Journée Nationale des Etudes : une 14ème édition sous la double bannière des émotions et de l’avenir de la profession – Interview de Maurice Ndiaye (Adetem)

4 Jan. 2019

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Dans quelques jours — le 24 janvier prochain — se déroulera la 14ème édition de la Journée Nationale des Etudes. Créée à l’initiative de l’Adetem et de l’UDA, celle-ci s’est imposée comme un évènement incontournable de la vie de la profession des études marketing en réunissant chaque début d’année tous ses principaux acteurs. 
Le thème des émotions et de leur bonne captation sera au coeur des échanges, de même que celui de la rénovation de ce métier. Pourquoi ces choix ? Et pourquoi ne faut-il pas « louper » cet évènement ? Ce sont les questions auxquelles répond Maurice NDiaye, administrateur à l’Adetem, associé chez Synomia et professeur de data marketing à Sciences-Po.

MRNews : La journée Nationale des Etudes est une institution, un des grands rendez-vous annuels de la profession. Pour qui ne connaitrait pas encore cet évènement, pourriez-vous en rappeler le principe ? 

Maurice NDiaye : La JNE a été créée à l’initiative de l’Adetem et de l’UDA avec une priorité claire, celle de fédérer les acteurs de la profession, qu’ils travaillent côté annonceurs ou bien dans les instituts et les sociétés d’études. Le parti-pris est de privilégier au maximum le partage des bonnes pratiques, les échanges, et ce sans prendre le risque de se laisser déborder par les préoccupations commerciales des uns ou des autres. Celles-ci sont légitimes bien sûr, et la JNE est une excellente occasion d’entretenir son réseau. Mais l’esprit général est d’abord et avant tout de faire évoluer ensemble les pratiques, d’échanger, ce qui est très structurant sur la nature des interventions, et aussi sur l’ambiance qui est plutôt détendue. Le programme est défini par un comité de professionnels, qui lance un appel à contribution sur la base du choix initial de thématiques, le plus souvent avec un large consensus. Comme le nom l’indique, le format est celui d’une journée unique, avec environ 300 participants.

L’édition précédente avait mis l’accent sur les enjeux liés à l’Intelligence Artificielle. Et pour 2018, c’est le thème des émotions qui est à l’honneur. C’est un sujet dont on parle pourtant depuis déjà quelques années… Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Ce thème s’est imposé naturellement, sans doute du fait d’une conjonction de facteurs. Je pense d’une part que l’on a affaire à une dynamique cyclique, ce qui est assez classique lorsque la technologie est présente. C’est la fameuse courbe de Gartner… Quand de nouvelles possibilités technologiques apparaissent, elles n’intéressent dans un premier temps qu’une communauté restreinte ; les échanges sont très techniques, au point que seuls des experts peuvent y participer. Puis vient une vague de diffusion et de vulgarisation — où des acteurs tentent assez logiquement de se mettre en avant — ce qui va de pair avec une inflation de surpromesses. Arrive ainsi naturellement une 3ème phase où l’on revient un peu sur terre, en prenant conscience des limites et des difficultés de mise en oeuvre. 

Et on repart alors dans un nouveau cycle…

Absolument, la condition sine que non étant que de nouvelles techniques apparaissent. C’est ce qui est train de se produire sur le terrain de la captation des émotions. Il était beaucoup question de ces enjeux il y a 4 ou 5 ans, même si on parlait peut-être plus de sentiments que d’émotions. Mais on se focalisait sur une notion de polarité (le principal décodage consistait à savoir si l’émotion était positive ou négative), l’éclairage était donc assez fruste. Ou bien on évoquait des appareillages techniques complexes. Cela a suscité un phénomène de déception, typique d’une fin d’un cycle. Un nouveau se développe aujourd’hui, avec l’arrivée à maturité d’un certain nombre de possibilités de captation des émotions, dont la reconnaissance faciale en particulier, qui ont leurs limites, mais permettent d’avoir moins de biais dans les interprétations. Et exit cette approche binaire que nous évoquions au profit d’une appréhension plus fine de la palette des émotions, qui sont au nombre de 7 ou 12 selon les théories ayant valeur de référence. Nous avons ainsi bien affaire à une nouvelle vague : on reprend le sujet en étant à la fois plus réaliste, plus précis, mais aussi plus opérationnel que par le passé. De nouvelles attentes sont là ; certaines seront satisfaites, d’autres pas car elles sortiront du champ de ce qu’il est réellement possible de faire aujourd’hui. Mais c’est dans l’ordre des choses et c’est ce qui amorcera ainsi le prochain cycle…

