Communautés et etudes marketing : le cas Generali & Moi

Communautés et études marketing #1 : le cas Generali & Moi – Interview de Delphine Gras (Generali France) et Béatrice Maccario (Krealinks)

3 Oct. 2022

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Les Communautés online à des fins d’études font partie des outils dont la pénétration a explosé en l’espace d’une dizaine d’années, avec un manifeste effet accélérateur de la crise du Covid-19. Mais, aussi puissant soit-il, son bon usage n’est pas évident. Et certaines équipes côté annonceurs se posent bien légitimement des questions, tant sur l’opportunité de l’adopter que sur le modus operandi. Pour répondre à ces interrogations, identifier les best practices et les pièges à éviter, rien de tel que des exemples. C’est ce que nous vous proposons avec un premier cas, celui de la communauté Generali & Moi, qui compte aujourd’hui un peu plus de 1600 membres, avec l’interview croisée de Delphine Gras (Responsable Études chez Generali France) et Béatrice Maccario (Deputy CEO et co-fondatrice de Krealinks)

MRNews : Vous avez mis en place il y a maintenant 5 ans pour Generali France une communauté à fin d’études, Generali et moi. Comment est née cette initiative ? Et le démarrage a-t-il été facile ?

Delphine Gras (Generali France) : L’idée est ressortie d’un hackathon que Generali avait organisé avec une centaine de jeunes collaborateurs. Notre Comex l’a immédiatement priorisée. Il a jugé que c’était une bonne façon d’assurer la présence des clients dans les décisions de l’entreprise. Le projet a rapidement été confié aux Études et nous nous sommes interrogés sur les contours de cette communauté et les conditions pratiques pour bien l’exploiter.

L’idée est ressortie d’un hackathon que Generali avait organisé avec une centaine de jeunes collaborateurs. Notre Comex l’a immédiatement priorisée. Il a jugé que c’était une bonne façon d’assurer la présence des clients dans les décisions de l’entreprise.

Delphine Gras (Generali France)

Les communautés, c’était quelque chose de complètement nouveau pour moi. Je n’en avais aucune expérience, même après une quinzaine d’années en instituts. Nous avons alors lancé un appel d’offres. J’ai été rassurée par ce que proposait Krealinks, en particulier par sa capacité à apporter une réelle expertise Études dans ce type de démarche, avec la rigueur que cela suppose. 

Comment de votre côté avez-vous vécu ce lancement ?

Béatrice Maccario (Krealinks) : Nous avons monté le dispositif pas à pas avec Generali et Delphine. Avec une approche assez classique, notamment sur l’aspect recrutement. Il fallait s’assurer que le profil de cette communauté soit assez proche de celui des clients, dont la moyenne d’âge est relativement élevée. Et faire en sorte que les membres comprennent bien ce que l’on attendait d’eux, qu’il n’y ait pas de malentendu. Nous avons beaucoup échangé avec Delphine sur le Community Management à adopter. Comment trouver les bons sujets, caler la bonne fréquence de sollicitation ? Cela fait partie des points essentiels pour réussir, Delphine y reviendra certainement. Il y avait aussi à l’époque une interrogation sur les incentives. Faut-il en donner ou pas ? Certains disaient non. Notre conviction à nous est qu’il faut le faire, il est normal de récompenser les membres. C’est une façon de montrer que leur opinion a de la valeur, et de générer ainsi un cercle vertueux. 

Nous avons monté le dispositif pas à pas avec Generali et Delphine (…). Il fallait s’assurer que le profil de cette communauté soit assez proche de celui des clients, dont la moyenne d’âge est relativement élevée. Et faire en sorte que les membres comprennent bien ce que l’on attendait d’eux, qu’il n’y ait pas de malentendu.

Béatrice Maccario (Krealinks)

Delphine Gras : Dans cette phase de lancement, Krealinks s’est chargé de la rédaction des guides et de l’animation… Nous nous sommes nous fortement concentrés sur la communication interne et la promotion de la communauté. Il y avait un travail important d’évangélisation, pour expliquer ce que nous pouvions faire avec celle-ci et comment. 

A l’issue de cette phase, vous avez pris l’option de mettre en place une équipe interne de Community Management… 

DG : Tout à fait, après six mois environ. Le lancement nous ayant rassurés, nous avons fait le pari d’être autonomes sur la rédaction des guides et l’animation. Au global, c’est un équivalent temps-plein qui travaille sur la communauté. En pratique, c’est un binôme entre moi qui ai un profil senior et un profil junior. Nous avons par ailleurs laissé tout le travail d’analyse à Krealinks, cette valeur ajoutée étant nettement plus difficile à internaliser. 

Le lancement nous ayant rassurés, nous avons fait le pari d’être autonomes sur la rédaction des guides et l’animation. Au global, c’est un équivalent temps-plein qui travaille sur la communauté.

