# Etudes marketing et do-it-yourself : pour le meilleur ou pour le pire ? (volet 2)

"Nous vivons une mutation profonde et positive"

Frédéric Petit
CEO d'ITWP et fondateur de Toluna

7 Juin. 2018

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Et si le do-it-yourself dans les études n’était pas une simple commodité de plus pour les équipes des entreprises, mais plutôt la composante d’une véritable mutation, celle de la digitalisation et du « on demand » ? C’est la conviction clé de Frédéric-Charles Petit, CEO du groupe ITWP (Harris Interactive Europe et Toluna) et fondateur de Toluna — l’un des pionniers mondiaux du DiY — qui nous fait partager sa vision d’une mutation à la fois inéluctable, parce que la digitalisation est une évidence. Mais positive, parce que porteuse de réels bénéfices pour les parties prenantes.

MRNews : Avec la dernière édition de notre baromètre, nous évaluons à 56% le taux de pénétration des études en mode DiY, avec 28% d’utilisateurs réguliers. Ces chiffres vous surprennent-ils ? Correspondent-ils à votre vision du marché ?

Frédéric Petit (Toluna) : Ces ordres de grandeur me paraissent tout à fait cohérents, en particulier si vous interrogez des personnes ayant des responsabilités opérationnelles, et que vous allez au-delà des seules fonctions études au sein des entreprises. Le DiY recouvre un spectre important de pratiques : de la programmation de sondages, de l’analytics, de la collecte d’informations en temps réel… Mais il est en très forte croissance, ce qui traduit le fait qu’il répond à de vrais besoins, de flexibilité, de rapidité, et même de fonctionnement « in real time ».

Il y a quelques années, le DiY apparaissait d’abord et avant tout comme une solution permettant à de nouvelles populations de réaliser des études, alors que cela leur était impossible. On pouvait donc le considérer comme un marché incrémental à celui des études « traditionnelles ». Mais l’usage n’est-il pas en train de s’installer auprès de spécialistes des études, en substitution des prestations des instituts ?

Je crois que cela serait un contresens de voir le DiY comme n’étant qu’une solution incrémentale, « nice to have ». Dans ma vision des choses, le do-it-yourself s’inscrit dans un phénomène de fond, majeur, qui est celui de la digitalisation des études, de l’insight. Tout s’est digitalisé en l’espace de quelques années : le marketing, la communication, l’économie au global. Il n’y a aucune raison que les études échappent à cette mutation. Mon propos n’est absolument pas de dire que les études traditionnelles doivent disparaitre, mais le fait est qu’une grande partie des études ad’hoc peuvent désormais être réalisées en DiY ou en mode « Assisted DiY », c’est-à-dire de façon quasi automatisée. C’est vrai aujourd’hui, cela le sera encore un peu plus demain et après-demain, ces solutions permettant de délivrer des données et des insights fiables, dans un délai extrêmement court voire en temps réel.

Et cette digitalisation contribue également à démocratiser les études, à ouvrir celles-ci à d’autres services dans l’entreprise : la R&D, la communication, l’innovation, et bien d’autres encore, qui ont ainsi accès à de nouveaux outils d’aide à la décision.

Les avantages les plus souvent évoqués pour le DiY sont d’ordre économique, le DiY coûte moins cher que les études traditionnelles. Mais vous dites en substance que le bénéfice le plus important n’est pas nécessairement celui-là…

C’est évident. Le DiY et la digitalisation apportent de vraies réponses aux besoins des clients, à commencer par celui de pouvoir accéder à la donnée et aux insights 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Entendons-nous, l’idée n’est pas de permettre aux gens de pouvoir faire en une semaine ce qui leur en demandait trois auparavant, mais plutôt de pouvoir le faire en deux heures ! Derrière cela, il y a la technologie et tout le travail de R&D pour faciliter et simplifier les processus d’études. Là encore, soyons clair, je ne dis pas que ces outils permettent de faire des études simples. Le bénéfice qu’offre la technologie est de rendre simple ce qui est intrinsèquement complexe. Ainsi il ne faut plus être expert des études pour réaliser un test de concept. Vous pouvez le faire en vous appuyant sur une méthodologie éprouvée qui est simplement automatisée. C’est efficace, rapide et effectivement compétitif. Il en est de même si vous avez besoin d’un test de packaging, d’une étude de positionnement ou bien encore d’une approche du type Usages et Attitudes. 

Ces possibilités reposent sur une automatisation du « design » de ces études ?

Absolument. Nous avons travaillé avec les meilleurs experts pour élaborer les modules de programmation les plus efficients. Si vous réalisez un test de concept, vous êtes assistés dans la rédaction du questionnaire. Il va vous aider à formaliser les concepts que vous souhaitez tester, et à définir les cibles qui vous intéressent. Et l’output que vous allez obtenir consiste en une infographie interactive, communicable aux équipes, qui va mettre en exergue quels concepts fonctionnent le mieux pour les différentes cibles, avec les arguments les plus percutants. Ce sont là encore les avantages liés à la technologie et aux énormes efforts de R&D qui ont été mis en œuvre, le client disposant ainsi d’une solution efficace et de bout en bout.

Harris Interactive fait partie intégrante du même groupe que Toluna. J’imagine que leurs équipes ont fortement contribué au design de ces outils ?

