La réalité virtuelle décroche l’or ! – Interview d’Isabelle Goisbault (Stratégir), lauréate du Trophée Or du marketing dans la catégorie Etudes.

21 Juin. 2016

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Si l’usage de la réalité virtuelle dans les études marketing ne date pas d’hier, il était resté jusqu’ici assez marginal. Il se pourrait bien pourtant que l’on assiste à un tournant avec la démocratisation des outils permettant à tout un chacun de vivre des expériences d’immersion à 360°. Un signe particulièrement fort vient d’être donné en ce sens avec l’attribution du Trophée Or 2016 du Marketing dans la catégorie Etudes au tandem Stratégir – Samsung Electronics France pour l’usage de la réalité virtuelle dans les problématiques Shopper. Isabelle Goisbault, DGA de l’institut d’études Stratégir, nous dit tout sur cette expérience et ses enseignements. 

 

MRNews : Vous venez de remporter avec Samsung Electronics France le Trophée Or du marketing dans la catégorie Etudes pour l’utilisation de la réalité virtuelle dans les études de type Shopper. Pourquoi le monde des études s’intéresse-t-il autant – et même de plus en plus – au virtuel ?

Isabelle Goisbault (Stratégir) : La réalité virtuelle présente un avantage clé : elle nous permet de contourner les difficultés que soulève l’organisation de tests « en réel », qui peuvent être redoutables lorsqu’on s’intéresse à des espaces de vente ou même à des agences. Disposer des autorisations nécessaires en temps et en heure relève parfois de la mission impossible. Et une fois celles-ci accordées, se pose alors le problème de la bonne maitrise de l’environnement et donc des conditions de test. On doit par exemple tester une PLV, sauf que celle-ci est cachée par celle du concurrent. Il peut aussi y avoir une volatilité du profil des clients d’un jour sur l’autre, qui obère la possibilité d’apporter des conclusions franches. Et il peut enfin se rajouter à tout cela des enjeux de confidentialité pour la marque. Le virtuel est donc une piste naturelle pour contourner cet ensemble de difficultés, avec une plus grande facilité à tester des éléments toutes choses étant égales par ailleurs.

J’imagine qu’il peut aussi y avoir des problèmes de faisabilité économiques avec les conditions « en réel »…

Absolument ! Avec la réalité virtuelle, on peut en effet tester beaucoup plus de pistes, et y compris certaines qui engageraient des dépenses trop importantes pour être testées en conditions réelles. Il est naturellement possible de prendre l’option des magasins reconstitués, qui permettent de lever un certain nombre de difficultés. Mais le virtuel va offrir une bien plus grande souplesse. Et il peut permettre enfin à l’annonceur de faire des économies considérables.

Il faut néanmoins distinguer deux grands modes de recours au virtuel. L’option la plus usitée consiste à faire visualiser les éléments à tester sur un écran d’ordinateur, avec des solutions online. Elle peut apporter des éléments intéressants, mais elle comporte également des limites : la taille de l’écran fait que l’on s’écarte très sensiblement des modes de perception « en réel ». Si l’on souhaite identifier des modifications de comportements, par exemple des achats en linéaire, notre conviction est qu’il faut proposer des matériaux à taille réelle ou en tout cas s’en approchant fortement. D’où l’intérêt du virtuel en mode immersif !

Venons-en donc au projet sur lequel vous avez travaillé avec Samsung Electronics France. Quel était leur besoin ?

Il y a un peu plus d’un an, Emmanuel Malard – le responsable des études — nous a soumis une idée qui nous a enthousiasmés : sachant qu’ils avaient régulièrement le besoin de tester l’aménagement de leurs boutiques, pourquoi ne pas tester dans un protocole d’étude l’usage de leur casque VR Gear, qui est conçu pour offrir aux consommateurs l’expérience de la réalité virtuelle dans des conditions d’immersion extrêmement poussées. Et nous avons dit Banco !

Le test ne s’est pas réalisé immédiatement….

Non, parce qu’en effet, cela a nécessité un assez gros effort de développement de la part de l’équipe Toonga, notre département Image & Technology. A la fois pour obtenir une réelle immersion à 360°, et un rendu réaliste. A l’issue de quoi nous avons pu modéliser l’espace Samsung de La Madeleine.

Vous avez donc comparé différentes options d’études ?

Tout à fait. Nous avons réalisé l’étude avec 22 consommateurs (qui n’étaient pas que des geeks, loin de là !), en les invitant à effectuer l’achat d’un smartphone dans 3 types de magasins. Il y avait naturellement le « vrai » magasin, le physique, avec un animateur qui leur imposait un parcours ; le magasin visualisé au travers du casque ; et enfin le magasin représenté virtuellement au travers d’une vidéo-projection sur écran. Les ordres de visites étaient alternés selon les participants.

