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Le groupe BVA crée un département dédié aux Data Sciences – Interview de son nouveau directeur Thierry Vallaud et de Richard Bordenave, DGA Marketing & Innovation du Groupe BVA.

14 Jan. 2015

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Si, du côté des acteurs des études, le terme de Big Data est présent dans tous les esprits et quasiment toutes les bouches, il peut néanmoins s’écouler un certain temps du discours aux actes, rares étant encore aujourd’hui les instituts ayant intégré ce champ dans leur domaine de prestation. C’est le cas aujourd’hui pour le groupe BVA, qui a annoncé il y a quelques jours la création en son sein d’un département Data Sciences, dont la direction est confiée à Thierry Vallaud (ex Socio Logiciels). Celui-ci a accepté de répondre à nos questions avec Richard Bordenave.

MRNews : Thierry Vallaud, vous avez quitté Socio Logiciels pour rejoindre BVA et prendre la direction d’un nouveau département BVA Data Sciences. En d’autres termes, vous quittez une structure spécialiste de l’analyse des données pour un grand institut généraliste ou multi-spécialiste. Ce changement de cadre modifie-t-il beaucoup de choses, philosophiquement, dans la façon d’utiliser ces techniques de l’analyse des données ? 

Thierry Vallaud : A partir du moment où la data se généralise, il nous semble assez évident que l’activité de data science – qui consiste en l’analyse de cette donnée – doit se « populer » plus largement. En somme, nous ne faisons que tirer les conséquences d’une tendance de fond. Pour répondre aux problématiques des entreprises, il est clair qu’on pourra de moins en moins faire des études sans faire par ailleurs la démarche d’aller observer et analyser les données existantes. Ce métier de l’analyse des données est donc naturellement amené à sortir un peu de sa spécialisation, à s’ouvrir. Il gardera bien sûr sa spécificité analytique, mais il va l’appliquer au plus grand nombre, parce qu’il y a plus de datas et aussi plus de demandes. C’est précisément le rôle d’un institut généraliste que de répondre à une large demande et d’adresser les problématiques des annonceurs, globalement, quelque soit la nature de la donnée utilisée pour cela.

L’intégration de ces compétences techniques pourrait néanmoins se faire autrement, par la mise en œuvre de partenariats notamment. Le fait d’internaliser ces compétences correspond à une démarche plutôt volontariste…

TV : Quand un marché est un marché de niche, il est logique d’y trouver des acteurs de niche, avec des spécificités fortes quant aux solutions mathématiques et logicielles utilisées. Quand ce marché s’élargit, ces spécificités restent mais il est dans la logique des choses qu’elles viennent enrichir la réponse des généralistes ; c’est un nouvel outil qui se rajoute à la palette des solutions existantes. Par ailleurs, les synergies entre les études et data sont évidentes ; l’étude peut bien sûr servir directement à répondre à la question posée, mais elle peut aussi servir à enrichir une base plus globale. La frontière entre études et bases des données étant de plus en plus ténue, il est logique de viser à ce que les deux se servent et s’enrichissent l’une l’autre dans les meilleures conditions possibles. Ce qui n’empêchera ponctuellement de faire des partenariats sur des aspects IT, logiciels avec IBM ou Microsoft par exemple, ou plus hardware, facilities management avec SSII.

Richard Bordenave : L’enjeu culturel est également très important. Ce changement de paradigme évoqué par Thierry – sur la source de la donnée et la manière de répondre aux questions clients – doit se diffuser au sein de l’ensemble de l’entreprise. Nous connaissons les questions principales des clients, nous avons aussi l’expertise sectorielle, en revanche il nous manquait jusqu’ici un appui spécialiste sur la manière d’intégrer toutes les potentialités des nouveaux outils de traitement et le croisement de données issues de multiples sources : études, bases de données ou autres sources externes. D’ou l’idée de cette entité, qui est là pour produire des prestations mais a aussi vocation à diffuser au sein de l’institut une culture du Big Data.. Derrière cela, il y a des façons de penser, un vocabulaire, un regard sur la donnée ou la finalité d’un échantillon qui sont complémentaires aux approches études traditionnelles et  que l’on va essayer d’essaimer le plus possible au sein du groupe. La formation sur les outils est aussi un enjeu clef afin d’assurer le développement de profils « multiculturels » au sein de BVA. 