Harris et Toluna ont les mêmes actionnaires mais ne remplissent pas la même fonction. Harris Interactive et Toluna sont deux sociétés distinctes au sein du groupe ITWP, mais des collaborations existent. Les outils que j’ai évoqués ont été désignés avec l’expertise d’Harris Interactive, que le groupe a digitalisé, l’institut –comme d’autres acteurs du secteur- s’appuyant aujourd’hui sur notre technologie. Et nous sommes en train d’aider un certain nombre d’autres sociétés à faire de même, à digitaliser leur mode de fonctionnement avec le support de notre plateforme. S’appuyer sur le DiY est une réelle opportunité pour les acteurs de notre industrie. 

Pour les équipes études des annonceurs, le développement du DiY est porteur d’un risque : celui de voir d’autres acteurs au sein de l’entreprise réaliser leurs propres projets, sans coordination, alors que ceux-ci n’ont pas forcément l’expertise nécessaire… Pensez-vous qu’il y a lieu pour Toluna d’aider les entreprises à gérer ce risque ?

Ce risque existe, comme dans beaucoup d’autres domaines liés au digital dans les entreprises. Mais il me semble qu’il est gérable. Il est impératif de bien former les utilisateurs. Et c’est une des raisons qui nous fait proposer aux entreprises de fonctionner selon le principe de l’Assisted DiY — qui est une part grandissante de notre activité — avec une formation, mais aussi plus largement un accompagnement continu et à la demande des utilisateurs de la plateforme. Nous y voyons une opportunité pour les équipes études. Celle de valider les méthodologies et les outils en amont et ainsi de s’assurer de la bonne utilisation en interne et de rassurer les équipes sur la pertinence des dispositifs. C’est une évolution naturelle de la fonction étude qui de notre point de vue va prendre encore plus d’importance au sein de l’entreprise.

Vous avez pris l’initiative de créer un consortium « Insights On Demand ». Pourquoi et quelle est la vocation de celui-ci ? Et comment ce concept « on demand » s’articule avec le DiY ?

A l’origine, il y a une réflexion sur notre positionnement et une interrogation sur ce que nous apportons fondamentalement au marché. La réponse est ce concept de « on demand » : une nouvelle approche consistant à rendre la compréhension des consommateurs et la collecte des insights accessibles à un public plus large que celui des professionnels des études, via des solutions complètes, et en intégrant ce besoin des entreprises de fonctionner « en temps réel ». Pour apporter ces bénéfices, la technologie est incontournable. Le concept de « Insights On Demand » intègre donc bien le DiY tel que nous le proposons, mais sans se limiter à celui-ci. J’ajoute que, même si nous sommes pionniers de ces approches, nous n’estimons pour autant pas être seul « dépositaire» de ce concept, qui dépasse Toluna parce qu’il s’agit en réalité d’une véritable nouvelle catégorie dans le marché.

Des grandes marques ont rejoint ce consortium. Quelles sont leurs motivations ?

Les membres du consortium ont la possibilité d’échanger dans un cadre privé, avec un partage des best practices, mais aussi l’identification de tendances émergentes. Et ils contribuent naturellement à promouvoir cette nouvelle « catégorie » de démarche, en faisant valoir l’alternative et la complémentarité qu’elle représente à côté des approches plus traditionnelles. Des professionnels de sociétés prestigieuses nous ont en effet rejoints : Nike, Amazon, Sony, Pepsi, P&G, L’Oréal… Le fait que des représentants d’une société comme Amazon aient intégré notre consortium me semble extrêmement emblématique de la pertinence de cette initiative. S’il y a un leader mondial du « On Demand », c’est bien Amazon !

Quelle est votre vision quant aux principaux challenges qui vous attendent sur les 5 ou 10 ans à venir sur le DiY, et plus largement sur cet univers que vous avez évoqué ?

Quand nous avons contribué au passage massif du off-line vers le on-line, dans le début des années 2000 en particulier, nous étions dans un contexte de transition. Ce qui se joue là avec la digitalisation des études et le « on demand », c’est plus que cela, c’est une véritable mutation du secteur, avec des bénéfices importants pour les clients comme le temps réel, ou encore la démocratisation de l’accès aux insights. C’est ce qui me fait considérer que le marché est encore plus positif qu’il ne l’était début 2000. En 2000 il s’agissait d’une transition dans la méthode de collecte de l’information. Ici il s’agit de bien plus, c’est la digitalisation de l’accès à l’insight dont il s’agit. Je pense que nos fondamentaux sont réellement bons. C’est la raison de notre croissance. Mais dans ce nouveau monde digitalisé, il est impératif de continuer à innover. Nous sommes depuis longtemps déjà engagés dans cette logique, avec un ADN technologie, qui se traduit par le fait que nous nous appuyons aujourd’hui sur une centaine d’ingénieurs, qui sont considérés chez nous à parité d’importance avec les « researchers ». Ils sont égaux, ils communiquent et travaillent ensemble depuis notre création. C’est notre force. Mais il faut que nous poursuivions !

L’innovation, l’innovation et encore l’innovation, c’est ainsi que l’on peut résumer vos priorités ?

Oui, certainement l’innovation est notre obsession. C’est la clé. Mais nous devons aussi être bons dans l’accompagnement des équipes insights dans cette mutation. Et c’est aussi une transformation pour nous parce que nous devenons un partenaire stratégique de nos clients, pas seulement pour leur collecte d’informations, mais plus largement dans la réussite de leur mutation digitale.


 POUR ACTION  

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