# Social listening : best practices et pièges à éviter (volet 2)
Virginie Barbieri, directrice générale de Semantiweb

"Pratiquer le social listening, c’est faire le pari de la curiosité !"

Virginie Barbieri
Directrice Générale de Semantiweb

21 Déc. 2022

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Avec une histoire entrepreneuriale particulièrement originale, Semantiweb fait partie des « pure players » et des pionniers de l’usage du social listening à des fins d’études marketing ou de branding. Virginie Barbieri, qui a co-fondé la société avec Sonia Lecommandoux, évoque la philosophie et les partis-pris qui guident leur pratique de ces approches, ainsi que des cas illustrant leur valeur ajoutée spécifique, que ce soit dans l’univers des services ou des FMCG. 

MRNews : Le parcours qui vous a menés au social listening n’est pas celui d’un institut d’études. Pouvez-vous le rappeler en quelques mots ?

Virginie Barbieri (Semantiweb) : À l’origine, après une dizaine d’années passées dans des fonctions marketing chez l’annonceur, Sonia (Lecommandoux) et moi avons créé un site d’agrégation de témoignages consommateurs dont l’objectif était le partage d’expériences en fonction des centres d’intérêt ou des problématiques de vie : décrocher un nouveau job, être harcelé sur son lieu de travail, se débrouiller seule avec trois enfants à la maison… C’était en 2008, les réseaux sociaux en étaient encore à leurs balbutiements et les conversations étaient principalement sur les blogs et les forums. Grâce à ce projet, nous avons acquis un savoir-faire spécifique à la fois pour agréger les conversations provenant de différents sites, mais aussi pour les structurer en fonction des sujets abordés et du profil des auteurs. Le modèle BTOC n’a pas fonctionné mais avec notre background marketing, qui incluait une forte culture de la connaissance clients, nous nous sommes dit qu’il y avait là une mine d’or pour qui saurait exploiter cette donnée… notamment pour les marques, très présentes dans les conversations… 

D’où l’idée de proposer des études en s’appuyant sur ce savoir-faire ?

Exactement. Nous avons réalisé un premier projet pour la SNCF. Puis répondu à un appel d’offres lancé par L’Oréal, qui cherchait à mieux comprendre pourquoi le marché du soin de la peau était à ce moment-là en décroissance. Nous étions en compétition avec un des plus gros instituts d’études français et un des spécialistes de l’e-réputation. Mais notre approche mêlant quanti et quali a séduit la marque, qui nous a fait confiance. C’est ainsi que nous avons switché vers le Social Media Listening, en 2011. 

Ce « move » est intervenu dans un contexte de très forte croissance des volumes de conversations avec l’explosion des réseaux sociaux. Les marques ont commencé à prendre conscience de l’inversion du rapport de force dans la maîtrise de leur image et ont compris qu’elles ne pouvaient plus se limiter aux études traditionnelles quanti et quali classiques et qu’elles devaient intégrer ce nouveau phénomène. Aujourd’hui le social listening est devenu de manière incontestée un nouveau type d’étude, complémentaire aux études quali et quanti classiques. 

Quels sont vos partis-pris les plus essentiels ?

Les spécialistes de l’e-réputation étaient omniprésents dans le développement du marché. Leur logique consistait à récupérer le plus grand nombre de données possible en temps réel, et de permettre l’accès à ces données depuis une plate-forme. Cela permettait notamment aux équipes de détecter des bad-buzz, et de gérer d’éventuelles crises… Mais elles se retrouvaient noyées sous un volume d’informations considérables et peu structurées ; l’analyse était complexe à réaliser avec les outils existants. 

Aujourd’hui, les choses ont évolué et bien sûr, la collecte des données reste incontournable, mais elle est devenue une commodité. Pour les annonceurs, la différence et la valeur se créent d’abord et avant tout dans l’interprétation de celles-ci, dans l’analyse. Et donc dans le processus et l’intelligence marketing permettant de transformer ce big data en smart ideas, pour reprendre notre signature. 

Le challenge clé porte clairement sur la structuration des données. Notre conviction est que la structuration ne doit pas être standardisée, mais plutôt personnalisée selon les enjeux de l’entreprise, mais aussi les spécificités de son secteur d’activité. Nous y avons travaillé en nous appuyant sur notre expérience et en intégrant ainsi les concepts fondamentaux du marketing. Les typologies de marque et de produits, les notions de recommandation, de déconsommation, de prix et plus largement toutes les variables du mix sont présentes dans la façon dont nous structurons les données. Nous avons aussi systématiquement créé des thésaurus sectoriels et qualifié les audiences. C’est un point clé pour analyser, procéder à des benchmarks, et pouvoir suivre les évolutions.

Le challenge clé porte clairement sur la structuration des données. Notre conviction est que la structuration ne doit pas être standardisée, mais plutôt personnalisée selon les enjeux de l’entreprise, mais aussi les spécificités de son secteur d’activité. Nous y avons travaillé en nous appuyant sur notre expérience et en intégrant ainsi les concepts fondamentaux du marketing.

Comment ces partis-pris se traduisent-ils dans l’activité au quotidien ?

Ils sont tout simplement gravés dans nos process de production et d’analyse. Nous attachons une importance capitale à la précision de ceux-ci et à la rigueur avec lesquels ils sont mis en œuvre. C’est une condition essentielle pour pouvoir délivrer des éclairages et des recommandations pertinents pour nos clients. Nos partis-pris se retrouvent également dans le profil de nos équipes. Dans un univers dominé par la culture des ingénieurs, nous avons fait le choix de recruter des hommes et des femmes de marketing, à même de parfaitement saisir les enjeux de nos interlocuteurs dans les entreprises. C’est l’un de nos principaux atouts distinctifs sur le marché.

