Daniel Bô, fondateur de QualiQuanti

« Nous revendiquons une approche culturelle des études » – Interview de Daniel Bo, fondateur de QualiQuanti

14 Avr. 2021

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Daniel Bô est un homme singulier dans le paysage des études marketing. Il fait à l’évidence partie des « marginaux sécants », ces personnes qui bâtissent des démarches originales en établissant des ponts entre des univers à priori disjoints. A commencer par le quali et le quanti, QualiQuanti étant précisément le nom de la société qu’il a créée il y a maintenant trente ans.
Au-delà du client d’oeil, quelle est la vocation de QualiQuanti ? Que propose-t-elle ? Quelle est son histoire et quels sont ses projets du moment ? Ce sont les questions auxquelles répond son fondateur, Daniel Bô, qui lance un appel à contribution pour la rédaction d’un nouveau livre consacré au quali à l’ère du digital.

MRNews : Pouvez-vous nous présenter QualiQuanti en quelques mots ?

Daniel Bô : Créé en 1990, QualiQuanti cultive une approche créative des études. Depuis 2000, nous maîtrisons nos propres panels et dès 2006, nous avons exploré le quali online.

D’une dizaine de collaborateurs, notre équipe marie des formations « grande école » et sciences humaines. Nous nous distinguons par une ambition de recherche, qui a donné lieu à quatre livres publiés chez Dunod, sur le brand content et la brand culture.

Comment se distingue votre approche des études ?

Lorsque nous abordons un sujet, nous l’appréhendons dans toutes ses dimensions. De façon quasi-obsessionnelle. Pour étudier les décors des émissions de télévision, nous en avons décortiqué 300 ! Par genre, par chaîne, par émission. En mixant perceptions de consommateurs et décryptage sémiologique. En trente ans, c’est plusieurs centaines de sujets qui ont ainsi été exploré : les substituts de la viande, les marques du bio, les écrans digitaux, la publicité online, le publi-rédactionnel, les pop-up stores, le sense of place des hôtels, la vente à emporter, la livraison de colis, les différents rayons des GMS, la télévision connectée, les affiches et bandes annonces de films, la consommation du pain ou du soja, les codes du luxe, etc.

Qui sont vos clients ?

Principalement des grands comptes et des entreprises intermédiaires. Dans la distribution, l’alimentaire, les services, la banque-assurance, la technologie, les médias, le textile. Nous travaillons aussi pour les cabinets de conseil et des fonds d’investissement : Bain, Kea, EY, Bridgepoint, Apax, LEK… Des clients exigeants qui attendent de la réactivité : par exemple, quand il nous faut évaluer un actif en six semaines.

Pourquoi viennent-ils vous voir ?

Afin de bénéficier de nos recherches. Actuellement, nombre d’annonceurs s’interrogent sur leur communication-produit, avec pour objectif de mieux vendre à distance. Pour les accompagner, nous mobilisons divers travaux sur le product content, dont voici un aperçu via ce blog. Notre capacité à mixer les méthodologies quali/quanti/sémiologie au sein d’une même équipe est appréciée. Nous avons fait l’exercice de résumer nos outils méthodologiques en une image : 

Notre credo : mener des études ambitieuses, avec des dispositifs légers.

Quid de votre approche des marques ?

Nous recommandons une approche holistique de la marque prenant en compte entre autres le rapport à l’espace et au temps mais aussi la dimension physiologique. Par exemple, le style d’éclairage du lieu de vente fait partie de son identité. Nous travaillons sur des audits et des plateformes de brand culture. Nos observatoires sur les lieux de marque et de vente intéressent les distributeurs et tous ceux qui s’interrogent sur l’optimisation des espaces physiques.

Comment est né QualiQuanti ?

Mon goût de la liberté m’a conduit à créer mon entreprise ! J’ai découvert le métier des études alors que je démarrai ma carrière en agence de publicité, chez Saatchi, Lintas, Equateur. Je me suis rendu compte qu’on pouvait être créatif en écoutant, en observant, en analysant – j’ai éprouvé un besoin d’honnêteté intellectuelle. En 1990, une collaboration avec la Sorgem sur le parrainage en télévision m’a mis le pied à l’étrier de ce métier stimulant sur le plan intellectuel. 

Quelles ont été les grandes étapes de QualiQuanti ? 

