« L’insight est un super outil de désilotage ! » – Interview de Sandra Bretagne, Managing Partner chez Insightquest

21 Jan. 2019

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En l’espace de quelques années, une start-up crée par une figure bien connue du monde des études, Marc Papanicola, s’est construit un espace bien à part dans l’univers de l’intelligence marketing, en se spécialisant dans l’accompagnement des entreprises sur les enjeux associés à l’innovation et à la gestion des insights. Elle s’est même imposée comme un acteur de premier plan dans la formation à destination des marketeurs, avec plus de 6000 personnes formées. 
Quelle est donc l’histoire de cette entreprise qu’est Insightquest ? Quels sont ses partis-pris ? En quoi consiste l’originalité de sa proposition ? Sandra Bretagne, Managing Partner d’Insightquest, nous livre les réponses à ces questions ainsi que sa vision quant à la nécessaire transformation de la fonction CMI.

MRNews : Vous intervenez aujourd’hui avec Marc Papanicola et votre équipe sur le marché de l’intelligence marketing au travers d’Insightquest et d’Insightacademy. Quelle est l’histoire de ces deux marques ? Comment sont-elles nées ?

Sandra Bretagne : Insightquest est notre société de conseil marketing et Insightacademy est la marque de notre offre de formation à la maîtrise des insights et propositions de valeur. La formation représente environ un tiers de notre activité et nous avons déjà formé plus de 6000 marketeurs dans le monde en l’espace de quelques années seulement. Notre société est d’ailleurs déclarée comme organisme de formation. La création d’Insightquest il y a 8 ans est partie de deux constats, celui d’une carence dans le management des insights d’une part et d’un manque d’alignement de différentes équipes au sein de la chaîne de valeur d’autre part.

Concernant le premier, une pratique assez répandue consiste à driver l’innovation par la créativité et l’inspiration issue de trends plus ou moins claires pour ensuite post-rationaliser les enjeux consommateurs précis auxquelles l’idée générée est supposée répondre. Pour répandue qu’elle soit, cette approche reste très aléatoire et peut conduire à des accidents industriels par manque de centralité consommateur durant le processus d’innovation, d’où un réel besoin de management des insights.

Dans ces cas-là, tout le processus d’innovation a été déroulé, mais il n’y a plus qu’à repartir de zéro !

Absolument, avec tout ce que cela implique en termes de budget, de temps passé, de frustration pour les équipes qui s’étaient mobilisées… L’activité d’Insighquest avait donc démarré sur cette logique de détection et d’évaluation amont des insights consommateurs afin de mieux éclairer les pipes d’innovation en identifiant des territoires d’opportunité.

Concernant notre deuxième constat sur le manque d’alignement culturel au sein de la chaine de valeur, nous avons observé que pour qu’une idée innovante en prise avec le marché puisse se transformer en un réel succès, elle doit survivre à un processus de développement interne qui traverse plusieurs maillons de la chaîne de valeur : la direction des programmes, le marketing, le CMI, la R&D, le légal, la finance, le retail, etc. Or pour survivre à cet itinéraire, un alignement culturel de chaque maillon est une clé de réussite. Nous avons eu très tôt des demandes pour travailler ces questions à la fois sur du conseil en organisation de l’innovation et sur de la formation à la centralité consommateur. Nous avons très tôt travaillé en tandem avec des sociétés de conseil dédiées au change management et avec des acteurs spécialisés dans la formation. Nos savoir-faire se sont construits sur ces expériences hybridées, bien au-delà du champ des études, essentiellement auprès de grands groupes internationaux. Concernant notre activité formation, celle-ci se compose de différents modules en présentiel, mais aussi des modules digitaux, dont certains en préparation axés sur la gamification, au sein du programme insightacademy ©.

Vous évoquiez précédemment le nombre de 6000 personnes formées…

En effet. Plus de 6000 personnes dans 17 pays à ce jour. Cela a commencé en 2012 avec un opérateur téléphonique leader qui nous accordé sa confiance pour engager un programme volontariste sur un public assez significatif, que nous avons déployé ensuite dans plusieurs pays du groupe. Nous avons ensuite conçu des programmes pour plusieurs grands groupes internationaux ou nationaux dans d’autres secteurs (grande consommation, luxe, loisirs, banque, etc.). Echanger avec plus de 6000 marketeurs d’horizons et de sensibilités différentes a très largement contribué à forger notre vision sur la manière d’approcher la centralité client, les pratiques et l’alignement culturel lié.

La recherche de l’insight et le processus qui s’orchestre autour de celui-ci est en quelque sorte le ciment de l’activité…

En effet, et cela se traduit aussi dans la façon dont nous conduisons les études, quel que soit leur type. La centralité assurée par le management de l’insight est au cœur de notre pratique étude : pour les études structurantes fondamentales, essentiellement des U&A internationales ou des études de management de la marque et de communication (qual & quant), mais aussi pour des études plus agiles, directement inspirée de la culture du Design Thinking, même si j’ai des scrupules à utiliser ce terme tellement il a été galvaudé (rires). 

