Guillaume David - MadeInVote

« Cela change tout d’interroger les gens sur les sujets qui les concernent vraiment ! » – Interview de Guillaume David, fondateur de MadeInVote

24 Nov. 2020

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Et si l’usage des réseaux sociaux apportait une alternative salutaire dans la pratique des études marketing ? C’est la conviction clé du CEO et fondateur de MadeInVote, Guillaume David, pour qui de nouvelles méthodes de recueil permettent de retrouver une spontanéité des réponses fortement émoussée avec les panels. Mais aussi de travailler sur des cibles bien spécifiques — sous un angle géographique ou comportemental — dans des conditions économiques enfin abordables pour une grande variété d’entreprises.
Quelle est plus précisément l’histoire de cette jeune entreprise et de son créateur ? Quels sont ses partis-pris ? Quelle est sa vision du devenir du marché et quelles sont ses ambitions ? Ce sont les questions auxquelles répond Guillaume David pour MRNews.

MRNews : Vous avez créé MadeInVote en 2017, alors que vous étiez auparavant consultant chez KPMG puis Ernst & Young. Il n’est pas si fréquent de passer du conseil aux études marketing… Qu’est-ce qui vous a incité à le faire ? 

Guillaume David (MadeInVote) : J’ai travaillé en effet une dizaine d’années chez KPMG puis Ernst et Young, en tant que consultant en développement durable. Mais, en réalité, tout est parti d’une démarche plus personnelle que professionnelle. Je venais d’emménager dans un nouvel appartement, à Paris, à proximité du bassin de la Villette. Et j’ai été étonné de la forte proportion de commerces en décrépitude, et par l’importance du turn-over. Étant sensible à la vie de quartier, j’ai essayé de comprendre ce qui se passait, de savoir pourquoi il y avait ce décalage manifeste entre l’offre et la demande. J’ai ainsi commencé à consacrer une partie de mes soirées à interroger les gens, et obtenu des informations qui auraient sans doute été précieuses pour les enseignes, les bailleurs et les porteurs de projets… Cela m’a donné matière à réflexion ; je me suis posé la question de savoir comment recueillir ces informations à plus grande échelle, selon un mode reproductible. J’ai eu l’idée que l’on pouvait mettre en ligne une publicité sur Facebook, pour inciter les gens à donner leur avis ; et c’est ainsi que j’ai réalisé un premier test…

C’est donc votre casquette de « citoyen » et votre curiosité qui vous a mené aux études ?

Absolument. Je me suis rendu compte qu’il y avait d’énormes vertus à donner aux gens la possibilité de s’exprimer, en particulier à l’échelle des quartiers. Et que l’usage des réseaux sociaux constituait une piste extrêmement intéressante, avec de gros avantages par rapport à des approches plus traditionnelles. Le face-à-face est coûteux, le téléphone un peu moins, mais les taux de réponse sont trop faibles pour ce type de démarche. L’option d’aller dans les réunions publiques n’était pas non plus envisageable à grande échelle. Solliciter les gens sur les réseaux sociaux change la donne. On donne la possibilité de s’exprimer à des personnes qui n’ont pas l’habitude de le faire. Elles voient une bannière sur leur fil d’actualité, cliquent si elles souhaitent participer et accèdent ainsi à une plateforme et à un questionnaire. À partir de cette expérience, j’ai maturé mon projet, négocié mon départ et me suis lancé à 100% sur cette activité.

Je me suis rendu compte qu’il y avait d’énormes vertus à donner aux gens la possibilité de s’exprimer, en particulier à l’échelle des quartiers. Et que l’usage des réseaux sociaux constituait une piste extrêmement intéressante, avec de gros avantages par rapport à des approches plus traditionnelles.

C’est l’angle du « local » qui vous a inspiré la création de MadeInVote… C’est aussi celui qui a intéressé vos premiers clients ?

