Comment contourner le diktat du « Quick and Dirty » ? Interview d’Isabelle Fabry-Frémaux (ActFuture.com)

7 Mar. 2014

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« On n’a pas le choix, on va faire du ‘Quick and Dirty’ ». Si vous êtes familier des études marketing et travaillez dans un environnement qui ne proscrit pas l’usage de l’anglais, il est probable que la formule ne vous soit pas étrangère, et avec lui cet impératif d’accepter des modalités d’études dégradées pour pallier l’urgence. La pratique du « Quick and Dirty » est-elle pour autant incontournable compte tenu de la pression croissante du temps dans les entreprises et les organisations ? Certainement pas, nous dit Isabelle Fabry-Frémaux (ActFuture.com), qui propose un protocole visant plutôt à faire du « Quick and Clever ».

Cette notion de « Quick and Dirty » est souvent évoquée dans le domaine des études marketing. Mais diriez-vous que cela correspond à une demande fréquente de la part des entreprises, que ce soit explicitement ou implicitement ?

Je n’irais pas jusqu’à dire que cela devient la norme, mais il est clair que cela correspond à une part substantielle des études qui nous sont demandées par les clients. Et c’est effectivement un phénomène qui s’est considérablement amplifié au cours de ces dernières années, avec une exigence croissante de rapidité de la part des équipes marketing et plus largement des entreprises. Lorsque la demande est implicite, ce qui peut bien sûr arriver, cela signifie qu’il y a potentiellement une zone de risque, avec un malentendu possible quand aux attendus de l’étude et au processus à engager. Dans ces cas-là, il nous paraît fortement préférable de reformuler le besoin dans des termes plus explicites en effet, l’objectif étant de travailler selon un « contrat » clair à la fois pour nous institut et pour l’entreprise. Lorsque cette condition est remplie, notre vision est que l’on peut répondre au besoin en sortant des protocoles les plus classiques, de sorte à être « Quick » et non pas « Dirty » mais « Clever », ou pour le dire en français intelligent ou malin.

« Quick and Clever » est-il une méthode en tant que telle ? Comment l’idée est-elle née ?

C’est un ensemble de principes, que nous avons défini en nous inspirant d’une méthode utilisée dans le domaine médical. Il s’agit en l’occurrence de la méthode formalisée par David Servan Schreiber, pour soigner ou du moins soulager les patients traumatisés notamment en temps de guerre. C’est le fameux questionnaire de l’ELFE (QELFE), avec ces 4 interrogations clés : Q pour Question – Que s’est-il passé ? E pour Emotion – Qu’avez-vous ressenti ? L pour Le Plus : Qu’est-ce qui vous a été le plus difficile ? F pour Face – Comment avez-vous réussi à faire face ? Le dernier E traduit la notion d’empathie que se doit d’exprimer le médecin à son patient à l’issue de ce questionnement. Nous avons en quelque sorte transposé cette méthode dans le domaine des études marketing qualitatives autour de cet acronyme, PARIS, qui nous permet de poser ce contrat que nous évoquions précédemment.

Déroulons donc ce PARIS…

Le P correspond à la notion de Précision. Nous partons d’un constat extrêmement simple,  qui est qu’une très grande proportion des briefs qui émanent spontanément des annonceurs et des instituts demandent à être reformulés, soit parce qu’ils se limitent à quelques phrases trop vagues pour pouvoir élaborer une méthodologie, ou bien encore parce qu’ils intègrent un luxe de détail tel que la demande semble irréaliste. Nous posons donc 3 questions à savoir celle de l’objectif, de la cible, et du budget. Elles peuvent paraître évidentes, mais au-delà des questions elles-mêmes, ce qui importe le plus pour nous est de proposer une tonalité d’échange qui est celle de la précision, de la concision, de la rapidité. Si le client demandeur ne va pas vite, nous ne pourrons pas être dans le « Quick ». Cela pose d’emblée une forme de contrat moral, et à partir de là, on sait ce que le client veut, désire.

Le A renvoie à la notion de réponse Answer. Notre premier engagement est celui de proposer une méthodologie en quelques slides au plus tard dans les 24 heures qui suivent la demande. Et nous nous engageons sur un délai de 7 jours entre le GO du client et la présentation des résultats et des recommandations.

C’est bien sûr le R de Rapidité. Le I correspond à la notion d’Intelligence, celle déployée au moment de l’analyse. Et le S est celui des Solutions ou des préconisations formulées à l’issue du processus.

Le temps réservé à l’analyse est généralement considéré comme « critique » pour la qualité de l’étude… Quels sont donc vos partis pris pour éviter à ce moment-là précisément de basculer dans le « Dirty» ?

Vous mettez le doigt sur un aspect essentiel du processus. Notre parti-pris est résolument de sortir des process traditionnels utilisés dans le cadre des études qualitatives, avec un principe d’analyse qui ne passe pas par une mise à plat exhaustif du contenu, mais qui s’appuie plutôt sur une démarche d’analyse beaucoup plus spontanée. En d’autres termes, nous nous appuyons d’abord et avant tout sur notre mémoire vive. C’est un processus « raccourci », qui n’est évidemment possible que si l’animation et l’analyse sont mises en oeuvre par une seule et même personne, à partir du moment où celle-ci dispose d’une grande expérience. C’est ce parti-pris qui permet de mettre, immédiatement après le terrain, en exergue très rapidement, grâce à un esprit de synthèse exercé et une bonne expérience en marketing, les 5 à 10 points clés à retenir, qui sont bien sûr étayés par des contenus.

Et au moment de la restitution, quelles sont les conditions qui vous semblent importantes à respecter pour tenir ce cadre du « Quick and Clever» ?

Il doit toujours y avoir ce même impératif de rapidité, de concision. Cela signifie concrètement que la présentation doit durer moins d’une heure, en commençant par les conclusions clés, que l’on explicite dans un second temps. Pour faciliter l’appropriation de ces messages, il nous semble également important de respecter le principe du « sandwich ». S’il y a un message difficile à faire passer, avec l’énoncé d’une ou plusieurs pistes d’optimisation par exemple, il est préférable qu’il soit intercalé entre deux messages positifs, plus faciles à entendre pour l’auditoire. C’est une bonne façon d’évacuer des conflits parfaitement inutiles.

Cette démarche, et en particulier ce parti-pris en termes d’analyse peuvent ne pas convenir à tout le monde… Quelle est votre philosophie quant à son bon emploi ?

Il est parfaitement évident que cette démarche ne doit jamais être imposée. Si le demandeur n’a pas besoin / envie d’aller vite, si sa culture d’entreprise est plus à bien prendre le temps et se sent plus à l’aise dans les méthodes traditionnelles, elle n’est pas adaptée. Mais si à contrario elle vient en réponse à une sorte de « challenge », si on est bien dans cette logique de contrat moral que nous avons évoqué avec des exigences de part et d’autre, elle a alors toute sa pertinence, au point de vite créer de nouvelles habitudes entre nous l’institut et nos clients.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Isabelle Fabry-Frémaux

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