La société a d’abord été spécialisée dans les médias et la télévision. L’idée de départ, c’était de créer un observatoire sur la télévision – avec 3 000 K7 VHS et une imprimante vidéo – pour faire des arrêts sur les contenus, les bandes annonces ou l’habillage ! C’est ainsi que j’ai suggéré à Thierry Ardisson de créer le « Zapping de la TV » en presse – dans le magazine Interview, devenu Entrevue. Dès 1993, j’ai rebaptisé ma société QualiQuanti pour signifier une approche plus généraliste, une articulation forte entre quali et quanti. Fin 2016, nous avons lancé Brand Content Institute pour accompagner les marques dans leur stratégie éditoriale.

Quelle est la place des études online chez QualiQuanti ?

Nous les avons développées très tôt, après avoir constaté la richesse de l’auto-administré via internet. Dans notre livre blanc « Pour des études marketing vivantes », nous avons réfléchi sur la collaboration avec les interviewés et dénoncé les processus d’interrogation quanti, qui instrumentalisent les consommateurs, les traitant comme des « machines à répondre ». Dès 2006, nous avons poussé l’expertise sur la marque, le retail et la communication digitale. Nous avons lancé le site Womenology avec aufeminin.com, pour comprendre les différences hommes/femmes en termes de consommation et de communication. Puis IdeesLocales avec PagesJaunes, pour repérer les bonnes idées des petits commerces du monde entier.

De quoi êtes-vous le plus fier ?

De nos travaux de recherche et de cette expertise accumulée, notamment grâce à des séances de décryptage culturel avec le sémiologue Raphaël Lellouche. Raphaël m’a donné le goût de ce métier en montrant comment mobiliser la culture générale et les recherches disponibles pour décrypter une marque ou un univers. Je suis aussi heureux d’avoir formé plus d’une centaine de jeunes passés en stage ou CDI. La collaboration directeur(ice) / chargé(e) d’études favorise les échanges intergénérationnels. J’adore former des jeunes, les responsabiliser. J’ai rencontré des talents exceptionnels et organisé l’entreprise en mettant la curiosité, la qualité de vie et la liberté au centre de son organisation.

Quelle sont les grands points de singularité de QualiQuanti ?

Il y a le télétravail, que nous pratiquons depuis trente ans. Nous avons développé des modes de fonctionnement agiles avec nos collaborateurs, qui peuvent vivre en province ou à l’étranger. Nous proposons des décryptages en live sous forme de slidecast et des replays en plusieurs langues de nos présentations. Écrits à partir des techniques journalistiques, nos livrables ont vocation à être inspirants et sont illustrés avec des photos riches de sens.

Ensuite, nous défendons une approche culturelle des études : nous refusons la simplification abusive proposée par certains « mesureurs », dénommée brand bureaucracy par Douglas Holt.

Enfin, il y a un fil rouge dans nos travaux de recherche : comprendre l’avenir de la communication et de l’expérience client, du digital au lieu physique. Dès 2006, nous avons alerté sur les dangers de l’intrusion publicitaire dans le digital à l’IREP. Au-delà de la créativité, les agences devraient être plus attentives à la cohérence, la construction dans la durée, la qualité esthétique, la pertinence des contenus et de l’information produit. 

Quelles sont vos convictions quant au devenir des études marketing ?

Nous les considérons comme une activité créative : je m’inscris dans la démarche de Paul Willis auteur d’Ethnographic imagination. La signature de QualiQuanti, c’est Creative Intelligence… L’intelligence créative s’autorise à investiguer des voies inattendues et inventives afin de proposer des solutions originales et efficaces. 

Mais si le secteur des études foisonne de gens passionnés et passionnants, les rencontres doivent être encouragées, stimulées. C’est l’une des vocations de MR News.

Pouvez-vous enfin nous dire quelques mots de votre prochain livre ?

Il s’intitulera Big Quali, la puissance des études qualitatives à l’ère du big data, et sera publié chez Dunod début 2022. L’objectif : illustrer la puissance des études qualitatives à grande échelle en s’appuyant sur la technologie et la collaboration avec les consommateurs. https://www.linkedin.com/posts/bo-daniel_projet-dun-nouveau-livre-en-2021-sur-les-activity-6747180214306058240-qgoC

Pour préparer ce livre, je mène des entretiens auprès de professionnels – instituts d’étude, universitaires, sociétés de technologie et annonceurs. J’ai déjà eu le plaisir d’interroger une vingtaine de professionnels. J’invite ceux qui seraient intéressés d’échanger sur l’évolution du quali à l’ère du digital à me contacter 


POUR ACTION :

• Echanger avec l’ interviewé(e) : @ Daniel Bô

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