Data analytics, big data : le temps du pragmatisme et du décloisonnement – Interview de Thibaut Lagorce, directeur Consulting de Socio Logiciels

19 Jan. 2016

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C’est bien connu, le propre de tous les sujets nouveaux est de déclencher une succession de cycles bien particulière : du scepticisme, puis un engouement plus ou moins raisonné, auquel succède une phase possible de déception, avant que ne vienne le temps du pragmatisme et de l’action…
Qu’en est-il donc de la posture des entreprises sur ces sujets que sont l’analyse des données et le Big Data ? Comment évoluent leurs besoins ? Ce sont les questions que nous avons posées à Thibaut Lagorce, Directeur Consulting de Socio Logiciels (groupe NP6), qui nous fait partager sa vision ainsi que les choix stratégiques effectués par sa société pour s’adapter à ces évolutions.

 

MRNews : La data ! la data ! la data ! Les médias ne cessent de mettre en avant l’importance clé de ce sujet – et de celui de la big data – pour les entreprises. Depuis un an ou deux, voyez-vous des évolutions significatives quant à la posture des entreprises sur ce sujet ?

Thibaut Lagorce : Notre constat est que les entreprises, dans leurs problématiques, décloisonnent de moins en moins data intelligence et marketing opérationnel. En d’autres termes, la priorité des entreprises n’est plus la connaissance client mais l’activation client, la connaissance client devenant un levier d’activation indispensable. Elles sont donc plus pragmatiques dans leurs interrogations et plus ROIstes dans leur approche. C’est particulièrement vrai pour les entreprises qui ont des marges serrées : elles sont prêtes à investir dans la data mais de manière plus itérative, et se rendent compte qu’avant de mettre en place une DMP (Data Management Platform), il faut avoir des éléments tangibles de gains opérationnels mesurables.

Interviewé il y a un an sur ce thème, Simon Pioche faisait le pari qu’après une phase d’engouement, il fallait s’attendre dans un second temps à ce qu’il y ait une forme de déception, liée à la difficulté pour les entreprises à réellement passer à l’acte et à tirer quelque chose d’utile de la big data. Voyez-vous des signes de cette déception ?

Les early adopters qui ont lancé des projets Big Data étaient plutôt des entreprises avec des gros moyens. Il y a donc eu des gros projets, avec des coûts et des effets tunnels importants. En 2016, on entre dans la seconde phase, une phase de démocratisation. Les premiers business cases montrent qu’une DMP a d’abord pour objectif de réduire les coûts d’acquisition plutôt que d’accroître le chiffre d’affaires.

L’analyse de la donnée est le coeur de compétence historique de Socio Logiciels. Mais l’importance accrue de cet enjeu pour les entreprises change la donne, j’imagine. Quelle est donc la stratégie d’offre de Socio Logiciels pour tenir compte de ce changement de contexte (avec les évolutions induites / besoins des entreprises) ?

Il nous a fallu redéfinir notre offre pour nous adapter. Nous avions les compétences, mais la façon de les présenter ne coïncidait plus avec les besoins des entreprises, entraînant parfois un dialogue de sourds. Quand on a un métier d’expertise, on a tendance à mettre en avant ce que l’on sait faire en détaillant ses compétences techniques. Or ce qu’attendent nos clients, c’est d’être rassurés sur notre capacité à répondre à leurs problématiques métiers et à leur apporter de la valeur ajoutée.

Nous avons ainsi décliné notre savoir-faire au travers de 6 offres complémentaires :

–       Le traitement et l’analyse d’enquêtes quantitatives, notre métier historique, où nous avons factorisé notre savoir-faire pour développer des outils innovants permettant à nos clients d’être plus autonomes : nous faisons évoluer notre croiseur Crom Web, nous avons développé Socio Panel, une solution clé en main permettant à nos clients d’interroger leurs communautés de clients sur des problématiques divers, et nous sortons très prochainement notre dernier-né, un simulateur bayésien pour les enquêtes barométriques permettant de transformer l’analyse bayésienne en véritable outil opérationnel de prise de décision et qui ne nécessite aucune compétence statistique.

–       Le data management pour rapprocher des données hétérogènes multi-sources

–       La connaissance client et toutes les problématiques autour du marketing prédictif qui est le sujet en vogue actuellement

–       Le géomarketing, un sujet sur lequel nous innovons beaucoup grâce à la recherche opérationnelle, l’enrichissement open data et les nouveaux outils online de data visualisation

–       La recherche opérationnelle, qui est une offre quasi unique en France sur les sujets marketing

–       La data visualisation avec comme problématique de transformer des rapports d’analyse statiques de plusieurs centaines de pages en outils interactifs et dynamiques comme Chord Explorer.

Et enfin sur l’ensemble de ces offres nous apportons du conseil et de la formation.