Dans un univers dominé par la culture des ingénieurs, nous avons fait le choix de recruter des hommes et des femmes de marketing, à même de parfaitement saisir les enjeux de nos interlocuteurs dans les entreprises. C’est l’un de nos principaux atouts distinctifs sur le marché.

Passons aux exemples, aux cas pratiques. Lesquels citeriez-vous pour illustrer la valeur ajoutée spécifique du Social Listening ?

Le premier est une étude menée pour Danone. Nos interlocuteurs nous avaient demandé d’explorer la catégorie des goûters pour enfants, avec un focus sur les petits yaourts à boire (Danonino). Nous avons découvert que, côté consommateurs, le produit qu’ils identifiaient le plus comme une alternative possible à Danonino était Pom’Potes. Cela tenait en bonne partie au packaging de ce produit, particulièrement adapté pour un goûter que les enfants prennent souvent en dehors du domicile. Cela constituait une vraie surprise pour les équipes de la marque, les deux produits ne relevant pas du même rayon. Mais cet éclairage les a amenés à repenser leur Danonino, avec une présentation sous forme de gourde. C’est un exemple qui illustre bien un des grands avantages du social listening, qui est de partir de la vision des consommateurs pour s’affranchir des idées reçues ou des silos d’une organisation, et avoir une compréhension du marché plus juste, plus « consumer-centric »

(…) Un des grands avantages du social listening est de partir de la vision des consommateurs pour s’affranchir des idées reçues ou des silos d’une organisation, et avoir une compréhension du marché plus juste, plus « consumer-centric »

La SNCF, qui a toujours eu une culture consommateurs très forte, a intégré depuis longtemps des dispositifs de social listening avec Semantiweb. Par exemple pour suivre en temps réel la perception des nouveaux portiques d’accès aux quais par les usagers ou encore pour mieux traiter des sujets stratégiques comme la perception des tarifs TGV.

Et c’est avec les équipes SNCF que nous avons développé notre première « consumer room ». Une plateforme qui agrége et réconcilie la voix du client quels que soient les points de contacts (online et offline)  et autour des problématiques clés de l’entreprise. Elle présente une vision consolidée des points de satisfaction, des irritants clients etc….  et permet ainsi leur monitoring dans le temps.

Voyez-vous d’autres cas d’application pour les entreprises ?

Certaines marques cherchent à créer des communautés de fans autour de leur marque. Or c’est très difficile. Dans la vraie vie, les gens appartiennent à des communautés déjà existantes , autour d’une passion commune, d’un centre d’intérêt. Nous avons développé une méthodologie unique pour les aider à trouver les communautés les plus en affinité naturelle avec elles. Si on prend l’exemple d’une marque ayant un fort ancrage sur le territoire de la convivialité, nous identifions les communautés les plus associées à cette valeur. Une fois celles-ci appréhendées, nous pouvons les incarner, préciser où elles se retrouvent, ce qui les fédère et leurs sources d’influence. Nous pouvons même définir les égéries les plus pertinentes pour leur parler. Nous donnons ainsi à la marque les clés lui permettant de toucher ces communautés et de rayonner auprès d’elles, avec les partenariats les plus adaptés. Cela génère ce qu’on appelle aujourd’hui de l’advocacy i.e de la recommandation naturelle susceptible de se diffuser plus largement et avec plus d’affinité.

Quel est l’ordre de grandeur quant au budget à prévoir pour ce type d’études ?

La fourchette est extrêmement variable en fonction des objectifs du client et du périmètre. Les budgets peuvent aller de 5K€ jusqu’à 100 K€ pour une analyse multi-pays. Mais pour un projet sur une catégorie de produits ou de services, le « panier moyen » est autour de 20k€.

Une dernière question enfin. Quels conseils vous semblent importants à respecter, côté annonceurs, pour bien exploiter cet outil du social média listening ?

Il y a un enjeu majeur autour du brief. Il ne doit pas y avoir le moindre doute sur les attendus du projet. Cela conditionne tout, à commencer par la nature de ce que nous collectons. Étudier une marque est un prisme d’analyse différent de l’analyse d’une catégorie de produits ou de services ou encore d’une cible. Il ne faut pas se tromper sur le champ à investiguer. C’est un point d’attention majeur pour nous. Et ce pourquoi nous mettons énormément de rigueur dans cette phase de définition des attendus, au travers d’un échange itératif avec nos interlocuteurs. Dans nos propositions, nous déterminons bien sûr le cadre dans lequel nous prévoyons de constituer le corpus. Mais au-delà de ça, nous formalisons aussi les questions clés auxquelles répondre. Quelles cibles, quels usages quelles offres veut-on couvrir. Si les équipes ont besoin d’avoir les illustrations postées par les consommateurs, il est nécessaire de l’anticiper dès le départ. 

Il y a un enjeu majeur autour du brief. Il ne doit pas y avoir le moindre doute sur les attendus du projet. Cela conditionne tout, à commencer par la nature de ce que nous collectons.

J’ajouterai un point qui me semble également clé : lancer un projet de social média listening, c’est signer un contrat de curiosité. Il faut impérativement accepter d’être surpris, accepter que le consommateur remette en cause des choses établies pour l’entreprise car c’est là que se trouvent les besoins non couverts et donc les futures innovations ! 


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé : @ Virginie Barbieri

  • Retrouver les points de vue des autres intervenants du dossier 

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