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« Réussir ses études en BtoB laisse peu de place à l’improvisation ! » – Interview de Mustapha Smail (directeur-fondateur de Le Terrain)

12 Sep. 2018

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Le BtoB (business to business) apparait le plus souvent comme un univers bien à part dans le marketing et les études, dont on ne se préoccupe que bien peu au regard de son poids réel dans l’économie, pourtant considérable. Il est aussi synonyme d’une certaine complexité, avec de vrais risques à se « planter » dans les projets d’études de marché pour qui ne tiendrait pas suffisamment compte des particularités qui sont les siennes.
Quelles sont donc les spécificités importantes à intégrer pour réussir ses études marketing en BtoB ? Quels sont à contrario les principaux pièges à éviter ? Mustapha Smail, directeur-fondateur de Le Terrain— qui consacre une part significative et croissante de son activité à cet univers — nous fait partager sa vision sur ces enjeux.

MRNews : Le Terrain dédie une partie significative de son activité au Business to Business, qui est un univers un peu à part dans l’univers des études. Comment évolue la demande pour ce type d’études, identifiez-vous des tendances marquantes ?

Mustapha Smail (Le Terrain) : La demande est plutôt croissante pour ce qui nous concerne, ce qui nous a conduits à nous renforcer récemment avec l’arrivée de Dorine Maro. Et l’on observe les signes d’un besoin latent pour des études BtoB à l’échelle internationale. Nous faisons également le constat d’une évolution de la nature des problématiques, avec notamment une explosion du nombre de projets ayant trait à l’expérience-client et à la transformation digitale. Ce qui reflète bien évidemment les évolutions des enjeux de nos clients, une des particularités majeures de l’univers du BtoB étant que les entreprises sont soumises à un impératif permanent de transformation. L’obligation à se remettre en cause est nettement plus forte dans cet univers que pour les activités de type BtoC, la complexité des marchés – avec l’imbrication entre les différentes parties prenantes – y étant en général bien supérieure. Et l’information y est le nerf de la guerre. C’est d’abord et avant tout la capacité à disposer des bonnes informations — et à les traiter — qui fait la différence entre les entreprises…

Les études BtoC se sont considérablement transformées depuis ces dix ou quinze dernières années, en particulier avec le digital et la banalisation des recueils online. On peut avoir le sentiment que les changements ont été de moindre ampleur côté BtoB. Est-ce le cas ?

Quitte à surprendre, j’aurais tendance à relativiser l’importance de certaines évolutions. D’une certaine façon, nous sommes sur un continuum : le support dominant utilisé pour effectuer les enquêtes change — avec le face à face, puis le téléphone et internet — mais le métier de base demeure identique puisqu’il consiste encore et toujours à interroger les gens ! La rupture la plus essentielle porte sur la nature des populations de référence, avec l’introduction des panélistes et une forme de « professionnalisation » des répondants, ce qui peut parfois soulever de vraies questions sur la représentativité des études réalisées. Je dis « parfois » parce que cette représentativité n’est pas systématiquement nécessaire. Mais lorsqu’elle s’impose, cette professionnalisation des répondants pose question. Cette évolution a fortement impacté les études en BtoC. Même si le phénomène a moins d’ampleur, il est également présent dans les études BtoB avec la constitution de panels de professionnels. 

Le recueil via internet est bien moins utilisé en BtoB qu’il ne l’est côté BtoC… 

Oui, c’est évident. Internet est un outil de recueil intrinsèquement formidable. Il permet d’intégrer du son, de l’image, et de procéder à des interrogations qui seraient très voire trop complexes à mener par téléphone, par exemple pour des études de type Trade Off. Mais il y a une limite considérable à son usage, qui est la difficulté à joindre les gens et à faire en sorte qu’ils répondent. Cela rend ce médium très peu exploitable pour des études en BtoB… On peut être tenté de monter des dispositifs de recueil mixtes, associant le téléphone et internet. Mais l’expérience nous montre que cela demande beaucoup d’efforts pour des résultats le plus souvent décevants. Au global, le téléphone  est le médium qui réunit le plus d’avantages pour réaliser des études en BtoB.

Si l’on fait le tour des autres spécificités à prendre en compte pour réussir ses études de type BtoB, lesquelles vous paraissent être les plus importantes ? 