Oui, tout à fait. Les premiers clients ont été Quartus puis la Ville de Lyon , avec une étude portant sur le quartier Confluence. Celui-ci était en pleine reconstruction, avec l’arrivée prévue de 15 000 nouveaux habitants. L’idée était, là encore, d’identifier les besoins de ceux-ci en termes de commerces et d’aménagements. Cette dimension locale reste aujourd’hui dominante dans notre activité, ce qui fait que nous travaillons beaucoup avec les promoteurs immobiliers, ou avec des acteurs importants du retail et de la distribution. Cette fibre urbaine et cette notion d’engagement à l’échelle d’un quartier ou d’une commune sont essentielles dans notre « génétique ».

Mais nous avons progressivement pris conscience que cette « mécanique » de sollicitation et de recueil pouvait s’appliquer à d’autres angles. Il est tout à fait possible de cibler les répondants – en fonction de leurs centres d’intérêt, de leurs comportements – ou bien des attitudes sous-jacentes. Si vous effectuez des recherches sur le web sur les machines à café par exemple, vous devenez identifiable comme une cible potentielle pour une étude sur ce sujet, via les cookies installés sur votre ordinateur. Nous utilisons donc ces dispositifs marketing, non pas pour vendre un produit mais pour donner l’opportunité aux gens de s’exprimer sur des sujets qui les concernent. Le champ des problématiques que nous pouvons adresser est donc extrêmement large. Et, de fait, nous réalisons aujourd’hui de nombreux projets sur des enjeux de notoriété et d’image, de satisfaction, de zones de chalandise, des tests de concepts ou de publicité… 

Nous avons progressivement pris conscience que cette « mécanique » de sollicitation et de recueil pouvait s’appliquer à d’autres angles. Il est tout à fait possible de cibler les répondants – en fonction de leurs centres d’intérêt, de leurs comportements – ou bien des attitudes sous-jacentes.

La clé de votre approche est l’usage des réseaux sociaux, qui permet un ciblage très fin des répondants. Dans une logique Études, cette méthode n’induit-elle pas des biais ?

Je pense que toutes les méthodes comportent des biais, les choix devant être faits en fonction de ceux-ci et des objectifs que l’on se donne. Des biais importants sont présents y compris dans les approches les plus utilisées aujourd’hui, qui reposent sur des recueils via des panels. Les individus qui font la démarche de s’inscrire dans ces panels ont à l’évidence un profil psychologique particulier, le risque étant, pour les études, de toujours interroger un peu le même type de personnes. C’est à l’opposé de notre principe, qui est de jouer la carte de la spontanéité, et permet d’interagir avec des franges de population qui ne sont quasiment jamais sollicitées via les approches traditionnelles. En nous développant, en étant attentifs notamment aux témoignages de nos clients, nous avons pris conscience que cette spontanéité des participants est un gage majeur de la qualité des données recueillies. Les réponses sont plus sincères, moins « formatées ». L’usage des réseaux sociaux s’est fortement diffusé, ce qui nous permet aujourd’hui de travailler sur les cibles plus âgées sans aucune difficulté, ce qui aurait été plus compliqué il y a 5 ou 10 ans. 

Les individus qui font la démarche de s’inscrire dans des panels ont à l’évidence un profil psychologique particulier, le risque étant, pour les études, de toujours interroger un peu le même type de personnes. C’est à l’opposé de notre principe, qui est de jouer la carte de la spontanéité (…)

Vous mettez le doigt sur un paradoxe : les gens sont critiques — et peut-être de plus en plus — vis-à-vis des sondages, mais ils sont pourtant preneurs de pouvoir donner leur avis …

Absolument ! Au tout début de notre activité, nous étions frappés du nombre de remerciements que nous recevions de la part des personnes que nous sollicitions. En réalité, elles étaient agréablement surprises et même ravies d’avoir pu s’exprimer sur ce qui les concernait, la vie de leur quartier en particulier.

Vous avez développé une compétence spécifique pour échantillonner les individus sur les réseaux sociaux, les inciter à répondre à des questionnaires. Comment procédez-vous en pratique ?

Au démarrage de l’étude, nous définissons avec nos clients les critères de ciblage et les quotas à appliquer, qui peuvent être de nature socio-démographiques, géographiques ou porter sur des attitudes ou comportements bien précis. Que ce soit sur Facebook, Instagram, twitter, linkedIn ou via Google Ads, nous mettons en ligne des posts sponsorisés. Ceux-ci incluent une création visuelle et une accroche textuelle et invitent les gens à participer à l’enquête, et les renvoient sur notre plateforme.