Delphine Gras (Generali France)

BM : Une fois le dispositif sur les rails, notre rôle s’est modifié. Nous avons formé les community managers, en apportant les conseils et le support technique nécessaire. Mais, progressivement, l’équipe Generali est devenue complètement autonome sur la conception des guides d’animation et la modération. Nous avons gardé la gestion des récompenses et l’analyse des contenus. 

Ce mode d’organisation est-il assez classique avec vos clients ?

BM : Il y a une grande diversité de contextes et de besoins côté annonceurs. Certains préfèrent des solutions clés en main, éventuellement parce qu’ils ne disposent pas des ressources en interne. Dans ce cas, nous prenons en main l’ensemble des processus, avec si besoin l’aide de partenaires Études pour l’animation et l’analyse. Et nous assurons le pilotage avec nos interlocuteurs dans l’entreprise. Depuis deux ans environ, un bon nombre d’annonceurs sont tentés par l’idée de tout faire par eux-mêmes. Parfois, au bout de quelques mois ou années, ils s’appuient sur un free-lance ou une petite agence. Ce qui est marquant avec Generali, c’est le fait qu’il ait très vite opté pour l’internalisation du community management. Et cela me semble un très bon choix. Cela permet à l’équipe Études de s’approprier la communauté, mais aussi d’être en phase avec les clients internes tout en maitrisant parfaitement les processus.

Ce qui est marquant avec Generali, c’est le fait qu’il ait très vite opté pour l’internalisation du community management. Et cela me semble un très bon choix. Cela permet à l’équipe Études de s’approprier la communauté, mais aussi d’être en phase avec les clients internes tout en maitrisant parfaitement les processus.

Béatrice Maccario (Krealinks)

Une question peut soulever pas mal d’appréhension : comment identifier des thèmes de conversations qui mobilisent les membres de la communauté ? Quels ont été vos partis-pris ?

BM : En fait, le domaine de l’assurance est connecté à des sujets extrêmement impliquants pour les gens. Par exemple les accidents climatiques, avec les dégâts que cela peut causer. Mais aussi la dépendance, les soucis de succession. Et plein d’autres encore. En réalité, toute communauté peut mobiliser les membres sur des sujets sensibles pour eux. Les gens ont naturellement envie de partager ce qu’ils ont vécu ou leurs problèmes, d’autant qu’ils interviennent de façon anonyme, avec des pseudos. Ils se sentent en confiance pour le faire, et ce sont de vraies tranches de vie qui émergent ainsi, parfois assez émouvantes.

DG : C’était effectivement une de nos fortes craintes au démarrage. Certains nous le disaient, personne ne va vouloir parler d’assurance ! Et en réalité si, pour les raisons que vient d’évoquer Béatrice. Et sans doute aussi parce que nos community managers ne sont pas des techniciens de l’assurance. Nous traitons de ces sujets avec nos mots à nous. Tout cela fait que les gens ne nous parlent pas d’assurance, mais de leur vie, de leurs soucis. Quand ils sont confrontés au problème de la dépendance de leurs parents ou des obsèques, ils apprécient beaucoup de pouvoir échanger.

Toute communauté peut mobiliser les membres sur des sujets sensibles pour eux. Les gens ont naturellement envie de partager ce qu’ils ont vécu ou leurs problèmes, d’autant qu’ils interviennent de façon anonyme, avec des pseudos.

Béatrice Maccario (Krealinks)

A quelle fréquence lancez-vous de nouveaux sujets ?

DG : Nous essayons de nous en tenir au rythme d’un thème majeur par mois.  Les thèmes sont très variés, il y a un relatif équilibre entre des chantiers d’exploration des attentes et des tests de nouveaux services…  Le test d’un service permettant d’identifier les risques climatiques auxquels son habitation est exposée est révélateur de ce que l’on peut faire avec la communauté. Nous avons travaillé de façon itérative. Dans un premier temps, le sujet a été abordé avec un angle « quels sont les besoins en termes d’information et de prévention », puis dans un deuxième temps, nous leur avons fait tester une version beta du service digital avec une approche UX.

BM : Maintenir et entretenir le lien avec la communauté est une condition importante pour assurer la richesse des interactions et des insights sur la durée. Il faut veiller à ne pas être trop sporadique, quitte à proposer parfois des missions un peu ludiques. Même pendant des mois naturellement creux comme Juillet-Août, avec des jeux concours par exemple. Ils constituent une occasion d’échanges entre les membres ou avec l’équipe d’animation, et ont donc leur place.

Considérez-vous la communauté comme un vrai outil d’études, ou bien est-ce un dispositif complémentaire ? Et au service de quels clients internes ? 

DG : La communauté compte aujourd’hui un peu plus de plus de 1600 membres. C’est un nombre important. Tous ne participent pas à tous les sujets. Leur participation se fait en fonction de la nature des sujets et de leur disponibilité. Sur une campagne d’un mois, nous tablons plutôt sur 30 à 40 participants. En termes d’insights, c’est l’équivalent d’un ou deux focus groups. Et c’est dans cette logique que nous exploitons la communauté, pour des approches jusqu’ici très majoritairement qualitatives.

