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(Micro)portrait : Luc Laurentin, président de Syntec Etudes Marketing et Opinion.

10 Oct. 2013

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Il y a quelques mois, Luc Laurentin était désigné par ses pairs en tant que nouveau président de Syntec Etudes Marketing et Opinion, succédant ainsi à Patrice Bergen à la tête du syndicat de la profession des études de marché. Mais qui est donc Luc Laurentin ? Quel est son parcours ? Qu’est ce qui l’anime ? Quelle est sa vision de la profession des études dans ce contexte économiquement difficile ? Qu’aimerait-il mettre à l’actif du bilan de sa présidence ? Ce sont les questions auxquelles il a accepté de répondre dans le cadre de cette interview pour Market Research News.

Market Research News : En parallèle de la présidence de Syntec-Etudes, vous dirigez la société Limelight Consulting, qui est spécialisée dans la connaissance et l’intelligence des marchés Business to Business. Quelle est votre formation ? Quel est votre parcours antérieur ?

Luc Laurentin : J’ai fait des études de droit, d’économie, un peu de Langues O, Science-Po… Mais je suis toujours un peu surpris lorsqu’on me pose cette question, qui est très « française ». Tout cela est bien loin ! J’ai suivi des études supérieures parce que je suis quelqu’un de curieux, mais aussi parce que mes parents m’y ont contraint et interdit de devenir pianiste, ce qui était peut-être ma vocation. J’ai eu ensuite un parcours qui m’a amené à travailler pour des grands groupes de communication, comme Young et Rubicam, Publicis. Et également High Co, qui était un groupe très intéressant, très en pointe en termes d’innovation.

Comment êtes vous arrivé dans l’univers des études ?

Il y a bien sûr une part de hasard, de sérendipité diraient certains. Mais cela rejoignait cette motivation qui est profondément la mienne, celle de comprendre mon temps. Qui sont les gens ? Comment  vivent-ils, consomment-ils, évoluent-ils ? Qu’attendent-ils ? Ce sont des questions qui me passionnent.

Vous auriez tout aussi bien pu être sociologue ?

Peut-être aurais-je pu. En tout cas cette idée de comprendre son époque est essentielle pour moi. C’est ce que l’on retrouve complètement avec les études, qui permettent d’explorer, de saisir, de comprendre, et qui constituent un formidable outil d’aide à la décision. C’est cela qui m’a amené en tout cas à me lancer dans les études avec la création de Limelight, qui est un institut spécialisé dans le « business to business ». Pour être honnête, je suis venu aux études comme monsieur Jourdain est venu à la prose, sans passer par les grands instituts. Je sais que c’est un peu particulier mais c’est ainsi ; on m’a proposé de prendre la présidence du Syntec Etudes sans que je fasse partie du sérail !

Parlons du marché des études. Celui-ci renvoie des signaux de santé qui ne sont pas vraiment favorables, avec un recul de -1% de l’activité en 2012, et l’annonce de sérieuses difficultés pour des acteurs importants du marché. Quelle est votre vision sur l’évolution du marché ?

Je crois d’abord que l’on ne peut pas se focaliser sur un instant T. Il faut donc mettre cela en perspective, en tenant compte du contexte général qui est le notre. Notre pays subit la crise de façon assez marquée, avec un déficit d’adaptabilité de nos entreprises en partie imputable à la lourdeur des contraintes légales et sociales. La France reste néanmoins le 3ème ou le 4ème marché mondial des études qui pèse quand même 2 milliards d’euros, à peu près à égalité avec l’Allemagne, avec une croissance importante sur ces dix dernières années. Tout cela doit nous amener à relativiser ces signaux, et à ne pas oublier que chaque entreprise a sa propre histoire, avec ses spécificités.

Ces difficultés ne sont donc pas imputables à un problème de fond dans le business model des sociétés d’études ?

Dans le cadre de l’activité de Limelight, nous avons interviewé plus de mille décideurs d’entreprise, tous secteurs confondus ; tous évoquent peu ou prou les mêmes problèmes et les mêmes enjeux, avec une concurrence qui prend de plus en plus la forme d’une guérilla, et la difficulté à investir. Toutes les entreprises connaissent cela, et il n’y a pas de raisons pour que l’activité des études soit une exception. De même, on voit partout des phénomènes de concentration, avec la création de méga-groupes. C’est dans l’ordre des choses, et je ne vois pas pourquoi le monde des études échapperait aussi à ce phénomène-là. Je ne fais donc pas mienne cette hypothèse d’un problème de fond quand au business model des études, même s’il faut que nous progressions sur la valeur perçue des études.

