu uniquement vers des personnes spontanément enclines à partager leur avis. Nous voulons aussi donner plus de possibilités de s’exprimer à certaines populations, souvent silencieuses, mais certainement pas marginales.

« Disons-le, il y a une forme de volontarisme de notre part. Nous proposons une démarche alternative, qui restera bien sûr complémentaire aux autres pour répondre à ce besoin de représentativité que nous avons évoqué. Mais nous faisons également le pari d’une approche plus inclusive. « 

* Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse


 POUR ACTION 

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