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Certaines couleurs font-elles plus vendre que d’autres ?

11 Juil. 2013

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Depuis la nuit des temps peut-être, ou disons au moins depuis qu’existent des magasins avec des rayons et des présentoirs de produits, les acteurs du marketing, du commerce et du design se posent régulièrement cette question. Certaines couleurs font-elles plus vendre que d’autres, et le cas échéant lesquelles ? Qu’en est-il réellement ? Quelles sont les règles du jeu en matière d’usage des couleurs pour faciliter le bon repérage des produits auprès des consommateurs, et donc leur vente ? Ce sont les questions que nous avons posées à Isabelle Goisbault (DG de Stratégir en charge de l’innovation) et Jean Christophe Charrier (Directeur de Toonga, département Images & Technology de Stratégir), dont la société est spécialisée dans les études Shopper et les tests de packs.

Market Research News : Tout le monde admet l’importance clé des couleurs dans la définition de l’identité des marques et des produits, et dans les émotions qu’elles renvoient. Mais peut-on aller jusqu’à dire que certaines couleurs font plus vendre que d’autres ?

Jean Christophe Charrier : Vous avez tout à fait raison de rappeler l’importance clé de la couleur, que certains considèrent même comme étant la dimension la plus émotionnelle d’un packaging. Mais dès lors qu’il est question de comportement du shopper sur le point de vente, les choses sont en réalité assez complexes parce que la notion d’environnement est primordiale. Dit autrement, la perception d’une couleur est très fortement dépendante des autres couleurs qui l’entourent.

Chaque couleur a pourtant un sens bien précis, en tout cas pour une culture donnée…

C’est vrai. Avec en effet des différences de sensibilité qui peuvent être importantes selon les pays, les cultures, ou même les catégories de personnes à l’intérieur d’une même culture, au-delà même de la subjectivité de tout un chacun. Mais quand il est question du comportement en point de vente, la notion d’environnement est incontournable. Par définition ou sauf cas exceptionnel, le produit n’est jamais tout seul dans un rayon. Il est présent parmi d’autres, ou dit autrement, il est une couleur (ou un jeu de couleurs) parmi d’autres ! Et du coup, une couleur va toujours fonctionner de façon « relative » aux autres. On peut faire le parallèle avec la notion de forme et de taille. Un même produit peut paraître grand s’il est entouré de produits de plus petite taille, ce qui aura naturellement un effet sur son impact visuel auprès des consommateurs, ou bien il peut au contraire apparaître comme très petit, et bénéficier ainsi d’un impact bien moindre…

Quelles sont donc les règles du jeu pour accrocher le regard du shopper ?

Dans ce cadre qui fait la part belle à la notion d’environnement, il est évident que la notion de contraste est essentielle. L’utilisation et la juxtaposition des couleurs primaires que sont le rouge, le jaune et le bleu a précisément pour effet de produire des contrastes forts, qui sont renforcés si le fond est noir. A contrario, le contraste est atténué lorsque les couleurs contiennent des composantes communes. Le noir et le blanc sont bien évidemment le « tandem » qui assure le meilleur contraste. Mais c’est bien connu, ce ne sont pas des couleurs en tant que telles. Si l’on s’en tient aux « vraies » couleurs, l’association du violet et du jaune est particulièrement efficace de ce point de vue-là. S’il existe en rayon un produit de couleur jaune, le fait de positionner à côté de lui un produit violet va générer un fort contraste, et va donc permettre à ces deux produits de bénéficier d’un fort impact visuel en créant ainsi une rupture visuelle dans le rayon.

On associe aussi aux couleurs une notion de chaleur, avec des couleurs dites chaudes ou froides. Ce paramètre est-il important ?

Là-encore, et même si cela peut paraître un peu déconcertant, ces notions sont relatives. Il y a bien des couleurs qui, toutes choses étant égales par ailleurs, sont qualifiées de chaudes. C’est le cas du rouge, du orange et du jaune, que l’on oppose aux couleurs froides que sont le vert, le bleu et le violet. Mais en point de vente, une couleur n’est chaude qu’en relatif avec les autres couleurs présentes.  Une couleur comme le vert par exemple peut paraître chaude si elle est entourée de couleurs plus froides.