L’identification du bon interlocuteur et l’obtention du contact font partie des enjeux les plus essentiels dans la réussite de ce type d’études. L’entreprise est une organisation souvent complexe, il est donc indispensable de consacrer un temps de réflexion quant à la définition de la cible et à la façon de rentrer en contact avec elle, et de s’organiser très précisément en fonction de ces éléments. Du côté pratique — cela fait le lien avec ce que nous avons précédemment évoqué — le téléphone présente de très gros atouts en ce sens. Il permet à l’enquêteur de s’adapter pour contacter le bon interlocuteur, au-delà des informations contenues dans le fichier. Et de déclencher une interaction humaine. Procéder par mails, pour inviter les gens à se connecter à un site web, relève quasiment de la mission impossible, sauf cas très particulier, ne serait-ce que parce que les contacts potentiels sont inondés de messages dont le tri peut-être  délégué s’ils ont des responsabilités importantes. Le téléphone est d’une efficacité sans commune mesure pour initier le contact. 

Se donner les moyens d’entrer en contact avec les bons interlocuteurs est une condition majeure, mais encore faut-il que ceux-ci acceptent l’interrogation…

Bien sûr. Le fait d’être dans une interaction humaine apporte un plus énorme, mais il faut associer à cela un certain nombre de conditions. Être transparent sur la nature de l’étude et son commanditaire — sans biaiser comme on peut le faire en environnement BtC — au travers d’une introduction percutante. Bien évidemment, il est impératif que le sujet présente un intérêt pour l’interlocuteur. Et il faut disposer d’un questionnaire bien construit, correctement rythmé, et administré par un enquêteur expérimenté et ayant le sens du timing. 

Quelles sont les durées de questionnaire à ne pas dépasser ?

Il n’est pas si évident de répondre à cela, cette durée étant très extensible si le sujet de l’étude est pertinent, le questionnaire bien fait et si l’enquêteur est agréable. Une durée de 20 minutes nous parait être une limite acceptable.

Un enjeu délicat est celui de la représentativité des études de marché menées sur ces cibles BtoB. Quels sont les points qui vous semblent essentiels pour maitriser celui-ci ?

Il n’y a pas de difficulté particulière à maitriser la mise en œuvre de la représentativité des enquêtes. C’est un travail rigoureusement indispensable – et dont l’importance est malheureusement souvent sous-estimée – sur la définition de la population de référence telle qu’elle peut être appréhendée au travers du fichier SIREN qui est un fichier exhaustif. La question interfère parfois avec celle de la nature de l’interlocuteur à interroger. 

Dans la plupart des enquêtes, nous sommes obligés de sur-échantillonner les entreprises de plus de 250 salariés qui sont beaucoup moins nombreuses que les autres. Se pose souvent la délicate question du secteur d’activité qui nécessite une attention particulière car les entreprises sont regroupées par code NAF et que, dans un certain nombre de cas, celui-ci n’est pas le reflet exact de l’activité. Ou encore certaines entreprises développent différentes activités sous un code NAF unique. Enfin, il faut bien déterminer la population recherchée (Entreprises ou établissements).

Quels sont les écueils les plus dangereux à éviter ?

Un des pièges les plus importants consiste à surestimer la disponibilité des interlocuteurs cibles, la population la plus difficile à investiguer en dehors des dirigeants dans les grandes entreprises, étant les responsables marketing ou communication en dehors des dirigeants ! Il faut être réaliste par rapport à ce paramètre, faute de quoi on va très vite dans le décor, l’étude devient extrêmement couteuse ou même parfois il est impossible de la faire aboutir. 

Par ailleurs, un autre facteur de risque est la qualité des fichiers clients des entreprises. Ces fichiers n’ont pas été pensés pour réaliser des études, mais pour des besoins tout autre. Les mauvaises surprises sont fréquentes pour ne pas dire quasi-systématiques. Il est donc préférable d’anticiper, et de ne pas se donner des délais d’études irréalistes compte tenu du travail à mener pour pallier les limites de ces fichiers. 

Il faut aussi des enquêteurs motivés cas la recherche BtoB est beaucoup plus difficile que la recherche des particuliers. Il faut enfin disposer d’un bon logiciel pour gérer la base de données et les rendez-vous.

Une dernière question enfin : voyez-vous des pistes d’évolution intéressantes pour les études BtoB dans les années à venir ?

Le coût des contacts constitue un des paramètres clés dans l’économie des études BtoB. Il pourrait donc être intéressant de pouvoir s’appuyer sur un outil mutualisé, avec une population de référence permettant de travailler une large variété de cibles et de sujets. C’est un des projets sur lesquels nous avançons.

Par ailleurs, il nous semble qu’il y a une piste à creuser, qui consiste à appréhender les responsables en entreprise comme des individus atteignables via des fichiers BtoC. Si l’univers du BtoB est très spécifique à  bien des égards, il n’y a pour autant pas une étanchéité totale avec celui du BtoC.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) ou en savoir plus sur l’étude : @ Mustapha Smail

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