Dit autrement, il y un double effet de maturité. Méthodologique, sur l’appréhension même des émotions. Et aussi technique, sur la façon de les capter… 

Absolument. Il y a clairement en tout cas une plus grande maturité des utilisateurs, ce qui fait que l’on revient à des approches mieux maitrisées. La simplicité, cela consiste parfois à plus s’appuyer sur l’expertise humaine, en laissant de côté les algorithmes lorsque ceux-ci montrent leurs limites. Mais il faut ajouter à cela un autre point de contexte important, qui porte sur l’évolution des liens entre marques et consommateurs. La logique des marques est de procéder à un engagement croissant des consommateurs, une des voies les plus efficaces pour se faire étant de comprendre leurs émotions pour être en mesure de les susciter, via une expérience-client améliorée et maitrisée. Cela justifie aussi ce regain d’intérêt pour ces questions.

Comment ce thème des émotions va-t-il concrètement être abordé dans le déroulé de la journée ?

Il sera traité dans le cadre de deux tables rondes. L’une portant sur l’intégration des émotions dans la construction de la relation marque – consommateurs. La seconde s’intéressant elle plus spécifiquement à l’efficacité des communications. En deuxième partie de journée, nous aurons également l’occasion d’avoir la vision d’un cas client avec Coty, qui a élaboré une nouvelle stratégie de communication de l’insight, et présentera une approche disruptive de l’analyse et de la transformation de ses outputs.

Les émotions seront le grand thème de la JNE. Mais il sera aussi beaucoup question de l’enjeu de la mutation du métier des études marketing…

C’est exact. Mais ce sujet — qui sera abordé avec Syntec et Insights Hub – est en réalité une constante de l’agenda de la JNE depuis déjà quelques années, une sorte de passage obligé. On le voit bien, nous assistons à une multiplication des initiatives visant à mieux penser les évolutions de notre métier, avec toutes les interrogations qu’elles soulèvent… Va-t-il continuer à exister en tant que tel, ou bien va-t-il être absorbé par d’autres ? Quelle sera la place de la technologie ? Et celle de l’intelligence humaine ?… Ces questions ne datent pas d’hier. Ce qui change aujourd’hui, c’est que la prise de conscience s’accélère avec une pression croissante du marché. Il se passe beaucoup de choses, de nouveaux entrants — qui fonctionnent selon des modèles différents, plus intensifs en technologie — taillent des croupières aux acteurs traditionnels, les budgets se déplacent, les frontières sont de plus en plus mouvantes entre les instituts, les cabinets de conseil, les agences de communication… Il y a eu des acquisitions, mais la consolidation du marché est loin d’être aboutie. Dans ce contexte, beaucoup de réflexions partent un peu dans tous les sens. Il y a donc une vraie nécessité à ce que nous nous organisions pour mieux faire converger les énergies, et mieux identifier ce sur quoi nous allons atterrir, et aussi à quelle vitesse.

Une table ronde est également dédiée au renouveau générationnel dans l’univers des études… 

Ces sujets sont liés… Le marché évolue, fait apparaitre des options séduisantes pour les nouvelles générations. Et ces derniers sont d’autant plus enclins à se tourner vers elles qu’elles ne se retrouvent pas dans les approches traditionnelles. Un phénomène nourrit l’autre. 

Que diriez-vous à quelqu’un qui hésiterait à participer à la JNE ? 

Je pense que la JNE est tout simplement un évènement incontournable de la vie de la profession, avec la présence de tous les acteurs clés, qu’ils soient côté instituts ou annonceurs. C’est un vrai temps d’échange et de partage, convivial. Qui plus est, il intervient au meilleur moment possible dans l’année, celui où nous avons tous besoin de lever un peu le nez pour savoir et définir de quoi demain sera fait. C’est donc une opportunité qu’il ne faut pas laisser passer !

Propos recueillis par Thierry Semblat


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé  : @ Maurice NDiaye

• En savoir plus ou s’inscrire : Journée Nationale des Etudes

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