Quelles ont été les réactions des consommateurs lorsqu’ils ont été confrontés à l’expérience du casque ?

En amont du test, nous nous posions beaucoup de questions sur ce que serait le vécu des répondants. En réalité, les retours d’expérience ont été extrêmement positifs. Ils ont unanimement évoqué la sensation de s’être sentis littéralement téléportés dans le magasin, avec une très grande impression de réalisme mais aussi de liberté, comme s’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient. Ils nous ont dit aussi s’être sentis un peu coupés de l’extérieur, avec la sensation d’une grande tranquillité et la possibilité ainsi d’être très concentrés sur la visite. Leur feedback intègre enfin le sentiment d’être pleinement « acteurs » de leur parcours avec le casque, à la différence notamment du visionnage sur écran.

En amont de l’expérience, une de nos fortes appréhensions était que l’effet de surprise soit tel qu’il « vampirise » l’étude. Du coup, nous avons intégré dans le protocole une phase de découverte : les gens se retrouvaient immergés dans un premier environnement qui n’avait rien à voir avec l’étude, mais qui leur permettait de se familiariser avec l’objet et les sensations qu’il procure, et de trouver ainsi leurs repères (ne serait-ce par exemple que la bonne façon de s’assoir ou de se mouvoir). Et la bonne surprise est que cet apprentissage se fait extrêmement vite, en quelques minutes seulement.

Quelles sont les limites éventuelles de l’outil ?

La qualité de l’image proposée avec le casque (et le smartphone qu’il intègre) est très bonne, surtout dans un contexte d’immersion où le cerveau trouve très vite les repères nécessaires. Mais le niveau de définition reste inférieur à celui d’un rendu photo « réaliste ». L’outil est excellent pour appréhender l’espace, mais il ne permet pas de lire des petites mentions. On ne peut donc pas l’utiliser pour des tests de packs par exemple. Par ailleurs, les consommateurs étaient demandeurs d’une plus grande intégration de facteurs d’ambiance, avec de la musique ou la présence de vendeurs. Ce sont des points sur lesquels nous sommes en train de travailler.

Au global, quelles sont donc vos principales conclusions quant aux applications de cet outil dans les études marketing ?

Il y a pour nous trois grands types de problématiques pour lesquels ce procédé apporte des avantages importants, voire même spectaculaires. Dans le domaine du Retail, il est idéal pour tester l’impact d’une PLV ou comprendre l’impact des différents touch-points dans le parcours client. Il apporte également beaucoup pour appréhender ce que les gens ressentent dans un espace de vente, quelles sont les émotions vécues, l’image que cela renvoie de la marque. Mais aussi pour apprécier la pertinence et la lisibilité du parcours proposé et des aménagements.

Mais nous envisageons également d’utiliser ce dispositif dans le cadre de certains tests de produits, en particulier lorsque l’enjeu de contextualisation est important. On peut par exemple donner aux gens l’impression d’être téléportés sur une plage, ou bien dans un bar. L’idée est en tout cas de pouvoir être le plus cohérent possible avec l’univers de consommation spécifique au produit, ce qui n’est vraisemblablement pas neutre sur les perceptions des consommateurs.

De votre côté, la décision est prise d’intégrer cette solution dans votre boite à outil ?

Oui, absolument. Cela ne remplacera pas certaines techniques comme la vidéo-projection, qui reste la meilleure option dans certains cas. Mais le virtuel permet réellement d’apporter des réponses à des problèmes jusqu’ici quasi insolubles. C’est une gageure par exemple que de travailler en magasin reconstitué dans l’univers de l’Ultrafrais, avec des rayons de plus de 15 mètres de long. Certaines marques dépensent des millions d’euros dans des magasins reconstitués ou des boutiques pilotes pour pouvoir faire des tests régulièrement. Avec le virtuel, on obtient des réponses extrêmement précises et ce pour des coûts de développement qui sont plutôt de l’ordre de la dizaine de milliers d’euros.

Une dernière question enfin : le propre de la technologie est d’évoluer en permanence. Avez-vous d’ores et déjà prévu de nouveaux développements sur la base de cette technique ?

Oui, nous travaillons notamment en partenariat avec Tobii avec l’idée de pouvoir intégrer des mesures eye-tracking dans le dispositif même du casque. Cela permettrait de suivre ce que les gens regardent, avec toutes les possibilités d’analyse que cela ouvre. C’est une démarche qui nécessite un développement spécifique que nous souhaitons mettre en œuvre à moyen terme, pour apporter une solution extraordinairement puissante aux besoins de nos clients. 


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewés : @ Isabelle Goisbault

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