# Panels online, réseaux sociaux, téléphone,... : quels outils pour les études marketing aujourd’hui et demain ? (volet 2)
Armelle Lefebvre - Responsable du Client Service d’Ipsos Interactive Services France, Italie et Espagne

"Construire les meilleures solutions de recueil exige une remise en cause permanente"

Armelle Lefebvre
Directrice du Client Service d’Ipsos Interactive Services France, Italie et Espagne

14 Avr. 2021

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Dans les études marketing, beaucoup de sociétés se singularisent par des partis-pris précis en matière de recueil de données, leur réflexe bien naturel étant alors de les défendre, éventuellement bec et ongles. D’autres ont un positionnement de généralistes ou de multi-spécialistes. C’est le cas d’Ipsos, l’un des plus grands d’entre eux. Armelle Lefebvre nous présente ainsi la philosophie du groupe ainsi que sa vision des évolutions à venir, en particulier pour la solution dominante que constituent aujourd’hui les panels online.

MRNews : Quelle est votre fonction au sein d’Ipsos ?

Armelle Lefebvre (Ipsos) : Je suis directrice du Client Service d’Ipsos Interactive Service, qui est au sein de notre groupe l’entité dédiée aux études online. Mon rôle au quotidien est d’accompagner les équipes étude afin de définir les meilleures approches en fonction des problématiques clients. Je travaille sur ces outils onlines depuis déjà plusieurs années, depuis mon passage chez NFO en particulier, qui faisait partie des pionniers du online. Aujourd’hui, j’interviens à la fois en front office, avec les interlocuteurs études des entreprises, mais aussi en back office, au contact avec les équipes d’Ipsos.

Ipsos est un très grand institut généraliste, qui utilise toutes les options de recueil. Quelle place ont les panels onlines ?

Au niveau mondial, le online pèse pour environ 55% de nos études, alors que le téléphone doit être à 25% et le face-à-face vers les 15%. Ces ordres de grandeur sont propres à Ipsos, mais ils traduisent une réalité qui s’étend à l’ensemble de l’industrie. Le recueil online est aujourd’hui dominant, comme l’a été le postal il y a très longtemps, puis le face-à-face, et enfin le téléphone. Ces autres outils ont encore leur place, le online n’ayant certainement pas vocation à s’imposer comme LA seule bonne option. Mais il est en quelque sorte devenu le dispositif «référent ». Cela ne n’est pas fait instantanément, mais progressivement au contraire. Avec beaucoup d’opérations de recherche et de « parallel testing » pour mesurer les incidences du passage d’un mode de recueil à un autre, celles-ci pouvant être très importantes. Et tout un travail de fond pour optimiser ces outils. Que ce soit pour diversifier les sources de recrutement, mettre en place les meilleurs contrôles qualité, et aussi pour maximiser le niveau d’engagement des panélistes. La transition vers le « device agnostic » — avec la possibilité de proposer l’enquête sur tous les supports digitaux, mobile compris — a représenté une étape décisive en ce sens. 

Ce principe de remise en cause permanente me semble vraiment essentiel pour construire la meilleure interaction possible avec les répondants. L’enjeu étant bien sûr celui de la qualité des données. Certains sujets sont relativement simples à traiter. D’autres le sont beaucoup moins. Approcher l’environnement d’une marque par exemple, identifier ses leviers d’action, cela ne peut se faire via 4 ou 5 questions. D’où la nécessité de bâtir un écosystème permettant des interactions très riches, qui donnent aux gens l’envie de participer.

Le panel online ayant valeur d’outil « référent », quelle place accordez-vous aux autres outils ?

L’impératif clé de notre métier est d’interroger les bonnes personnes au bon moment, en fonction des problématiques de nos clients. Le choix des outils doit donc découler de ce principe, et non être un préalable. C’est une évidence pour Ipsos, une de nos très grandes forces étant de pouvoir nous appuyer sur énormément de ressources et d’outils. Nous avons ainsi la capacité de nous ajuster en fonction de la demande, de la plus simple à celle qui requiert le plus haut niveau de sophistication.  

En pratique, si le online est en effet le référent, les autres outils sont souvent utilisés chez nous en complément, notamment en fonction des cibles à investiguer. Je pense en particulier aux jeunes, avec lesquels il faut mettre en œuvre des mécaniques d’interactions spécifiques. Les études sur les réseaux sociaux sont une alternative très intéressante sur cette population, ou bien encore pour travailler sur des zones géographiques très précises. Mais ces choix se font naturellement en toute transparence avec nos clients, après que nous ayons réuni toutes les garanties pour ce qui est de la qualité des données. Et avec une grande vigilance également sur les impératifs du RGPD… Le téléphone fait bien sûr partie des outils toujours pertinents, en  particulier sur les cibles BtoB et aussi sur certaines cibles spécifiques, comme les médecins ou les parlementaires par exemple..

