Interview de Selim Messaï, responsable Consumer & Market Intelligence d’Ecotone

« Découvrir des vérités profondes sur les consommateurs est un plaisir addictif ! » – Interview micro-portrait de Selim Messaï, responsable Consumer & Market Intelligence d’Ecotone

3 Mai. 2021

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Il y a mille et une façons de jouer la partition de « market researcher », que ce soit en institut ou chez l’annonceur. En tenant compte des environnements dans lesquels on évolue, de ses compétences et de sa personnalité. Mais sans doute le plaisir de découvrir des vérités profondes sur les consommateurs reste encore et toujours LE dénominateur commun de tous ceux qui exercent cette fonction. Et c’est bien le « carburant » de Selim Messaï, responsable du pôle Consumer and Market Intelligence du groupe Ecotone (Bjorg, Alter Eco, Clipper,…), qui répond à son tour aux traditionnelles questions de notre série de « micro-portraits »

MRNews : Vous dirigez le pôle Consumer and Market Intelligence d’Ecotone. En quoi consiste votre fonction ? 

Selim Messaï : Je suis responsable d’une entité dont la vocation est de connaitre et comprendre les marchés et les consommateurs. Le nom de notre groupe a une faible notoriété auprès du grand public, mais nous sommes aujourd’hui le leader de l’alimentation bio en France et en Europe. Avec des marques comme Bjorg, Alter Eco, Clipper, Bonneterre et une douzaine d’autres. Mon rôle est d’éclairer la prise de décision au côté des business leaders, au niveau global et dans les 6 pays où nous sommes présents. Il consiste aussi à inspirer les équipes marketing et à détecter de nouvelles opportunités de croissance, en utilisant nos connaissances des marchés et de leur dynamique.

Nous nous focalisons beaucoup sur les enjeux d’innovation, ce qui est logique compte tenu de notre position de leader et des attentes que cela suscite. Et sur les questions de branding, la place du bio aujourd’hui dans la société et dans la consommation exigeant d’avoir des marques fortes.

Quelle est votre formation, et quelles sont les grandes lignes de votre parcours ?

Je suis diplômé d’une école de commerce, l’EDHEC (Bachelor), et titulaire d’un master en marketing, suivi à Paris 12. J’ai eu la chance de démarrer ma vie professionnelle à une époque ou signer un CDI ne relevait pas du parcours du combattant. J’ai été embauché par TNS Sofres suite à mon stage de fin d’études. Puis j’ai travaillé plus de 7 ans chez Ipsos France, avant de rejoindre Opinion Way. Après un peu plus de 10 ans côté institut, j’ai intégré le groupe Ferrero en tant que responsable CMI en France. J’y suis resté trois ans. Et je suis enfin arrivé chez Ecotone il y a un an. 

Passer de l’institut à l’annonceur était une décision murie ? 

Je n’avais pas un plan de carrière bien précis en tête. J’ai un esprit analytique, je suis curieux. Quand j’ai découvert ce qu’était un institut d’études, cela m’a paru très naturel d’évoluer dans ce monde-là. Ensuite, ce sont surtout des rencontres qui ont orienté mon parcours. Il y a un fil rouge évident, celui de mon très vif intérêt pour l’univers des FMCG, et en particulier pour l’alimentaire. Trois questions m’ont jusqu’ici beaucoup aidé à faire des choix … Est-ce que je vais apprendre quelque chose ? Est-ce que je vais être utile ? Et est-ce que je suis en phase avec la vision de la société et de ses dirigeants ? Je n’avais donc pas prémédité mon passage chez l’annonceur. Pendant des années, en institut, j’ai pris beaucoup de plaisir à « jongler » avec beaucoup de problématiques et de clients différents. Je montais des projets pour répondre à des briefs, j’essayais de raconter de belles histoires sur ce que j’avais appris des consommateurs… Mais je ne savais pas bien à quelles actions cela menait in fine, ce qui me paraissait de plus en plus frustrant. Du coup, lorsque s’est présentée l’opportunité d’intégrer Ferrero et d’être ainsi plus au cœur de la matrice, je l’ai saisie. 

Selim Messaï, responsable Consumer & Market Intelligence d’Ecotone

Qu’est-ce qui a déclenché votre intérêt pour les études marketing ?

Il est venu suite à des interventions auxquelles j’ai assisté, en Master à Paris 12. Au début de ma formation, j’avais le sentiment que le marketing relevait surtout du bon sens, alors que la technicité était plus évidente dans d’autres domaines, comme la finance par exemple. Je ne me projetais pas dans une fonction de chef de produit. Les études de marché m’ont attiré parce qu’elles mettent au centre ce qui m’intéresse le plus : comprendre les gens. Pourquoi se comportent-ils de telle ou telle manière en tant que shopper, citoyen ou consommateur ? C’est souvent un challenge de bien répondre à ces questions. Cela suppose aussi de maitriser certaines techniques. C’est ce que j’ai découvert avec des interventions comme celle de Maurice Benguigui, qui a eu plus tard un rôle essentiel pour moi. Il m’a aidé à trouver un stage en institut, ce qui m’a confirmé que j’étais fait pour ce métier. Il m’a aussi appris que l’on pouvait travailler sérieusement, professionnellement, sans pour autant se prendre au sérieux. Cela me semble important de pouvoir incarner cela à mon tour .

