« Le besoin d’agilité des entreprises requiert une réponse multi-facettes » – Interview d’Olivier Lagrand et Valérie-Anne Paglia (Ipsos)

14 Oct. 2019

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Pour Olivier Lagrand (Directeur Général, Innovation et Stratégie Marketing chez Ipsos) et Valérie-Anne Paglia (Directrice Générale du qualitatif Ipsos UU), il est parfaitement possible aujourd’hui d’apporter des éclairages études puissants en 24 ou 48h chrono. La preuve en est avec une nouvelle génération d’outils combinant l’apport de la technologie avec les connaissances scientifiques les plus récentes. Mais ces solutions rapides ne sont pour autant qu’une des composantes de la réponse à apporter au besoin d’agilité des entreprises, dans des contextes à géométrie variable.

MRNews : Le besoin d’agilité des entreprises se traduit par un certain engouement pour des formats d’études « Express », conçues pour être mises en œuvre sur 24 ou 48h. Ipsos propose aujourd’hui des solutions de ce type. L’objectif est de répondre plus spécifiquement à quels enjeux ? 

Olivier Lagrand (Ipsos) : Soyons clairs, ces solutions prennent une importance croissante, mais ne constituent qu’une partie de la réponse face à ce besoin d’accélération et d’agilité des entreprises. Une vocation du plan stratégique d’Ipsos, baptisé « Total Understanding », est de combiner des expertises plus pointues et plus pertinentes pour mieux répondre aux questions de nos clients. L’agilité est donc d’abord et avant tout une notion transversale et collaborative, tout comme on ne peut résumer l’agilité à la rapidité et à « l’économie de moyens ». Néanmoins, des outils permettent de concrétiser cette logique. C’est le cas par exemple de Duel, qui donne la possibilité de screener un grand nombre d’idées ou de stimuli marketing en quelques jours, voire en 24 heures, avec l’aide des équipes Ipsos ou via une plateforme digitale. Fastpack est également une solution express et maline, appliquée plus spécifiquement au test de packaging. Creative Labs — qui est une méthodologie collaborative et rapide permettant de coconstruire des pistes créatives — s’inscrit aussi dans cette logique. 

Valérie-Anne Paglia (Ipsos UU): On peut ajouter à cette liste nos solutions basées sur des communautés online de consommateurs qui permettent de développer des innovations de façon longitudinale, en alternant des phases de tests et de cocréation. Ainsi que le D-EX (Dynamic Exchange), qui a beaucoup de succès, et qui réinvente les focus group en brisant la fameuse glace sans tain qui sépare habituellement nos clients des participants. Avec cette approche, on est dans le principe d’une session co-créative, avec un travail en profondeur sur plusieurs cibles en même temps, nos clients pouvant échanger avec les participants. Celle-ci se terminent par un pitch sur les recos à apporter au projet, chaque table présente le résultat de ses réflexions, ce qui permet aux clients de sortir avec un ressenti très concret de ce qu’il faut faire. C’est ça aussi l’agilité. 

Ce sont des solutions nouvelles ?

OL : Pour certaines oui. D’autres existent depuis déjà depuis près de deux ans. Nous les avions peut-être insuffisamment mises en avant, dans un contexte où beaucoup de nouveaux acteurs, notamment issus de l’univers des « tech », font un peu de surenchère sur le thème de la rapidité. Bien entendu, toutes les solutions et outils ne se valent pas en termes de robustesse ou de validité … mais c’est de bonne guerre !

L’extrême rapidité du recueil permet-elle de garantir une parfaite représentativité des échantillons interrogés ?

OL : Les durées de terrain sont surtout dépendantes des tailles des panels online, ce qui autorise des délais très courts dans les grands marchés comme la France. Ce sont des échantillons que l’on maîtrise bien et que l’on cadre par les quotas sociodémographiques habituels. Par ailleurs, nos solutions de test « agiles » déploient les mêmes principes et standards que nous utilisons dans des approches plus complexes ou sur-mesure. Cela permet d’avoir le même niveau de validité, de benchmarking et donc de capacité à prendre les bonnes décisions. On peut vraiment obtenir des éclairages très opérationnels en quelques jours aujourd’hui !

C’est d’abord et avant tout la technologie qui contribue à répondre à ce besoin d’agilité, et de proposer ce type d’outils ?