Les panels online font parfois l’objet de critiques. Lesquelles vous paraissent spécialement infondées ?

Même si ce procès est un peu daté, la question de la rémunération des panélistes me semble avoir suscité des débats pas très réalistes. Avec l’emploi du terme de « professionnalisation » notamment, qui n’est pas cohérent avec ce que reçoivent ces personnes en dédommagement de leur participation, qui est plus symbolique qu’autre chose. Pour ce qui nous concerne, nous sommes extrêmement rigoureux sur le profil des répondants et sur les conditions de sollicitation. 

Quelle est votre vision quant au devenir des outils de recueil dans les 5 ou 10 ans à venir ?

Ma conviction est que les dispositifs online — ce qui recouvre une réalité très large —vont continuer à prendre plus de place encore aujourd’hui. C’est l’option qui permettra d’être le plus global, sachant que des zones géographiques sont en train de migrer vers les panels. Je pense en particulier à l’Asie et au continent africain. La diffusion des smartphones se poursuit un peu partout, notamment sur ces continents, ce qui ouvre de nouvelles opportunités pour le online. Les panels continueront donc à être la priorité pour Ipsos, et à être le socle référent autour duquel d’autres solutions viendront se greffer, en complément. Et la R&D sur ces enjeux restera clé pour aller toujours plus loin dans la qualité des interactions avec les répondants, et la richesse des insights. La diversité des sujets et des missions qui leur seront proposés sera également très important. C’est un facteur décisif de l’engagement des répondants.

On le voit aujourd’hui, nous assistons à une prolifération des fournisseurs d’insights. Cela ne va pas se ralentir. Et d’un certain côté, c’est très bien, cela nous amène à nous remettre en cause et à développer de nouvelles solutions. Ipsos Digital notamment, qui a vocation à répondre aux besoins des entreprises de disposer de datas et d’insights très rapidement, mais dans d’excellentes conditions de stabilité. Cette notion me parait extrêmement importante. Lorsqu’on interroge les individus qui surfent sur internet, on ne sait pas vraiment qui ils sont ni quels sont leurs parcours, ce qui peut introduire des biais. C’est sur cette composante de stabilité que les panels ont un avantage naturel dès lors qu’ils sont mis en œuvre avec la plus grande rigueur. 

Enfin – et c’est un virage que nous avons déjà engagé depuis quelques années maintenant – l’hybridation des données est un paramètre essentiel dans la compréhension des marchés et des consommateurs. Les enquêtes traditionnelles sont combinées soit entre elles, soit avec d’autres sources de données (social listening, open data, bases de données, IoT, panels, etc) pour enrichir l’analyse et affiner au maximum les informations utiles à la prise de décision. Chez Ipsos notre ambition est d’être au plus près des avancées technologiques qui font progresser notre métier. C’est d’ailleurs ce qui nous a valu d’être nommés entreprise la plus innovante par le GRIT.

Quels conseils enfin donneriez-vous aux équipes Etudes et Insights chez les annonceurs sur ces problématiques de recueil ?

Le point que nous venons d’évoquer, celui de la stabilité de la data, me parait essentiel à prendre en compte. Certains clients ont parfois de mauvaises surprises ; il leur arrive de découvrir que, d’une source à une autre, les résultats peuvent varier dans des proportions importantes. Ils se retrouvent ainsi face à des évolutions inexplicables, et donc avec des études potentiellement inexploitables…

Un second enjeu clé est celui de la qualité des questionnaires. Bien sûr, les mesures passives prendront de plus en plus de place dans les systèmes d’information marketing. Avec le facial coding, ou l’intégration du temps de réponse dans les résultats, par exemple, les éclairages peuvent être extrêmement puissants. Mais ces mesures passives ne remplacent pas toutes les questions que l’on peut avoir à poser à des consommateurs. Poser les bonnes questions et de la meilleure façon possible est une expertise majeure, d’autant plus précieuse que les questionnaires doivent être courts. 20 minutes est un seuil qu’il est très difficile de dépasser. Cela soulève un vrai défi pour certaines études, les U&A par exemple. Mais il y a des pistes néanmoins, comme le fait de demander aux gens de prendre des photos de leur cuisine ou du contenu de leur placard pour éviter de leur poser certaines questions, ou bien encore de fractionner les interrogations. Rationaliser les questionnaires nécessite de passer du temps avec nos interlocuteurs dans les entreprises, pour bien cerner la façon dont l’étude va être utilisée, et prioriser ainsi les inputs. Cela nous amène à les challenger. Mais cela correspond à un vrai besoin de leur part, même s’il n’est pas toujours explicitement exprimé. Là aussi, remettre en cause un certain nombre de réflexes est souvent la clé pour travailler plus efficacement.


POUR ACTION

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