En termes d’insights, c’est l’équivalent d’un ou deux focus groups (par mois). Et c’est dans cette logique que nous exploitons la communauté, pour des approches jusqu’ici très majoritairement qualitatives.

Delphine Gras (Generali France)

Nos clients internes, les commanditaires des campagnes sont variés. Les chefs de produit sont très demandeurs. Nous sommes aussi sollicités par les équipes en charge du Digital, de l’innovation et la direction de la communication, etc.  

Si vous deviez faire le bilan de ce que vous a apporté cette communauté, quel serait-il ? Si c’était à refaire, prendriez-vous les mêmes options ? Et quels conseils donneriez-vous à vos homologues côté annonceurs ? 

DG : Mettre en place cette communauté nous a été bénéfique, cela me semble évident. Et ça l’a été dès les premiers mois. Cela nous a permis de mieux diffuser dans l’entreprise le réflexe de penser Clients, de les associer à nos réflexions. Lorsqu’ils ont une idée, pas mal de collaborateurs se disent « Tiens, on pourrait tester ça sur Generali & Moi ». Ils jugent que c’est une solution souple, rapide, économique. Bien sûr, il faut toujours composer avec des choix stratégiques et des contraintes. Mais au moins la parole des Clients est mieux entendue. 

Mettre en place cette communauté nous a été bénéfique, cela me semble évident. Et ça l’a été dès les premiers mois. Cela nous a permis de mieux diffuser dans l’entreprise le réflexe de penser Clients, de les associer à nos réflexions.

Delphine Gras (Generali France)

Nous avions des craintes au moment de lancer le projet. Celui d’avoir du mal à gérer la communauté dans la durée, à faire en sorte que les membres participent. Nous avions aussi l’appréhension que ceux-ci nous identifient comme une extension du Service Client. En fait non, tout s’est bien passé. Il y a un challenge dans l’animation de la communauté et la fidélisation des membres. Mais cela repose beaucoup sur de la discipline. Chaque interaction doit donner envie aux gens de revenir. Régulièrement, nous publions des infos sur l’avancée des projets auxquels ils ont contribué, ça y participe aussi.

Si je n’avais qu’un conseil, ce serait celui de commencer par des choses relativement simples. On peut sophistiquer par la suite. Nous avions par exemple imaginé que les commerciaux puissent participer au Community Management. L’idée était intéressante, mais je crois qu’elle aurait soulevé trop de difficultés pratiques et nous avons certainement bien fait d’y renoncer. 

Si je n’avais qu’un conseil, ce serait celui de commencer par des choses relativement simples. On peut sophistiquer par la suite.

Delphine Gras (Generali France)

BM : Delphine l’a mentionné, mais je pense qu’il faut souligner le caractère décisif de la phase de promotion et d’évangélisation qu’elle a menée. Chez Generali, il y a eu une impulsion de la direction générale. C’est bien sûr important. Mais les efforts consacrés par l’équipe Études pour faire connaitre l’outil ont énormément contribué à son succès. C’est ce qui fait que la communauté est vivante, sollicitée, active

Chez Generali, il y a eu une impulsion de la direction générale. C’est bien sûr important. Mais les efforts consacrés par l’équipe Études pour faire connaitre l’outil ont énormément contribué à son succès. C’est ce qui fait que la communauté est vivante, sollicitée, active.

Béatrice Maccario (Krealinks)

D’emblée, l’équipe a adopté un état d’esprit vertueux, en se projetant dans le long terme et en prenant le temps nécessaire pour bien faire les choses. Une fois la dynamique lancée, tout se passe bien, mais encore faut-il en amont bien mettre le dispositif sur les rails. Generali s’est approprié sa communauté. Ce n’est pas le fruit du hasard mais un résultat, obtenu suite à cet effort de promotion mais aussi grâce à des choix. Comme le fait d’intégrer le community management, ainsi que de « brander » la plateforme avec les codes de la société. J’ajouterais enfin qu’il y a une vraie attention consacrée au community management. Et, de fait, il est très qualitatif. Avec beaucoup de respect dans les échanges, un ton approprié, un style et une façon d’aborder les sujets qui sont très cohérents. Les membres ont mille autres choses à faire que de réagir sur une plateforme, il faut donc avoir les mots justes pour les solliciter. Au final, le fond — et les thèmes — constituent bien sûr une composante essentielle. Mais la forme compte tout autant, et Generali a de mon point de vue très bien travaillé sur l’un et l’autre.

D’emblée, l’équipe a adopté un état d’esprit vertueux, en se projetant dans le long terme et en prenant le temps nécessaire pour bien faire les choses. Une fois la dynamique lancée, tout se passe bien, mais encore faut-il en amont bien mettre le dispositif sur les rails (…). J’ajouterais enfin qu’il y a une vraie attention consacrée au community management (…). Le fond — et les thèmes — constituent bien sûr une composante essentielle. Mais la forme compte tout autant !

Béatrice Maccario (Krealinks)

 POUR ACTION 

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