Dis-moi de quoi tu as peur, et je te dirai qui tu es ! (Résultats d’études)

23 Mar. 2016

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Les médias décrivent régulièrement les Français comme une population particulièrement exposée à la peur, les attentats de novembre 2015 n’ayant a priori pu que renforcer ce sentiment … Mais ont-ils en réalité si peur que cela ? Et de quoi ? Ce sont les questions clés qui ont incité Mustapha Smail (Le Terrain) et Gilles Achache (Scan Research) à mettre en place un baromètre dédié à cette thématique, qui se révèle être un prisme particulièrement riche pour observer et comprendre qui sont les Français. Ou pour le formuler autrement : dis-moi de quoi tu as peur, et je te dirai qui tu es !

 

MRNews : Vous êtes intéressés aux peurs des Français, avec la création d’un baromètre dédié à ce thème. Pourquoi cet intérêt ?

Gilles Achache / Mustapha Smail : La peur, ou la crainte, est une des grandes motivations universelles des êtres humains. Elle est présente derrière un grand nombre de nos comportements, dans nos vies personnelles ou dans les choix que nous sommes amenés à faire en tant que citoyens, et naturellement en tant que consommateurs…

Kapferer dit que la vocation des marques est d’aider les gens à se prémunir des risques associés à l’achat d’un produit. La peur fait vendre ?

Certainement, même si elle n’est pas le seul moteur bien sûr. Il nous a semblé en tout cas que cette notion de peur constituait un prisme puissant pour observer et comprendre les Français, et susceptible d’intéresser un grand nombre d’acteurs. Nous avons donc pris la décision de créer cet observatoire, en interrogeant régulièrement un échantillon de 1000 personnes, la première mesure réalisée fin septembre – début octobre de l’an dernier ayant même porté sur un peu plus de 2000 Français.

Concrètement, comment sont formulées les questions et selon quel cheminement les avez-vous définies ?

Nous avons identifié 7 familles de peurs, qui recouvrent plus précisément une soixantaine de menaces. Et pour chacune de ces menaces, nous avons invité les interviewés à nous donner une note sur 10 selon l’intensité de la peur qu’elle suscite en eux. Nous avons par ailleurs demandé aux répondants de noter sur une même échelle de 10 points un certain nombre de marques et de personnalités politiques en fonction de l’appréciation qu’ils en ont. Cela ouvre ainsi la porte à des croisements extrêmement intéressants !

Les Français ont-ils si peur que cela ?

Et bien pas tant que cela ! C’est ce que nous avons pu constater en particulier avec notre deuxième vague de mesure, en décembre. Après les attentats qui se sont produits à Paris en novembre, on pouvait s’attendre à trouver les Français désemparés, ou même un peu paniqués. En réalité, l’étude nous montre que nous avons affaire à une opinion à la fois consciente des menaces mais aussi très maîtresse d’elle même. Pour être factuel et précis, nous sommes passés d’une « note de peur » moyenne de 5,87 sur 10 en septembre à 6,07 en décembre. Il s’agit donc d’une variation modérée, qui ne traduit aucunement un mouvement de panique.

De quoi les Français ont-ils donc le plus peur ?

Il y a deux façons de répondre à cette question… LA menace qui suscite le plus de peur de la part des Français, juste devant celle des attentats terroristes, c’est la pollution des mers et des océans. Les trois autres menaces pour lesquelles le coefficient de peur dépasse la note 7 sont la disparition des espèces animales, le cancer, et à nouveau une autre forme de pollution : celle de l’air ! Si l’on regarde les choses sous l’angle des grandes familles de peurs, vient en premier l’ensemble de celles qui sont liées à l’environnement et la nature. On trouve ensuite les peurs liées à l’environnement économique et social, et en troisième position celles qui touchent à la question de la sécurité.

