« Socio Logiciels a vocation à occuper une place centrale sur le marché des études marketing » – l’interview exclusive de son nouveau directeur général, Bruno Colin.

13 Mai. 2014

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Socio Logiciels a jusqu’ici occupé une place à part dans l’univers des études marketing. Avec un statut de spécialiste « historique » du traitement et de l’analyse des données, devenu leader indiscuté dans son domaine sous la direction de Christian Delom et Jacques Paget. Et aussi avec la discrétion qui sied souvent aux techniciens. Mais la page se tourne pour cette société, avec le grand enjeu du big data, un changement d’actionnaires (suite au rachat de la structure par le groupe NP6 en 2013), et l’arrivée aux manettes de son nouveau directeur général, Bruno Colin, qui répond aux questions de Market Research News.

Market Research News (Thierry Semblat) : Si mes renseignements sont exacts, vous avez 55 ans, êtes titulaire d’un diplôme d’ingénieur en électronique et d’un MBA de finance. Et vous avez passez l’essentiel de votre vie professionnelle dans les études marketing en ayant travaillé successivement pour Nielsen, Risc International, Médiamétrie, SECODIP, TNS Sofres, GFK. Depuis quelques mois, vous êtes le nouveau directeur général de SocioLogiciels. Comment faut-il définir votre parcours ? Est-ce l’itinéraire d’un éclectique ? Celui d’un chasseur de primes ? Ou dit autrement, qu’est ce qui fait courir Bruno Colin ?

Bruno Colin : Si c’était l’itinéraire d’un carriériste, je pense qu’il m’aurait quand même mené ailleurs (rires). Le fait est que je suis quelqu’un de très curieux, ayant la qualité ou le défaut d’être un touche à tout. Pour vous dire la vérité, je me pose encore la question de savoir ce que je ferai quand je serai grand ! J’ai découvert le métier des études par hasard, suite à un entretien groupé que je m’étais décidé à passer uniquement pour me roder à l’exercice après deux ans passés comme professeur de mathématiques en Côte d’Ivoire.  Mon idée initiale était plutôt de rentrer dans une banque pour y faire de la finance. Il se trouve que cet entretien était organisé par Nielsen, qui m’a fait une proposition d’embauche, que j’ai acceptée. J’y ai rencontré un bon nombre des meilleurs chercheurs français et américains de l’époque qui m’ont quasiment tout appris dans le domaine de la modélisation. Par la suite, j’ai continué à faire le touche à tout, en me laissant guider par ma curiosité pour le commercial, puis pour les médias, les panels, et ainsi de suite. Mon parcours s’est fait ainsi, par le hasard de ma curiosité et des rencontres que j’ai pu faire.

Mais vous êtes toujours resté dans le domaine des études…

Oui. Je me suis plu dans les études parce que c’est un métier d’hommes, un métier où les relations humaines sont sans doute ce qu’il y a de plus important. Et puis le métier des études m’est apparu à la fois riche, multiforme et  passionnant, qui demande avant tout du pragmatisme, du bon sens. C’est la raison pour laquelle je ne me retrouve pas dans ces séparations qui sont souvent faites entre le quali et le quanti, l’adhoc ou le panel, qui visent la même finalité. Tout cela fait partie d’un même ensemble. Avec le big data, qui n’est à mon sens pas une révolution, on a bien affaire à ce grand tout où l’on retrouve du verbatim, du panel, de l’ad’hoc, de l’attitude, de l’exogène, de la météo… On est au cœur de la vocation même des études de marché.

Mais pourquoi Socio ? Parce que le big data ?

Il se trouve que mon parcours m’a permis de toucher à beaucoup de choses dans des sociétés différentes : les problématiques de médias, d’organisation, le conseil. Etre ici revient à réunir tout cela dans un seul endroit, en y ajoutant le fait qu’il y a tout à faire ou presque, qu’il s’agit d’une entreprise d’hommes, à taille humaine et avec de grandes ambitions. Je pense réellement que nous avons une position assez géniale, au centre de la donnée qui est le sens même des études de marché, et en position centrale face aux différents acteurs que sont les instituts, les prestataires et les annonceurs. Nous sommes stratégiquement au centre, là où les choses se passent. Avant, le rôle des études était essentiellement pensé dans l’optique du recueil des données. Aujourd’hui, les données sont là ; elles sont  beaucoup moins couteuses, voire gratuites. La question est de savoir comment les utiliser. C’est précisément là que nous avons un rôle à jouer. Donc voilà pourquoi Socio.

Si l’on se projette dans les 5 ou dix ans à venir, quelles sont les grandes lignes d’évolution du marché des études ?

Ce n’est pas une question très facile, beaucoup de tendances se sont dessinées dans les deux dernières décennies. La nature et l’écosystème du marketing devient extrêmement complexe ; cela donne une prime importante aux spécialistes. Il me semble que l’on devrait allers vers une configuration plutôt triangulaire avec, à la base, des multinationales plutôt focalisées sur l’acquisition de données (qui seront sollicitées comme une « commodité » pour recueillir des informations dans 80 pays s’il le faut par exemple). A l’étage au-dessus, j’imagine des sociétés plus spécialisées dans l’utilisation des données, par secteur. Et encore au-dessus, des sociétés capables d’agréger et d’ingérer une grande variété d’informations et d’analyses, et de produire des recommandations. En tout cas, on peut imaginer une configuration qui tende vers cela.

Socio Logiciels se retrouve donc avec à sa tête un nouveau patron, dans de nouveaux très beaux bureaux. On change tout pour repartir à zéro ? On garde quoi ?