Ces composantes sont bien évidemment clé dans notre proposition de valeur. Mais, en développant notre activité, nous avons pris conscience de la nécessité de maitriser toute la chaine de valeur. Une bonne analyse du besoin avec la définition d’objectifs pertinents, la formalisation de scénarios d’études, l’anticipation des plans d’analyse, la capacité à interpréter les résultats… Toutes ces composantes sont essentielles pour la qualité des projets. C’est pourquoi nous nous sommes structurés en recrutant des personnes issues de cet univers, comme Adrien (Marchetto) et Clément (Gandouin), qui vient de nous rejoindre. Nous tenons à la spécificité de notre approche, mais nous positionnons bien comme une plateforme d’études globales, en étant présents sur toute la chaine de valeur.

En développant notre activité, nous avons pris conscience de la nécessité de maitriser toute la chaine de valeur.

Quelle est votre vision sur le devenir du marché des études dans les cinq ou dix ans à venir ?

Une des grandes questions est de savoir s’il va advenir une disruption massive, via la technologie. Allons-nous passer d’un modèle dominant de type « jour/homme » à des plateformes en mode Saas (software as a service) ? Certains acteurs sont dans cette démarche, Happydemics par exemple. Dans notre univers, l’apport technologique ne sera pas forcément synonyme de disruption majeure, comme dans d’autres secteurs. La technologie permet deux améliorations significatives : celle des process et de la qualité des données utilisées comme matière première des études à travers l’usage de l’intelligence artificielle ou de l’automatisation pour les études à faible valeur ajoutée. Et aussi l’amélioration de l’expérience. Tant des répondants, par des modalités d’interviews moins intrusives, que des clients avec un enrichissement de la relation grâce à la digitalisation, qui apporte plus de visibilité, d’autonomie quand cela est nécessaire. Mais je crois que l’expertise humaine restera essentielle. En amont, au moment de la définition des objectifs, et bien sûr en aval, pour interpréter les données. Je pense néanmoins qu’il y aura des évolutions très significatives sur l’enjeu de la fiabilité des données, avec un recul des panels et la montée en puissance de méthodes alternatives.

Dans notre univers, l’apport technologique ne sera pas forcément synonyme de disruption majeure, comme dans d’autres secteurs. La technologie permet deux améliorations significatives : celle des process et de la qualité des données utilisées (…) Mais je crois que l’expertise humaine restera essentielle.

Et pour MadeInVote ? Comment voyez-vous les années à venir, et quelles sont vos priorités ?

J’ai la conviction que nous avons de très belles opportunités devant nous. Notre approche nous permet de travailler sur des cibles rares, dans des enveloppes budgétaires enfin accessibles pour certains annonceurs. Ce qui offre ainsi la possibilité d’étendre le marché. Et, par ailleurs, il y a une vraie aspiration de la part des entreprises à pouvoir s’appuyer sur des données plus fiables, et à s’affranchir des biais des panels. C’est un des grands atouts de notre proposition, notre vocation n’étant pas d’être présents sur tous les sujets, mais de produire des études à valeur ajoutée sur des cibles spécifiques.

Notre approche nous permet de travailler sur des cibles rares, dans des enveloppes budgétaires enfin accessibles (…) Et, par ailleurs, il y a une vraie aspiration de la part des entreprises à pouvoir s’appuyer sur des données plus fiables, et à s’affranchir des biais des panels.

Une de nos priorités est de mieux faire connaitre l’originalité de nos méthodes. A la fois auprès des entreprises qui ne pratiquent que peu les études marketing, et de celles qui ont traditionnellement recours aux instituts de référence. Nous ne le ferons pas seuls, mais avec des acteurs comme Episto ou Potloc. Nous devons aussi adresser un enjeu de process. Générer des messages publicitaires implique beaucoup de tâches répétitives. Il nous faut donc nous développer technologiquement, ce qui est le sens de la levée de fond que nous avons réalisée il y a peu. Nous n’avons pas prévu de nous ennuyer dans les années à venir !


POUR ACTION :

• Echanger avec l’interviewé : @ Guillaume David

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