Y compris auprès des équipes en charge des études qualitatives ?

TV : Oui, pourquoi pas ? Les qualitativistes produisent beaucoup d’images. On sait collecter, renseigner et hiérarchiser ces images et leur donner du  sens à l’analyse ensuite. On parle beaucoup d’analyse textuelle, de données non structurées. Peu de sociétés ont par exemple développé des solutions pour analyser automatiquement les verbatims. Le faire à un petit niveau, mais bien, ce peut-être aussi un réel enjeu. Plus largement, on pourrait croire que l’institut est féru de data. Il l’est d’une certaine façon. Mais d’une certaine data, avec certains tropismes, certains traitements… Le statisticien en institut intervient pour mettre en valeur l’information, la modélisation statistique est portion congrue. Et les plus grosses études portent sur 15 000 individus. Quand on parle de Data Sciences, on passe à une tout autre échelle. On a commencé chez BVA à analyser nos premières bases qui font 600 milliards de lignes.

Comment définiriez-vous en quelques mots la vocation de ce nouveau département ?

TV : L’objectif se définit très simplement. Il s’agit d’intégrer dans l’offre de BVA des savoir faire autour de l’exploration de la donnée, de la modélisation, du data-mining, du machine learning pour pouvoir répondre en particulier aux besoins des annonceurs susceptibles de disposer de données en propre. Et il s’agit également d’essaimer des pratiques mixtes intégrant études et analyse de la data pour proposer des nouvelles offres basées sur celles-ci.

RB : Nous sommes clairement dans une logique d’expérimentation sur un marché qui est en train de se structurer. Sur le datamining, les outils existent et sont packagés. Sur la partie big data, l’heure est plus à l’expérimentation, avec divers chantiers à mener avec différents secteurs et annonceurs.. De fait, investir sur la big data n’est pas à la portée de toutes les entreprises. Nous avons donc vocation à aider certaines d’entre elles à entrer sur ces sujets en bénéficiant d’une infrastructure et d’une équipe de data-scientists directement opérationnelle.

Big Data ne doit pas nécessairement être synonyme de « big » moyens ?

TV : Je mettrais le terme de Big data entre guillemets, parce que la donnée n’est pas nécessairement big. Elle l’est lorsqu’on dépasse les 500 gigas de données, ce qui n’est si fréquent dans les BDD marketing/CRM. Mais l’idée est bien en effet que BVA puisse aider les entreprises en leur apportant des solutions clés en main lorsqu’elles souhaiteront réaliser des études à partir de leurs propres données. Nous devons aider nos interlocuteurs en entreprise à s’affranchir des problèmes de « tuyauterie » : Où dois-je stocker les données ? Avec quelles solutions techniques ? Comment respecter les impératifs de sécurité ? Notre vocation est bien d’aider les gens concernés dans les entreprises à se concentrer sur leurs besoins et leurs objectifs d’étude. Pour cela nous lançons une offre clef en main et modulable de stockage en local, sur le cloud et sur un cloud plus privé pour les données les plus sensibles, accessible avec des outils distants entièrement on line pour les analyser.

Quelles sont les grandes composantes de votre offre de services ?

TV : Elle se structure autour de 5 grands piliers. En complément de l’analyse de données complexes – avec les équations structurelles et l’analyse des données chronologiques –  et du datamining, nous proposons des services d’audit et d’enrichissement de l’information. C’est un point important. L’idée est d’aider les entreprises à voir comment elles peuvent intégrer de nouvelles informations dans leurs bases, par exemple avec l’usage de mini-questionnaires spécifiques au touch-points, ou de l’open data par exemple. Il y a naturellement un pilier spécifique de géo-fancing et géomarketing, la dernière activité étant le conseil et la formation.

Qu’en est-il en termes d’équipe ?