D’autres rencontres ont fortement compté dans votre parcours ?

Oui. Je crois beaucoup à la notion de momentum. Les rencontres importantes se font à des moments où l’on a besoin d’évoluer. Je citerais notamment Claudine Brulé, aujourd’hui directrice de pôle chez CSA, et avec qui j’ai travaillé au sein d’Ipsos. Elle m’a beaucoup apporté. C’est une personne extrêmement dynamique, dont l’énergie est contagieuse !

Pourquoi cette attirance pour l’univers du « food » ?

J’ai l’impression que l’alimentation fait partie de ce qu’il y a plus central dans la vie des gens. Dans les réunions de groupe, les consommateurs sont intarissables sur le sujet. Cela n’a rien d’anodin, surtout en France. C’est du plaisir — parfois régressif —, du partage, de la transmission. Et c’est un marqueur exceptionnel des évolutions de la société. En apparence, c’est le quotidien ; et en réalité c’est d’une richesse extraordinaire. 

Qu’est-ce qui vous procure le plus de plaisir dans cette fonction ?

C’est un plaisir addictif de découvrir des vérités profondes sur les consommateurs. Et de pouvoir les partager auprès des équipes. Je n’ose utiliser le terme d’insight tellement il est galvaudé, mais c’est l’idée. Ce sont des éclairages qui changent la donne. Parfois parce qu’ils mettent le doigt sur la complexité de la nature humaine, dont les désirs peuvent être contradictoires, au moins en apparence. Un consommateur peut être intransigeant sur les qualités nutritionnelles des produits qu’il achète en supermarché pour son foyer ; et, quelques minutes plus tard, succomber à la tentation, simplement pour se faire plaisir. Ce genre de paradoxe donne des pistes de réflexion sur des innovations combinant les dimensions Produit et Distribution. Lorsque ces inputs se concrétisent, avec un succès commercial à la clé, il y a une vraie grande satisfaction.

J’ajouterais que ce métier laisse une très grande liberté sur la façon de l’exercer. On peut lui donner une portée très différente notamment selon le niveau de finesse que l’on met dans les analyses. Et en fonction de son implication dans l’élaboration des recommandations. J’ai toujours eu la chance d’évoluer dans des cadres stimulants sur ce plan. 

Quel autre métier auriez-vous aimé faire ?

Enseignant ! Sans hésitation. C’est une activité que je mène depuis déjà quelques années puisque j’interviens à la fac et en école de commerce, à Neoma. J’ai également donné des cours à l’Iscom à Paris 12 et en Master à Rouen. Aujourd’hui, j’y consacre des poignées d’heures, mais mon rêve serait de suivre des étudiants dans la durée, de les préparer à la vie active. Cela fait sens pour moi de partager mon expérience.

Quels conseils donneriez-vous à un junior intéressé par cet univers de la recherche marketing ?

Nos métiers peuvent exiger des compétences variées. Mais ils demandent à minima d’être en prise avec la réalité, d’être rigoureux et curieux. Le premier conseil serait donc de s’assurer de bien avoir ces 3 qualités-là. Je lui recommanderais également de ne pas hésiter à avoir des expériences diversifiées, au moins sur les premières années de son parcours. De toucher un peu à tout, qu’il s’agisse des méthodes, des enjeux ou des secteurs d’activité. Cela me semble la meilleure façon de découvrir ce pour quoi il aura le plus d’intérêt.

Si aviez le pouvoir de changer des choses dans cet univers, que feriez-vous ? 

Je commencerais par changer ce nom d’Etudes Marketing que je trouve trop restrictif. Les études ne sont qu’un moyen d’éclairer des décisions, et non une fin en soi. Je préfère parler de connaissance des marchés et des clients, ou d’insights. Et je ferais en sorte que les professionnels de ce métier se libèrent de leurs inhibitions…Trop souvent, aussi bien en institut que chez l’annonceur, ils n’osent pas donner leur avis sur les décisions à prendre. C’est très français. Mais je pense que c’est une erreur. Formuler un avis ne mène pas si souvent à l’échafaud (rires). Et, en réalité, les décisionnaires sont toujours preneurs d’un avis à la fois éclairé par la connaissance des consommateurs, et externe, non biaisé par des habitudes ou des croyances.

Une dernière question enfin : quelle est votre perception de Market Research News, et des évolutions vous paraissent-elles souhaitables ? 

Je trouve que cet espace est hyper utile et important pour des professionnels comme nous. Je suis très sensible en particulier au fait que vous donniez de la visibilité à notre univers. Et relayez des points de vue diversifiés, y compris de la part d’acteurs relativement peu connus. Peut-être qu’il serait possible de prolonger cet exercice via d’autres formats, en mode webinar ou pourquoi à la façon de ce que fait TEDx. Cela pourrait être intéressant, je pense.


POUR ACTION

• Echanger avec l’interviewé : @ Selim Messaï

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