Socio Logiciels a récemment renforcé ses compétences en termes de recherche. Avec l’intégration de Julien Autuori et Nourredine Tabia, puis celle de Laura Brocco en tant que directrice scientifique. Pourquoi ces recrutements ? Quels sont les bénéfices à en attendre pour vos clients ?

Julien et Nourredine sont docteurs en mathématiques, spécialisés en recherche opérationnelle (RO), une branche des mathématiques. La RO rassemble des techniques d’optimisation sous contraintes et trouve des applications aussi bien dans les médias pour l’optimisation des investissements sur les différents supports que dans le géomarketing sur l’optimisation du maillage d’un réseau de points de vente, ou encore dans le marketing opérationnel pour l’optimisation de la planification de campagnes marketing.

Sous la direction de Cédric Hervet, Julien et Nourredine travaillent à la fois sur des projets clients et sur l’intégration d’algorithmes d’optimisation dans la plateforme marketing MailPerformance de NP6. Ces algorithmes vont révolutionner la manière de faire des campagnes marketing.

Laura Brocco, quant à elle, est notre nouvelle directrice scientifique. Elle encadre l’équipe data, apporte sa compétence scientifique et impulse une nouvelle dynamique dans l’utilisation de méthodes statistiques issues du monde des étoiles puisqu’elle est docteur en astrophysique.

Tous ces profils très différents apportent une énorme richesse de vues. Il y a une très forte émulation, les idées innovantes fourmillent et  certaines sont déjà en cours de mise en œuvre.

Une des hypothèses les plus souvent énoncées quant à l’évolution des études marketing est celle d’une forme « d’explosion » : une recomposition assez radicale du paysage, avec un marché et donc une zone de concurrence beaucoup plus large que par le passé. Partagez-vous cette vision ?

La manière dont les entreprises envisagent leur développement est en train de changer. Aujourd’hui, on est de plus en plus dans la co-création de produits et services avec le client. Avec les réseaux sociaux, on est passé à un marketing conversationnel entre les marques et les clients. Celles-ci n’hésitent plus à demander leur avis à leurs clients et veulent avoir des réponses à leurs questions en quelques jours. Il leur faut donc des outils. D’où l’émergence de nouveaux acteurs, qui proposent des panels en ligne, des outils de création de questionnaires en ligne, des outils d’analyses en ligne… Finalement, ceux qui prendront l’avantage sont ceux qui seront capables de fournir une plateforme complète et intégrée pour rendre les marques le plus autonome possible.

Il y a toujours eu une forme de barrière entre le monde des études marketing et celui du marketing opérationnel. Pensez-vous que cette barrière fasse encore sens ? 

Le pire c’est que cette « barrière » est aussi appliquée aux données. Beaucoup d’entreprises fonctionnent encore en silo, chaque département travaille sur ses propres données, d’un côté les données d’études, de l’autre les données transactionnelles et les deux sont rarement croisées. Et même au sein des directions marketing,  il y a parfois un cloisonnement entre ceux qui travaillent la donnée pour en tirer de la connaissance et ceux qui mènent les actions marketing. Chez NP6, notre vision est que la chaîne de valeur doit être intégrée et automatisée de la data à l’action.

L’intégration de Socio Logiciels au sein de NP6 (qui est un acteur clé en France de l’édition de logiciels) remonte à déjà quelques années. Qu’est ce que cela a changé dans la culture et dans l’offre de Socio ?

Cette intégration a permis de dégager beaucoup de synergies : d’un point de vue commercial, nous faisons beaucoup de cross selling, de plus en plus d’entreprises sont clientes NP6 et Socio.

D’un point de vue technique, les logiciels de Data Intelligence développés par Socio sont dorénavant systématiquement intégrés dans la plateforme logicielle NP6, ce qui permet de réutiliser des fonctions communes. Ces logiciels sont aussi hébergés dans l’infrastructure NP6 dans un data center ultra sécurisé situé en France avec plus de 200 serveurs et nos clients bénéficient du savoir-faire de NP6 en terme de support client.

Enfin, en terme d’offre, nous apportons une réponse plus globale aux directions marketing, de l’analyse de la data à son activation opérationnelle. Notre ambition est de créer la première plateforme marketing conversationnelle multi-canal.

Depuis quelques mois, vous dirigez le consulting de Socio Logiciels. Qu’est ce qui vous fera considérer que vous avez rempli votre feuille de route d’ici à deux ou trois ans ?

Quand nos clients se focaliseront sur le « comment » et sur le « quoi » plutôt que sur le « pourquoi ». La connaissance client n’est pas un but en soi, c’est un moyen de parvenir à l’action. Nous aurons réussi notre mission quand la connaissance client sera devenue sous-jacente et que les objectifs des entreprises porteront davantage sur l’activation des clients que sur la connaissance.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @tlagorce

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