OL : La technologie ouvre naturellement beaucoup de possibilités, et apporte des gains de temps considérables. C’est un accélérateur…

VAP : C’est évident pour les études internationales que nous réalisons, en nous appuyant sur des plateformes communautaires accessibles dans les 89 pays que couvre Ipsos. L’idée reçue est que l’on ne peut pas être gros et agile… ce n’est pas l’expérience qu’on en fait, notre technologie nous permettant de déployer de gros dispositifs internationaux dans des temps records, selon des méthodes et des process parfaitement homogènes.

OL : La différence, elle se fait aussi et surtout en couplant cette technologie à des principes scientifiques pertinents et innovants. Notre groupe investit beaucoup sur ce volet-là, qui nous semble réellement essentiel compte tenu de l’importance des progrès qui ont été accomplis ces dernières années, par exemple dans le domaine des sciences comportementales ou des neurosciences. Nous disposons aujourd’hui d’une structure scientifique mondiale qui interagit avec la communauté scientifique et le monde académique. Mais la réponse au besoin d’agilité se joue aussi sur des composantes d’organisation et de modes de fonctionnement de nos clients. De plus en plus d’entreprises tentent de s’organiser autrement, autour des méthodes agiles et du mode projet. Et nous nous adaptons à ces changements, en les accompagnant dans des démarches plus intégrées et collaboratives. C’est notamment une des missions de notre structure Strategy3, constituée de consultants qui s’intègrent au processus d’innovation ou de création de nos clients.

Je vais un peu jouer la carte de la provocation… Ipsos ne scie-t-elle pas la branche sur laquelle elle est assise en proposant des solutions d’études en 24 ou 48 heures ?

OL : Non, je ne le crois pas une seconde… Ces solutions s’inscrivent dans une transformation délibérément progressive, la majorité des demandes de nos clients se portant encore aujourd’hui sur des approches que l’on pourrait estimer relativement classiques mais en réalité sur-mesure ou spécifiques. Mais il est clair que nous nous devons d’accompagner les entreprises dans une évolution manifeste. Je devrais même plutôt mettre ce terme d’évolution au pluriel… Une partie des entreprises se sont engagées de façon volontariste dans des démarches agiles, qui supposent d’effectuer un très grand nombre d’interactions avec les consommateurs, et nécessitent donc des outils d’études qui s’y prêtent. Dans d’autres cas, il faut être honnête, la pression exercée sur les budgets est importante, et oblige nos interlocuteurs à adopter des solutions légères. J’ajouterais enfin que la gestion du risque s’est modifiée. Les entreprises ont moins tendance que par le passé à prendre des garanties multiples sur certaines décisions, et sont beaucoup plus dans une logique d’apprentissage et de test and learn … peut-être parfois avec excès d’audace !

VAP : Ces outils sont importants bien sûr. Mais ils ne sont pas autant un aboutissement. Il faut aussi les appréhender comme étant des briques, des modules qui peuvent aussi s’intégrer dans des dispositifs plus ad hoc.

Le besoin des entreprises d’un accompagnement important vous semble donc encore et toujours de mise ?

VAP : Oui, absolument ! Beaucoup d’entre elles sont confrontées à de vrais challenges sur leurs marchés, avec de réelles difficultés à identifier des relais de croissance et des pistes de différenciation. Ce sont des contextes où nous sommes en mesure de fournir une valeur ajoutée importante, avec des approches spécifiques, approfondies. Et c’est là où l’hybridation, le multi-data et l’innovation scientifique permet d’apporter encore plus que par le passé, a fortiori si l’on y associe une prestation complémentaire de conseil comme nous le faisons aujourd’hui.

OL : Il me semble évident que l’hétérogénéité des contextes et des cultures des entreprises va crescendo. Et, y compris au sein d’une même organisation, les besoins sont plus complexes et évolutifs, avec parfois la nécessité d’aller vite avec des outils tactiques malins, bien pensés. Et dans d’autres cas, il faut nourrir une réflexion stratégique approfondie. Il est donc important de s’adapter à ces besoins à géométrie variable, auxquels on ne peut pas répondre autrement que par une combinaison d’efforts et de propositions. Il faut obligatoirement être multi-facette. Nous devons nous aussi faire preuve de beaucoup d’agilité et flexibilité pour y répondre de façon cohérente et efficace ! 


 POUR ACTION  

• Echanger avec les interviewés  : @ Olivier Lagrand   @ Valérie-Anne Paglia

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