Mais, vous dites aussi qu’il y a des peurs partagées, et d’autres en revanche qui sont nettement plus clivantes…

Absolument ! On voit d’abord que certaines catégories de personnes ont globalement beaucoup plus peur que d’autres. Les femmes sont beaucoup plus exposées à ce sentiment que les hommes. Les catégories sociales les plus modestes également. Et on voit en effet que les peurs ne sont les mêmes partout au sein de la population Française. Les peurs liées à l’environnement sont celles qui sont les mieux partagées. D’autres sont en revanche fortement différenciées en fonction notamment des préférences politiques des individus. On retrouve ce qui peut apparaître comme des évidences : le fait par exemple que les écologistes ont beaucoup plus peur des menaces liées à la santé et à l’environnement que les partisans de Marine Le Pen, qui sont eux-mêmes beaucoup plus concernés par des aspects liés à la sécurité des personnes. Mais d’autres résultats sont plus inattendus.

Il est frappant néanmoins de voir que les partisans du Front National font partie des Français qui ont globalement le plus peur, de tout !

C’est assez vrai mais ce constat s’applique en réalité à l’ensemble des personnes attirées par les extrêmes de l’échiquier politique, à droite comme à gauche. A contrario, les partisans du centre droit semblent beaucoup plus rassurés.

En intégrant les différentes variables de l’étude, vous proposez une sorte de cartographie de la peur des Français. Quelles en sont les grandes lignes ?

Il nous semble d’abord important d’évoquer les grands axes qui structurent les peurs. On peut faire un premier distinguo entre des peurs que l’on peut qualifier d’anciennes, et des peurs plus nouvelles. Dans la première catégorie, on trouve toutes les peurs qui motivent les gens à « faire société » : les agressions,  l’isolement, ou bien l’hostilité potentielle des éléments naturels. Alors que la seconde recouvre les menaces créées par les hommes et la société : la pollution, l’influence des médias, une excessive concentration des richesses… L’autre axe oppose les menaces qui pèsent sur les personnes et leurs biens à celles qui concernent les collectivités. Si l’on projette les Français en fonction de ces axes, 4 familles apparaissent : les Inquiets, qui forment le groupe le plus important parmi les Français, les Fragilisés, les Protecteurs et enfin les Vigilants.

Ces grandes familles ne partagent donc pas du tout les mêmes peurs…

Absolument. On voit que ces peurs tissent des attentes qui sont extrêmement intéressantes à appréhender par les partis politiques bien sûr, mais aussi par les marques ! Y compris pour des peurs qui peuvent sembler relativement universelles, comme celles associées à la qualité de l’alimentation ou à la santé, les sensibilités sont réellement contrastées.

Une partie des résultats de cette étude est publique. Quels sont les autres types d’éclairage qui sont accessibles en souscrivant à l’étude ?

Outre les clés que livre notre étude pour comprendre les motivations des consommateurs, l’étude fournit également des informations précises sur les valeurs des Français en fonction de leurs préférences pour telle ou telle marque.

Le baromètre des Peurs permet d’enrichir substantiellement la connaissance que les marques peuvent avoir de leur propre territoire, et de la manière dont elles peuvent le valoriser. Il est à cet égard un outil très puissant pour anticiper les résonnances que le discours d’une marque, une campagne de communication ou de publicité, aura dans l’esprit de ses publics. Le baromètre des peurs permet également de déterminer les positionnements relatifs de différentes marques concurrentes en fonction de leurs places respectives sur la carte des peurs des Français. L’étude sur les peurs des Français est donc à la fois un outil pour renforcer le lien qu’une marque entretient avec ses publics, ainsi qu’un guide pour faire évoluer son positionnement et conquérir une nouvelle clientèle. 


 POUR ACTION 

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• Echanger avec les interviewés : @ Mustapha Smail   @ Gilles Achache


 COMMENTAIRE(S) 

Danielle : La question sera de savoir l’intention de la marque par rapport aux peurs inventoriées : jouer le marketing de la peur ou/et donner des outils de gestion des peurs par divers moyens… à inventer !

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