Nos études en mode agile se basent sur des logiques itératives, au travers de design sprints où nous traitons par exemple dans l’univers alimentaire dans un temps resserré à la fois les propositions de valeur, les recettes et les packs dans un même sprint. De la même façon nous réalisons des workshops dédiés à l’activation 360 en partenariat avec les agences de nos clients.

L’avantage étant que comme l’insight est indispensable sur la totalité de la chaine de valeur, nous intervenons naturellement sur l’innovation amont, le marketing-mix, sur la marque, la communication ou sur l’activation en point de vente et les canaux digitaux. Nous avons la chance de travailler dans un contexte où la vision et la pratique des études est dé-silotée. En réalité, l’insight est un super outil de désilotage !

Vous jouez un rôle de garde-fou, de garant de la cohérence de la démarche ?

Je parlerais de rigueur et de discipline de la centralité client. Nous sommes là pour aider les équipes à conserver le consommateur au centre du processus d’innovation. La créativité a toute sa place dans celui-ci mais peut parfois amener à se laisser entraîner par la fascination que l’on a de sa propre idée, en perdant de vue ou en fantasmant les besoins du marché. Elle doit s’inscrive dans une démarche cohérente, qui apporte une réponse à de réels besoins de la part des consommateurs, et soit pertinente en termes de business. L’entreprise peut naturellement faire le choix de développer une offre de niche, dont le potentiel business sera limité, mais elle doit le faire en conscience. 

Nous pensons nos interventions « études » en tenant compte de l’écosystème de la chaîne de valeur de chaque entreprise, notamment ce qui s’est passé avant l’étude, et ce qui se passera après. Et il est vrai que notre activité conseil et formation nous donne probablement une façon différente d’imaginer notre mission « études ». 

Parlons de l’avenir de la fonction études ou Market Research. Celle-ci est fortement challengée aujourd’hui. Certains n’hésitent pas à dire qu’elle est même potentiellement condamnée… Quelle est votre vision à ce sujet ?

Depuis de nombreuses années maintenant les sources de connaissance client se multiplient au sein des entreprises. A côté des études historiques se multiplient en dehors du CMI, des travaux sur les données transactionnelles, les comportements digitaux (du web analytics jusqu’au social media listening), bref toute ce que l’on met derrière le terme générique de « big data », les remontées des services clients mais aussi la pratique du design thinking parfois initiée en marge des équipes études. On pourrait continuer d’énumérer. Le CMI devrait pouvoir aujourd’hui incarner le fédérateur de toutes ces formes de connaissance (y compris celle qu’il ne gère pas en direct). Mais une transformation culturelle est souvent indispensable et passe selon nous par trois questions. La première est son positionnement, est-il positionné comme un département de techniciens des études ou comme un business partner au centre de la stratégie et de l’écosystème de la chaîne de valeur ? La deuxième en partie liée à la première : est-il perçu comme légitime pour agréger la connaissance provenant d’autres directions ? La dernière est celle-ci plus technique : est-il équipé (profil, formation, compétences) pour se faire le coordinateur d’une connaissance client à 360. 

Je rebondis sur « Fonction condamnée ». Je pense que cela est plausible à assez court terme SI ces équipes s’isolent ou travaillent en silo, sans rendre les résultats de la connaissance consommateur appréhendables, ou même opérationnels pour les autres départements. Les CMI font face à un réel enjeu d’accompagnement marketing qui dépasse la question silotée des études et se joue sur l’amont et l’aval. Dans ce contexte, les études doivent être utilisées comme des outils au cœur de stratégie marketing, et non pas comme un apport « good to know » ou comme un instrument de sanction (go/non go). C’est en ce sens que je pense que la fonction CMI, au cœur de la connaissance et de la centralité consommateur a un rôle de conseil interne à jouer en accompagnant sur toute la chaine de valeur et doncpas uniquement de manière restreinte au moment de l’étude. C’est d’ailleurs dans cette logique que nous accompagnons les CMI et Brand Directors qui nous font confiance, quel que soit leur étape d’avancement dans leur transformation.

Est-ce que ce dernier point ne soulève pas des enjeux de profil – et notamment de cursus – des CMI ?

Oui, mais je crois qu’il ne faut pour autant pas s’enfermer dans le travers – très français – d’une exigence de dingue sur le cursus universitaire des candidats. Ce qui me semble essentiel dans ces fonctions-là, c’est la curiosité intellectuelle, l’esprit de synthèse, et la capacité à déployer et articuler cette double compréhension des consommateurs et du business. S’agissant de celle des consommateurs, je suis tentée de dire que c’est un prérequis un peu évident, comme la facilité de synthèse et d’analyse. On ne fait pas le métier de CMI si l’on pas cette aptitude en soi. Je crois aussi à la mobilité interne, à l’œuvre dans quelques rares entreprises, il est bon que les CMI puissent basculer sur des fonctions de chefs de produits par exemple ou que des chefs de produits puissent rejoindre les équipes CMI. Mais c’est encore une fois une question de culture.

C’est cette vision décloisonnée que nous appliquons à notre propre équipe, où chacun est impliqué à la fois en Market Research, le conseil marketing et la formation. Ce qui nécessite avant tout une culture marketing et business approfondie. 

Propos recueillis par Thierry Semblat


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Sandra Bretagne

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