L’emplacement des produits en rayon joue donc un rôle important sur leur impact visuel. Mais dans quelle proportion cela peut-il jouer ? Les performances ne vont pas varier du simple ou double ?

Isabelle Goisbault : les expériences que nous avons pu mener nous montrent au contraire que l’impact est énorme. Sur un exemple récent dans le domaine du Pet Food, à niveau de facing identique et en faisant simplement varier l’organisation des colonnes de produits, nous avons pu voir que l’impact spontané* du produit pouvait passer de 5 à 12 et même 16% selon les configurations. Et bien sûr, cet impact est déterminant dans la performance commerciale du pack et de la marque

En d’autres termes, une fois que la couleur du produit est défini, il est impératif de trouver le meilleur positionnement possible du produit en rayon, à moyens identiques. Il faut donc faire des tests…

Objectivement, il est clair que c’est bien la meilleure façon d’optimiser les choix et les décisions. Mais je pense qu’il est important de rajouter que les différentes combinaisons possibles n’ont pas qu’un effet sur la performance de tel ou tel produit. Cela peut également avoir un impact majeur sur la perception du consommateur quant à l’agrément de l’achat en rayon, mais aussi et surtout sur le niveau global des ventes du rayon, ce qui est bien sûr un élément capital à la fois pour le distributeur et les industriels concernés. Ceci est possible par des résultats « coloriels » qui renvoient auprès du shopper l’image d’un rayon bien organisé ou non, dont la présentation est harmonieuse ou non ou dont l’organisation aide le shopper à trouver ce qu’il cherche.

On voit sur le marché des études des solutions de tests de linéaires en mode virtuel, avec des écrans. De votre point de vue, ces tests sont-ils efficaces pour déterminer les meilleurs choix dans l’agencement des produits et leur emplacement.

Le principe de réalisme de la situation de test est vraiment une condition clé pour disposer d’une lecture correcte. Ce réalisme passe par un certain nombre de paramètres, dont celui de la taille. Nous avons pu mener des expériences avec Lactalis Nestlé Produits Frais par exemple, en effectuant des tests en parallèle avec d’un côté un poster reproduisant le linéaire à taille réelle, et d’autre part un linéaire sur écran d’ordinateur. Avec les mesures eye-tracking, on voit très bien que l’attention des shoppers ne se fait vraiment pas de la même manière, avec en particulier une très forte focalisation de leur regard vers le centre du rayon dans la configuration du « petit écran ». Et cela conditionne bien sûr très fortement l’estimation des potentiels de vente des produits, qui étaient en l’occurrence des « desserts spécialités ». Selon les dispositifs, la part de choix d’un produit important passait de 14 à 33% ! Il faut donc être très prudent avec les tests sur écrans d’ordinateurs, qui présentent des limites majeures pour ce type d’objectif car ils ont du mal à reproduire une situation d’achat réaliste.

Enfin, qu’est ce que les neurosciences nous apprennent sur ce type de problématique ?

Les neurosciences nous apportent une meilleure connaissance des émotions et des stimuli qui les conditionnent, et ainsi de mieux comprendre comment fonctionne notre cerveau. Elles nous permettent notamment de mesurer jusqu’à quel point celui-ci est « fainéant ». Pour le dire plus justement, notre cerveau a tendance à s’économiser, et à proportionner sa dépense énergétique en fonction du niveau de l’enjeu. Et lorsqu’il y a à la fois un enjeu faible, et beaucoup d’informations comme c’est le cas devant beaucoup de linéaires, le cerveau simplifie l’équation et c’est l’émotion qui l’emporte. Et comme la dimension visuelle est prépondérante dans le fonctionnement de nos cerveaux, les couleurs constituent donc un paramètre essentiel !

* Impact spontané : % de personnes citant spontanément la marque parmi celles présentes dans le linéaire.


 POUR ACTION 

• Echanger avec l’interviewé(e) : @ Isabelle Goisbault

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