Qu’entendez-vous par là ?

Nous faisons partie des métiers du savoir, qui doivent s’efforcer de valoriser ce qu’ils apportent. Il y a pour moi un vrai travail de fond à entreprendre auprès des décideurs, pour renforcer l’image des études. Elles constituent une aide à la décision qui est plus précieuse que jamais. Mais je crois aussi à la nécessité d’une réelle croisade auprès des médias, qui doivent respecter le sérieux de cette profession. C’est un métier scientifique !

D’ici quelques années, qu’aimeriez vous avoir contribué à faire à la tête du Syntec ? Qu’est ce qui vous donnera le sentiment d’avoir accompli votre « mission » de président ?

J’aurais le sentiment de l’avoir accomplie si nous parvenons à accélérer aux maximum nos prises de décision sur les enjeux d’innovation associés à notre métier. Il s’agit bien de l’innovation au sens large. Cela concerne l’intégration de tous les nouveaux modes de recueil, et plus largement de la révolution de la digitalisation. On parle beaucoup de data et de big data, mais on ne doit pas perdre de vue que cette notion est au cœur de nos métiers. Il y l’enjeu de la mobilité. Il y a aussi des enjeux juridiques importants, autour de la protection des données. C’est le rôle de Syntec de s’investir sur ces sujets. Il faut aussi que nous intégrions le fait que notre périmètre concurrentiel change. Tout le monde n’est pas d’accord avec moi lorsque j’évoque cette idée, mais je serais ravi si nous parvenions à faire entrer Google au Syntec. Il faut aussi que nous développions des outils de formations qualifiantes agrées Syntec pour des étudiants. Nous sommes en train de tester des choses, avec un cycle de formation qui devrait recevoir notre agrément. Mais il faut que nous fassions plus que cela bien évidemment. Certains points sont révélateurs d’un état de fait qui ne peut pas perdurer, comme le fait qu’il n’y ait plus de cursus spécifique Etudes à Sciences Po ou dans certaines grandes écoles. Il faut que nous améliorions cela.

Il n’est pas facile d’être « suivi » par tous les acteurs de la profession. Le syntec compte aujourd’hui une soixantaine de sociétés membres. Faites-vous de l’accroissement de ce nombre une priorité, et si oui comment pensez-vous y parvenir ?

Cela passe d’abord par le contenu. Nos réunions se tiennent tous les deux ou trois mois ; il faut que nous parvenions à faire en sorte qu’un plus grand nombre d’adhérents y participent. Mon ambition est de faire venir à ces réunions des personnalités qui vont partager des choses intéressantes, qui vont mobiliser nos adhérents. Et j’invite par ailleurs ceux qui estiment que le Syntec est insuffisamment représentatif de la profession à nous y aider ! Nous sommes dans un monde qui va beaucoup plus vite que certains ne l’imaginent. Je pense tout simplement qu’il faut prendre cela en compte, et accepter les conséquences d’être passé d’une économie de marché à une économie de réseaux, avec de l’échange, du partage, de la participation. Ne pas le faire équivaut à se mettre en danger. Il faut aussi que nous exploitions nos forces et que nous fassions parler de nous. Les français sont bons, ils ont une très bonne réputation dans les études au plan international. Ce n’est pas rien !

Vous avez co-signé il y a quelque temps un ouvrage intitulé « No pub. Le jour où la pub s’est arrêtée ». Vous trouvez encore le temps d’écrire ?

J’aimerais. Mais je tiens en tout cas mon sujet, qui est de savoir quand et comment nous allons enfin passer au 21ème siècle !

Vous dirigez une entreprise, êtes président de Syntec Etudes, écrivez, enseignez… Qu’est ce qui fait courir Luc Laurentin ?

Je crois que c’est la passion. J’aime prendre les sujets à bras le corps. Je suis un homme de passion et de croyance, avec une vie de famille très remplie,  ce que je crois être un élément très structurant. Ce qui me fait courir, c’est le désir de contribuer à faire avancer les choses. Parce que je suis passionné, que j’aime les autres et notre métier des études.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Luc Laurentin

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