# Agilité et études marketing : mode d’emploi (volet 2)

«L’agilité demande une réflexion commune entre instituts et annonceurs»

Aurélie Bouillot
Directrice du développement, experte Marque et Responsabilité (Stratégir - WSA)

15 Oct. 2019

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Pour Aurélie Bouillot (Stratégir-WSA), aider les organisations à être plus agiles requiert un vrai engagement des instituts. Ceux-ci doivent contribuer à une meilleure connexion entre marques et consommateurs – pour aboutir à une connaissance plus incarnée -, trouver des solutions facilitantes dans toutes les étapes des projets d’études (recueil, analyse, partage des résultats). Et apporter enfin une réelle valeur ajoutée dans la mécanique de la co-création. Mais cela suppose aussi de ré-inventer la façon de travailler ensemble…

MRNews : Comment s’exprime le besoin d’agilité des entreprises sur les enjeux d’études et de connaissance des consommateurs ? Est-ce une demande explicite, ou plutôt un besoin latent ? Et cette notion est-elle fortement présente dans les échanges avec vos clients ?

Aurélie Bouillot (Stratégir-WSA) : Il y a une sorte de paradoxe… Cet enjeu apparait en effet aujourd’hui comme extrêmement important pour nos clients et dans la relation que nous avons avec eux, alors qu’au fond, l’agilité est une composante inhérente au domaine des études. Il faut être créatif et donc agile pour inventer le bon « design » des protocoles, trouver des solutions « malignes » permettant de répondre aux problématiques des entreprises en tenant compte de leurs contraintes ! Mais il est évident que les besoins des annonceurs ont évolué. La pression s’est amplifiée, à la fois sur les délais et les couts des études, ce qui peut générer des dérives, l’agilité devenant une injonction pour faire « vite et pas cher » ! 

On en arrive ainsi au « quick and dirty » ?

C’est un risque réel en effet. À l’autre extrémité, certaines entreprises ont parfois du mal à définir des priorités et à accepter des compromis dans le dimensionnement, les délais et plus généralement sur le design du projet. La demande — pourtant très explicite — d’agilité tourne alors un peu en vide, et, assez vite, on en revient à des dispositifs assez classiques…

Ces deux « cas » me semblent assez représentatifs des « pièges » à éviter, alors même qu’il y a une réelle nécessité bien sûr à répondre à ce besoin d’agilité, et à s’adapter à un contexte qui a beaucoup évolué. Avec une concurrence exacerbée et des risques d’überisation ou de disruption des modèles dans quasiment tous les secteurs d’activité, des consommateurs qui ont de plus de plus en pouvoir, une responsabilité sociétale des acteurs de plus en plus forte,…. C’est la combinaison de tous ces facteurs qui génère un besoin d’agilité, avec une meilleure compréhension des consommateurs et de plus en plus de rapidité compte tenu de la vitesse des évolutions. En face de cela, reconnaissons-le, les méthodes traditionnelles d’enquêtes ont tendance à s’essouffler, et peinent à fournir des éléments de connaissance fiables, en particulier dans le domaine du quanti…

Quelles sont vos convictions clés pour répondre à ce besoin d’agilité ?

Ma première conviction est que rien n’est plus efficace qu’une réflexion commune avec les entreprises, celle-ci devant naturellement être mise en oeuvre au cas par cas. Il faut se poser la question de savoir comment on modifie ensemble nos approches pour élaborer de nouvelles solutions, et plus largement nos façons de travailler. Lorsque nous pouvons la mener avec nos clients, cette réflexion commune apporte un vrai plus. Une fois ce socle posé, il nous semble que trois grands axes de travail doivent être privilégiés, le premier consistant à répondre au besoin d’une meilleure connexion entre les équipes des entreprises et les consommateurs.

Les entreprises disposent de multiples moyens de connexion avec les consommateurs… Pourquoi ce besoin ?

C’est vrai qu’il y a là encore un paradoxe. Mais il y a une réelle nécessité, pour les équipes des entreprises — je pense aux chefs de produits et aux responsables de la marque — à aller dans le sens d’une connaissance plus précise et surtout plus incarnée des consommateurs, celle-ci étant aujourd’hui bien souvent trop abstraite. Cela remet en cause le rôle de l’institut, qui est classiquement en posture d’intermédiaire, alors qu’il peut aussi aider les marques à être en contact direct avec les consommateurs. Il y a donc matière à raccourcir cette distance entre les équipes des marques et les consommateurs. Et à proposer ainsi des chemins de traverse. L’ethnologie et les « consumer safari » sont des ressources particulièrement puissantes pour aller dans cette direction. Mais il en existe bien d’autres, tous les moyens ou presque étant bons !

Mais il y aussi et plus largement un vrai axe de travail dans le sens de la facilitation. Qui s’applique au recueil et à l’analyse des données, mais également à l’appropriation des outputs. 

Cela soulève la question du renouvellement des méthodes et des techniques d’études…

Oui, absolument. Là encore, bien des options sont intéressantes à utiliser ou à explorer. Je pense par exemple à l’usage de la réalité virtuelle à des fins d’études, qui apporte des éclairages très précieux, sachant que nous disposons d’une base d’expérience extrêmement solide de ces techniques. Ou bien encore, dans un autre registre, à l’étude des influenceurs via les réseaux sociaux. J’ai été enthousiasmée par la richesse des insights que nous avons pu mettre à jour avec ce type d’approche.

Il me semble que l’agilité passe aussi par cet élargissement de la palette des techniques, qui peuvent provenir d’horizons très différents. Il est donc important d’être en veille sur ces possibilités. Mais nous pouvons également enrichir nos approches en croisant « simplement » des techniques déjà bien éprouvées, le quali « traditionnel » et le quanti par exemple. La condition néanmoins, dans un cas comme dans l’autre, étant de cerner la problématique du client avec la plus grande pertinence possible.

Vous avez évoqué deux axes de travail. Quel serait le troisième ?

C’est celui de la co-création. Cela peut paraitre une évidence, mais c’est une clé majeure que d’associer les consommateurs dans les processus d’innovation dès leur démarrage, et en procédant à toutes les itérations nécessaires pour que leurs besoins soient le plus parfaitement pris en compte. Côté Études, il y a un vrai savoir-faire à déployer pour participer à ces démarches avec le maximum d’efficacité. D’une part en s’appropriant cette culture, et d’autre part en repensant le design des études et de leur restitution.

Une dernière question enfin. Côté annonceurs et notamment dans les équipes en charge de l’intelligence marketing, quels vous semblent les réflexes ou les efforts particuliers à mettre en oeuvre pour aller dans le sens de cette agilité ?

Il est certainement intéressant pour les annonceurs d’être très ouvert à la nature des collaborations possibles. En regardant peut-être ce qui se passe dans d’autres univers que celui des études à proprement parler ; mais aussi en participant à une réinvention de la relation avec les instituts. Dès lors que ceux-ci sont également dans une démarche d’ouverture et d’enrichissement de leur palette de compétences, il y a un vrai sens, je crois, à ce que nous nous posions ensemble, pour définir de nouvelles approches, de nouveaux types d’indicateurs mais aussi de nouvelles formes de relations entre instituts et annonceurs. 

  • Retrouver les points de vue des autres intervenants du dossier 

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