Le téléphone fixe est-il condamné à disparaitre dans les études marketing ? #1

21 Nov. 2016

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Pour qui a un minimum d’ancienneté dans les études marketing, la question peut paraitre pour le moins étonnante : comment pourrait-on s’acheminer vers une marginalisation progressive de ce medium, qui était il y dix ou quinze ans le moyen le plus largement utilisé pour réaliser des enquêtes ? Et pourtant… Avec le développement extraordinaire du online, mais aussi la diffusion du téléphone mobile, la question se pose réellement de la place du téléphone fixe dans les études, et de la façon dont celle-ci devrait évoluer dans les années à venir.
C’est le thème de ce fil que nous ouvrons ici avec un premier avis d’expert(s), celui de Christophe David et Valérie Blineau (Ipsos)

 

MRNews : Vous êtes intervenus sur la question de la place du téléphone fixe dans les enquêtes dans le cadre du dernier colloque Francophone sur les sondages qui s’est tenu à Ottawa.  Et ce sur un point très précis : celui du bon équilibre à trouver entre le fixe et le mobile dans les enquêtes aléatoires. Quelles sont vos convictions sur ce point et sur la meilleure façon de faire évoluer les pratiques ? Et quels sont en amont les points de constats majeurs qui guident ces convictions ?

Christophe David / Valérie Blineau (Ipsos) : Au travers de nos enquêtes en aléatoire par téléphone, nous observons que le profil des personnes interviewées sur leur téléphone mobile se rapproche progressivement de celui de la population française (structure du recensement Insee). Et à l’inverse, nous faisons le constat d’une déformation de plus en plus marquée du profil de la population interrogée sur téléphone fixe (plus âgée, plus sédentaire, …). Cette évolution du profil des personnes interrogées est naturellent liée à l’évolution des équipements et usages du téléphone (plus individuel). La complémentarité des modes de contact (fixe ou mobile) permet d’observer des différences de comportements à profil sociodémographique identique du fait que les personnes jointes sur téléphone fixe ne sont pas tout à fait les mêmes que celles interrogées sur téléphone mobile.

Quelles sont les conséquences ?

Selon nous, l’augmentation du poids du mobile dans les enquêtes par téléphone doit être progressive en population générale (de type 18-75 ans) afin de ne pas exclure une partie de la population joignable exclusivement sur téléphone fixe, qui a des caractéristiques très spécifiques. Ce poids doit ainsi être adaptée à la cible enquêtée.

Sur des enquêtes ciblant des populations jeunes (18-39 ans) où le taux d’équipés d’un téléphone mobile est de 98%, les appels peuvent être réalisés exclusivement à partir de numéros de téléphones mobiles. Mais il y a des limites à cette logique…

Mais encore, quelles sont ces limites ?

Pour les enquêtes ciblées sur des zones géographiques précises, il est plus difficile et coûteux de réaliser des enquêtes sur téléphone mobile en l’absence d’annuaires de tailles suffisantes et sans notion géographique dans les numéros de mobiles (racines 06/07 sans lien avec la zone de résidence à la différence des numéros de téléphones fixes : racines de 01 à 05). Pour ce type d’enquêtes, nous préconisons soit de réaliser 100% des interviews sur fixe, soit l’utilisation d’annuaires de mobiles, même si ces derniers ne sont pas exhaustifs et présentent des biais.

Le téléphone mobile a pris un poids considérable dans les communications téléphoniques des Français, double à celui du fixe. Au global, constate-t-on une baisse de la joignabilité de la population via le téléphone ?

Effectivement, la place du téléphone mobile est de plus en plus importante et la relation que l’on a au téléphone est de plus en plus individuelle. Nous constatons une baisse sensible des « décrochés » sur le téléphone fixe, sans doute parce qu’il n’est pas directement lié à un individu mais à un foyer. Dit autrement, plus les individus sont équipés de téléphone mobile, moins ils se sentent concernés par les appels sur le téléphone du foyer.

Joindre les individus sur le support qu’ils utilisent le plus est donc une priorité. Notre rôle est de nous adapter à ces comportements et à trouver des techniques qui optimisent le taux de contact (sms, appels non masqué, messages sur répondeur…).

Il faut rappeler néanmoins qu’aujourd’hui, dans les enquêtes par téléphone réalisées en France, nous obtenons des taux de participation très satisfaisants et bien supérieurs à ceux obtenus dans d’autres pays.

Peut-on imaginer que l’usage du téléphone fixe devienne marginal dans ce type d’enquête ?

En fonction de la population ciblée par l’enquête, l’usage du téléphone fixe pourra effectivement devenir marginal. Il l’est déjà pour certaines populations, les plus jeunes par exemple.

Une des particularités méthodologiques françaises est le recours assez systématique au principe des quotas, le réflexe dominant des anglo-saxons étant celui du tirage aléatoire. Pensez-vous que cette particularité va plutôt s’estomper dans l’avenir, ou bien elle a toutes les chances de perdurer ?

A priori, cette particularité devrait perdurer compte tenu du délai plus long nécessaire et du coût relativement plus élevé des enquêtes en aléatoire. Les études sur quotas ont l’avantage de pouvoir être réalisées rapidement, à moindre coût et avec des résultats empiriques fiables.

Plus largement, comment voyez-vous l’avenir du téléphone fixe dans les enquêtes dans les 5 ou 10 ans à venir ? 

Cette question a déjà été posée il y a 10 ans et certains prédisaient la fin des enquêtes sur téléphone… Ce que l’on peut dire c’est qu’il faut constamment s’adapter aux usages des individus, aujourd’hui nous allons de plus en plus vers des enquêtes multi modes qui permettent d’utiliser le « bon moyen » de joindre une population (certains répondent plus volontiers par internet (PC, smartphone, tablette…), d’autres par téléphone…). Nous devons nous adapter à une diversité d’usages et comportements.


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewés : @ Christophe David  @ Valérie Blineau

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