TV : Je bénéficie aujourd’hui de ressources au sein des équipes existantes, avec l’appui notamment de la cellule de Data Management, dirigée par Mathieu Dombrie. De nouvelles personnes dédiées à la data science arriveront prochainement, mais l’idée est néanmoins d’utiliser prioritairement les ressources existantes, en permettant aux personnes concernées de monter en puissance sur de nouveaux outils comme l’analyse textuelle, le géomarketing et la modélisation. Ces personnes se mettent ainsi au service des différents projets, sachant que pour les projets complexes, nous mettons en place des équipes mixtes.

Sur le plan commercial, il n’est pas si évident pour une entreprise qui aurait des besoins d’analyses de données de penser à BVA…

TV : C’est vrai. Cela signifie qu’il y a en effet des enjeux de communication. C’est une des raisons qui nous font créer un département. Mais en ce qui concerne l’offre, je pense que l’on va assister à une mutation importante, avec d’un côté des spécialistes de l’analyse de données de plus en souvent rachetés par des sociétés assez éloignées de leur marché primaire (celui du CRM en particulier), et de l’autre côté des instituts qui vont intégrer dans leur offre ces composantes de big data et d’analyse des données. Les lignes vont donc naturellement bouger.

RB : Le fait que nous sommes naturellement amenés à répondre à des problématiques globales – celles que nous soumettent nos clients – peut aussi être un facteur d’opportunité, l’analyse des données permettant d’apporter des solutions nouvelles et intéressantes. On est dans un marché ou l’avancée technologique crée des opportunités de répondre à des questions qui peuvent encore n’être qu’implicites : nos premiers chantiers engagés dans ce domaine montrent que la valeur nait du fruit de l’expérimentation.  

Qu’est-ce qui vous fera dire que le pari est réussi, dans les 12 ou 18 mois à venir ?

RB : Le pari sera réussi si la greffe a fonctionné, et si les gens au sein de BVA parlent de Data de façon crédible, en sachant expliquer ce que cela apporte à nos clients. Il s’agit bien de faire évoluer la manière de poser les problèmes en intégrant la composante Data comme une modalité de réponse intéressante.

TV : Tout à fait. C’est bien l’enjeu culturel que nous avons évoqué précédemment. Mais la réussite du pari se mesurera aussi au fait qu’un certain nombre de solutions fonctionnent. Je pense en particulier à l’analyse des données textuelles, et aussi aux solutions de stockage de données clefs en main que nous proposons. Il y a bien un cap important à passer avec la création d’un serveur Hadoop, fonctionnel et simple à utiliser. Cela vient naturellement en complément des objectifs de chiffre d’affaire.

Si vous aviez un conseil à adresser aux entreprises sur la meilleure façon d’exploiter ces opportunités qu’apportent les big data et plus largement les data sciences, quel serait celui-ci ?

TV : Je crois qu’il faut commencer « petit ». Et il ne faut pas avoir honte de ses questions. Cela commence par un audit des datas. Les annonceurs ont souvent le sentiment qu’ils ne sont pas très riches. En réalité, ils le sont bien plus qu’ils ne le perçoivent, et de toute façon, il faut bien commencer par quelque chose. Si ce quelque chose est productif on avance. Je crois vraiment à la vertu d’avancer pas à pas, sans se lancer d’emblée dans des investissements lourds ni se laisser enfumer par les langages informatiques ou les problématiques de tuyaux. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, le mieux est vraiment l’ennemi du bien ! Je pense  par contre que au-delà de POC (Prof Of Concepts) répétés il faut avoir un vrai besoin opérationnel identifié, un besoin métier. Le POC technique pour lui-même n’a pas réellement de sens.

Je crois aussi qu’il y a un enjeu à ne pas s’enfermer dans cette logique d’usage des datas et ces pratiques où l’on sollicite les clients finaux à outrance. Il y a un vrai principe d’écologie à appliquer, en évitant d’envoyer systématiquement des messages aux clients en fonction des datas que l’on collecte sur eux. Il y a toujours mieux à faire que de scier la branche sur laquelle on est assis ! Préserver le client final de la sur-sollicitation, permettre le droit à l’oubli sont donc de vrais enjeux.


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewés : @ Thierry Vallaud   @ Richard Bordenave

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