On garde l’ADN. L’essence même de Socio, ce sont des gens qui adorent leur métier, qui vivent dans la donnée, la comprennent et disposent d’un capital d’expériences sur des milliers de sujets. Le seul vrai changement au fond, c’est le fait que nous soyons à un tournant qui oblige à s’organiser plus. C’est un de mes objectifs essentiels, en partant de mon expérience, que de construire une organisation à la fois souple et professionnelle, mais qui conserve cet ADN. Socio Logiciels travaille de plus en plus en direct avec les annonceurs, qui représentent aujourd’hui 60% de notre activité). Leurs problématiques sont extrêmement diverses et variées, ce qui n’est pas compatible avec une organisation statique de notre côté. Nous devons donc de plus en plus systématiquement fonctionner en mode projet, en mobilisant à chaque fois les compétences nécessaires compte tenu des besoins des clients. Mais il y a aussi la volonté de notre part de pousser plus l’accompagnement, l’insight. Nous devons être un partenaire, capable d’accompagner nos clients sur des problématiques de compréhension, et ne pas se limiter à une fonction de back office uniquement capable de faire le traitement.

Cela résume aussi ce que vous souhaitez changer dans l’image de Socio Logiciels ?

Nous devons manifester ce sur quoi nous allons : plus d’ouverture, et plus de dynamisme. Nous avons vocation à être plus visible sur le marché, à avoir un point de vue et à le faire savoir, quitte à être dissonant par rapport à ce qui se dit, par exemple sur la tarte à la crème qu’est le big data.

C’est un sujet sur lequel vous aimez bien mettre les pieds dans le plat… Je pense à votre intervention dans le cadre de la dernière Journée Nationale des Etudes (de l’Adetem), ou à l’interview de Thierry Vallaud dans le dossier que nous avons consacré à ce thème.

Le big data me fait penser à « 2001, l’odyssée de l’espace », avec l’image de ce monolithique qui arrive un jour de nulle part, et de ces homo sapiens qui tournent autour en se demandant ce que cela peut bien être. Le big data, c’est un peu cela. Les gens tournent autour en se demandant ce que cela veut dire. En réalité, c’est un nouveau mot appliqué à une réalité déjà ancienne, et qui renvoie à des évolutions très naturelles comme le fait que les consommateurs interagissent plus avec les marques et leur communication (et donc que les relations « causales » traditionnelles se sont complexifiées), que la donnée est volumineuse (ce n’est pas nouveau), que notre monde numérique génère en continu de l’information dorénavant déstructurée. Il nous faut en effet prendre la mesure de cela, pas à pas. Les annonceurs nous sollicitent aujourd’hui pour échanger sur ces questions, pour mieux appréhender ce big data et  surtout comment s’en servir. La demande est d’abord une demande de pédagogie. Et c’est bien là où nous intervenons, pour imaginer avec nos clients ce que l’on pourrait faire, plutôt que d’essayer à tout prix de leur vendre des outils.

Quels sont les plus gros challenges que vous entrevoyez dans votre mission ?

Il y a un enjeu excessivement important pour nous autour de l’accessibilité des données. Par essence, celles-ci sont multi-sources. Elles proviennent des études, mais aussi des CRM, du e-marketing, du surf. Les clients commencent à se rendre compte qu’ils sont assis sur un tas d’or (potentiel), avec de la donnée qui se génère quasiment d’elle même. Mais elle est complètement déstructurée et ils ne savent pas trop comment l’utiliser. Le souci, c’est que cela peut nous faire perdre un temps fou. Il faut donc que nous aidions les annonceurs à mieux structurer leurs données, l’idée étant d’aller vers des fonctionnements en mode service (SaaS), avec des plateformes intelligentes et conviviales où sont déposées leur données et auxquelles nous accédons à des fins d’analyse.  Ce sont ces étapes-là qui vont être difficiles : comment aider les annonceurs en leur proposant l’aide d’une DMP (Data Management Platform dans le jargon « big ») en mode SaaS, après que les prestataires informatiques les aient parfois un peu menés en bateau…

Qui définiriez-vous comme étant sont vos principaux concurrents ?

Nous avons affaire à une concurrence assez multiforme, avec de nombreux acteurs qui vendent de la ressource statistique ou bien qui sont spécialisés dans l’intégration de données, mais qui sont limités dans leurs compétences sur les problématiques marketing. Nous nous retrouvons aussi de plus en plus face à des sociétés de conseil plus traditionnelles, qui se découvrent spécialistes de la « data ». Plutôt que d’être en compétition frontale face à ces acteurs, je suis plus enclin à privilégier des partenariats intelligents avec eux. Si je sais que tel acteur est en train de travailler sur une proposition mais ne dispose pas de tous les savoir-faire nécessaires, pour quoi ne pas faire une alliance avec lui pour mieux combiner nos compétences respectives ? Je pense que c’est un peu le sens de l’histoire, toujours avec cette logique de mode projet que j’évoquais intra Socio, mais qui s’applique aussi très bien avec le monde extérieur. Ce sont des fonctionnements qui supposent bien sur une déontologie irréprochable, et un vrai culte de la confidentialité. Ce qui est notre quotidien.

La concurrence risque quand même d’être particulièrement âpre, en particulier autour de l’enjeu du big data…

C’est vrai. Les challenges sont difficiles, mais nous avons de très belles cartes à jouer. C’est un contexte stimulant. Je trouve en tout cas ces perspectives extrêmement excitantes, le sentiment pour moi étant d’avoir rajeuni de vingt ans depuis que je suis rentré chez Socio !


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Bruno Colin

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